Comment se crée le jargon du jeu de rôle ?

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Comment se crée le jargon du jeu de rôle ?

Message par Thomas Munier » 13 Avr 2016, 16:00

La priorité en théorie, c'est de faire des concepts.

Après, il faut les transmettre par le langage, et les choses se compliquent.

Pour aller plus loin :
La grammaire du jeu de rôle, vidéo par Jérôme Larré


Les théoriciens ont plusieurs options, quand il s'agit de nommer leurs concepts :


+ Prendre un terme issu d'un autre média que le jeu de rôle (scénario, histoire...) pour désigner un concept qui diffère parce qu'on est dans un média différent.
Un scénario de jeu de rôle, c'est très différent d'un scénario de cinéma, parce que le premier prend en compte l'émergence et non le second, chose pour laquelle certains théoriciens refusent d'employer le terme "scénario".

Pour aller plus loin :
Jamais sans mon scénar !, article par Jérôme Larré


+ Prendre un terme de langage courant (ambiance, aventure, factions, immersion, morale/tactique...) et l'utiliser pour désigner la même chose :. On se fait alors comprendre de la majorité, mais des fois on est obligé de redécouper
"Immersion" ça reste très large comme concept, il faut redécouper.

Pour aller plus loin :
Le jeu, une expérience tactique, esthétique, morale, pour le podcast Ludologies
L'immersion, pour le podcast Les Voix d'Altaride
Combativité et absorption, article par Frédéric Sintes


+ Prendre un terme de langage courant (synesthésie, maelstrom) et l'utiliser dans un sens différent.
On risque d'introduire un contresens.
La "synesthésie" en jeu de rôle telle que théorisée par Frédéric Sintes, ça n'est pas la synesthésie biologique. Aurait-il fallu lui préférer le terme de "synchresthésie", mais qui est encore moins courant que synesthésie ? Ou pourrait-on encore préférer le terme plus consensuel de "synchronocité" ?

Pour aller plus loin :
De la synesthésie en jdr, article par Frédéric Sintes
Définitions de l'immersion, article par Paul Imert


+ Prendre les termes d'autres théoriciens et les assembler pour le besoin de ses concepts :
L'inconvénient, c'est que si les termes des théoriciens sont flous, l'assemblage est flou, et si on assemble des concepts en les comprenant différemment que l'auteur qui les a énoncés, on prend un risque de contre-sens : on part d'une volonté d'être consensuel et finalement plus personne ne comprend.

Pour aller plus loin :
Concevoir un jeu à partir des modes, article par Thomas Munier


+ Prendre des termes techniques du langage courant rôliste et les manipuler dans ses concepts (roleplay, scénario, immersion...). Le défaut : ces termes peuvent être galvaudés ou trop larges.


+ Créer des nouveaux mots en prenant un terme qui pourrait définir toutes les pratiques de jeu de rôle mais qui en fait s'applique à une pratique extrême : (narration partagée pour dire jeux à partage large des responsabilités, jeu de rôle social pour dire jeu de rôle qui met l'accent sur la relation sociale entre joueuses). C'est une pratique risquée car elle est confusante et clivante.

Pour aller plus loin :
Partage de responsabilités, article d'auteurs multiples
Que peut-on partager ?, article par Paul Imert


+ Créer des nouveaux mots qui sont des assemblages de termes courants, de telle sorte à ce que le mot contienne sa propre définition : schémas d'évolutivité narrative pour dire scénarios, jeux à partage large des responsabilités pour dire jeux sans MJ unique, contenu fictionnel malléable pour dire imaginaire partagé...
Le problème, c'est que ce sont des termes difficiles à manipuler.

Pour aller plus loin :
Schémas d'évolutivité narrative, article par Frédéric Sintes
Responsabilité et propriétés, article par Frédéric Sintes
Le Maelstrom, livre par Romaric Briand

+ Créer des nouveaux mots qui sont des mots-valises.
Narrativiste, c'est un mot-valise, plus ou moins.
Le problème c'est que ça induit des confusions avec les mots de mêmes racines.
On va confondre le jeu narrativiste (on joue des dilemmes moraux en restant dans le personnage) avec le jeu narratif (dans le sens jeu où on crée de l'imaginaire), lui-même confondu avec le jeu en freeform structuré (le jeu avec peu de chiffres, de règles, de hasard.) ou le jeu pour l'histoire (dans le sens, on joue pour créer une aventure mémorable, avec des personnages, des situations et un univers hauts en couleurs).

Pour aller plus loin :
Le modèle à trois volets - FAQ, article par John H. Kim
The Beginnings of Structured Freeform (Draft), article par Jonathan Walton


+ Inventer des mots à partir de rien (jeepform pour désigner le GN moral).
Le problème, c'est qu'il faut réexpliquer le sens du terme à chaque fois.

Pour aller plus loin :
Le Dictionnaire Jeepform, article par Vi åker Jeep


+ Employer des termes du langage mathématique. Cette méthode a l'avantage d'être bien moins soumise à interprétation, et le défaut quand on l'emploie pour chercher à définir des concepts, de renvoyer vers une modélisation à outrance.


Le langage des mots a pour mérite de pouvoir couvrir l'ensemble du réel et de l'imaginaire, il a pour défaut d'être soumis à l'interprétation, donc par conséquent rendre l'expérience intime ineffable. Si je devais aujourd'hui affirmer une préférence personnelle, elle se tournerait vers l'emploi de termes du langage courant, et des termes du langage courant rôliste.
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Re: Comment se crée le jargon du jeu de rôle ?

Message par Steve J » 13 Avr 2016, 22:49

Thomas je te remercie très chaleureusement pour ton sujet qui tombe à pique. Cela fait quelques temps que j'ai en tête un ensemble de critiques, souvent générales, envers nos approches théoriques du JDR. Alors que j'essaye d'écrire un message pour les formuler je me rends compte que mes textes sont soit trop hargneux, soit trop alambiqués. J'ai l'impression que ta réflexion sur le langage m'offre un angle d'approche (et d'attaque) qui débloque pas mal de trucs.
Gros message de ma part en perspective.


Dans un article fameux (le site propose une traduction du texte en français que je n'aime pas beaucoup mais permet d'avoir accès à l'ensemble du texte) George Orwell articule une critique virulente de certains usages du langage (anglais) notamment le fait de recourir très fréquemment à du jargon et à des expressions toutes-faites ("ready made"). Sa charge s'adressait sans doute à certains partis de gauche anglaise de son époque mais, à le relire, on pourrait croire qu'il l'a écrit après avoir passé trop de temps à lire The Forge.

Je traduis (mal) un passage
Un auteur consciencieux va, pour chacune des phrases qu'il écrit, se poser au moins quatre questions : 1) Que cherché-je à dire ? 2) Quels mots vont me permettre de l'exprimer ? Quelle image clarifiera ma pensée ? 4) Cette image est-elle suffisamment évocatrice pour produire un effet ? [...]Mais vous n'êtes pas obligé de vous donner autant de peine. Vous pouvez zapper cette étape en vous contentant de laisser votre esprit fonctionner tout seul et en laissant les phrases toutes-faites venir à vous. Elles vont alors construire vos phrases à votre place, allant parfois jusqu'à penser à votre place. Au besoin elle vous rendrons un grand service en dissimulant la signification réelle de vos propos aux autres et à vous même.


1) Application au jargon du LNS

Mon tacle envers The Forge peut sembler gratuit mais, à la lecture, le parallèle m'a semblé évident. Plus spécifiquement il m'a permis de comprendre des critiques que je pensais être de mauvaises foi envers le LNS.
Pour rappel la théorie LNS commence par décomposer les attitudes vis à vis du jeu en trois agendas créatifs (ludisme, narrativisme, simulationisme). Elle propose donc les définitions de trois concepts qui permettent de partitionner les pratiques de jeu.
Mais la théorie ajoute une conséquence de ces concepts : la notion de partie dysfonctionnelle qui nait de la coexistence de deux agendas créatifs différents à la table de jeu.

C'est cette notion de partie dysfonctionnelle qui choque le plus souvent.
A première vue le concept joue un rôle différent du trio de définitions (LNS). Là où les trois mots permettant de désigner les agendas créatifs ne semblent être que des définitions permettant de décomposer le réel, la notion de dysfonctionnalité est une prise de position ("mélanger narrativisme+ludisme"=>problème).
J'ai longtemps pensé qu'on pouvait sans souci écarter la notion de dysfonctionnalité (que je ne trouve pas systématiquement cohérente avec mon expérience empirique des parties de JDR) et ne conserver que les définitions du trio LNS.

En fait, quand on y réfléchit, utiliser les termes LNS pour décrire les pratiques est déjà une prise de position. C'est supposer qu'il est possible de séparer les pratiques et de tracer une limite entre le simulationisme et le narrativisme. C'est aussi supposer que tout rapport au jeu peut-être qualifié avec l'un des trois termes.
On comprend d'ailleurs mieux la notion de dysfonctionnalité qui découle logiquement de l'acceptation des définitions LNS. Si on accepte que le rapport du joueur au jeu ne peut pas être ludiste ET narrativiste (et donc si on accepte les définitions), on conclu automatiquement qu'il y a problème, dysfonctionnalité quand on cherche à mélanger les logiques de jeu.

Accepter de rajouter trois mots de jargon à son vocabulaire, opération qui peut sembler neutre du point de vue de la pensée, sans en questionner les présupposés c'est accepter un ensemble de conclusions qui en découlent. On tire des conclusions concrètes à partir d'opérations sur le langage que l'on ne contrôle pas empiriquement.

2) Des jargons qui embrouillent

Il me semble que, Thomas, tu as conscience de ce risque de glissement dans l'entretien qui tu as accordé à Ludologies. Après avoir exposé ta classification des expériences ludiques, tu concèdes parfois (je n'ai plus les passages précis en tête) que les termes sont parfois flous ce qui limite la portée de ma critique.
C'est un problème systématique de la volonté de classifier les pratiques (et donc de mettre des mots sur diverse facettes de nos expériences de jeu) : on les segmente ce qui revient à projeter par le langage un ensemble de présupposés (par exemple sur l'opposition du game et du play, sur la notion de "défendre les intérêt du personnage").

A l'inverse on gagnerait à se lancer dans une défense des mots flous (en tous cas qui couvrent un vaste champ) qui charrient derrière eux moins de présupposés théoriques. Nous sommes régulièrement coupables de faire un procès outré au mot de scénario dont l'usage serait la preuve d'une incompréhension des potentialités de nos médium (alors que l'étude de ce qui est présenté comme un scénario par les rôlistes montre l’extrême malléabilité du terme).
Régulièrement on entend l'argument comme quoi il faudrait refaire une analyse lexicographique des expressions que nous utilisons. Par exemple Vivien, comme d'autres, nous expliquait que certains JDR n'étaient pas des jeux (sous entendu "il faut normaliser le JDR en s'assurant qu'il ne franchit pas les limites que lui imposent sa définition"...même si son article suivant revenait sur ). C'est ce dernier point qui amène l'expression de story-games dont j'ai déjà dénoncé ici le caractère à la fois inutile et nuisible, exemple typique de l'expression toute faite qui pense à notre place (et écrit de mauvais jeux à notre place).

Par contre la réaction d'Eugénie au concept de maëlstrom dans cet article est beaucoup plus constructive. Elle identifie dans le terme de maëlstrom le présupposé qu'on peut analyser la partie du JDR en insistant sur le caractère contradictoire des représentations mentales entre les intervenants.
En admettant qu'elle est en partie en désaccord avec la définition, elle entreprend de penser la notion en négatif (donc en la détournant) en se demandant comment limiter ou supprimer cet aspect contradictoire.

3) Des mots pour ne pas le dire

Autre problème : le jargon fait régulièrement office de voile qui nous masque divers sujets de conversations pourtant intéressants.
Déjà parce qu'il agit comme une barrière à l'entrée, tout le monde ayant ses propres définitions on se retrouve à ne communiquer avec personne. De fait on voit beaucoup d'articles et peu de discussions.

Mais la création de définition amènent à systématiquement esquiver certains sujets de conversation, jugés trop complexes, en zoomant dessus jusqu'à ne plus en parler.
Ainsi les débats sur l'immersion, terme pourtant courant, sont systématiquement avortés car le concept est considéré comme flou (en réalité ce qui le rend complexe c'est qu'il nécessite la prise en compte des ressentis de plusieurs joueurs et donc de discuter avant de théoriser). On préfère parler de sujets beaucoup plus précis (et au fond à ne plus parler d'immersion).

Dans un autre domaine cela m'évoque l'ouvrage sur le jeu vidéo du game-designer Raph Kostet, A Theory of Fun. Il y définit le fun vidéoludique comme le fait d'apprendre des choses sans avoir d'enjeux (il reconnait que d'autres choses produisent du plaisir au joueur de jeu vidéo, notamment l’expérience esthétique mais préfère ne pas l'inclure dans sa définition du fun parce qu'il ne s'agit, selon lui, pas d'une spécificité du jeu vidéo).
Là encore on part d'un sujet ambitieux et complexe mais on le redéfinit en zoomant sur un aspect très spécifique...au final on n'en parle plus.
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Re: Comment se crée le jargon du jeu de rôle ?

Message par Frédéric » 14 Avr 2016, 01:11

Comme mes concepts sont mentionnés, je viens poster ma petite plaidoirie, mais je ne vais pas prendre racine par ici.

Derrière des concepts, je mets surtout ce qui me frappe dans mes pratiques et dans mes expérimentations créatives.

Après avoir essuyé un certain nombre de parties déplaisantes à la suite, le concept de "défendre les intérêts d'un (ou plusieurs) personnages" m'est apparu comme un bon moyen pour expliquer à mes amis pourquoi ces parties ne m'ont pas plu : parce que cette approche qui est fondamentale pour moi en était absente, ou pénible à tenir. Si d'autres trouvent une utilité à ce concept, tant mieux, sinon, pas de souci.

En ce qui me concerne, les termes indéfinis sont l'une des raisons majeures qui font que j'ai déserté de nombreux forums (et que j'ai levé le pied par ici) : personne ne comprend de quoi parlent les autres. Certes, on peut développer nos expériences individuelles, je le fais volontiers en privé, mais je ne trouve pas que ça marche très bien sur des forums (moins qu'avec un rapport de partie, à mon avis).

Au final, même quand Vincent Baker décide d'abandonner classification ou prescription, on se rend compte qu'en fait il exclue toujours certains jeux et certaines pratiques de ses définitions, cf. ce que j'ai appelé "l'analogie du jeu d'échec" dans son commentaire à propos d'un de ses articles sur le Positionnement : http://www.limbicsystemsjdr.com/lanalog ... otnote1sym


Thomas : n'hésite pas, bien sûr à déplacer si on détourne ton sujet. ;)
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Re: Comment se crée le jargon du jeu de rôle ?

Message par Thomas Munier » 14 Avr 2016, 08:47

Merci pour ce retour très détaillé.

Il y aurait bien des nuances à apporter à mon article, j'en suis conscient. Ainsi, si je lève une certaine préférence vers l'emploi de mots courants, j'omets de soulever le risque que ça propose : en théorisant à partir de termes courants, on omet de signaler qu'on théorise. Est-il alors possible d'avoir une conversation sérieuse ? A contrario, la "forge" de termes techniques permet en effet de converger vers un même langage. Quand on parle ensemble de combativité, de maelstrom ou de système 0, on a une idée assez précise de ce que c'est, du moment qu'on a fait l'effort d'assimiler les articles qui en parlent.

Je suppose aussi que parfois, des lors qu'une théoricienne introduit un nouveau mot, on pense qu'elle crée un langage alors qu'elle fait parfois juste un intitulé pour encadrer un sujet dans un article. Ainsi, je suppose que Schémas d'évolutivité narrative, c'est avant tout un titre qui veut dire Différentes structures de scénarios, on est loin de l'idée de remplacer le terme scénario.

Enfin, comme tu le soulignes, il y a le mot et la définition. Parfois, on va tous employer des termes courants et leur accoler des définitions divergentes. Ainsi, le débat sans fin sur les limites du terme "jeu de rôle". Chose qui incite à inventer de nouveaux mots, chose vertueuse du moment qu'on compare les nouveaux mots entre eux dans l'élaboration d'une typologie, plutôt que de les opposer aux anciens.

Nommer, est-ce découper ? Quelque part, oui, dans le cadre de la théorie GNS ou du débat Jeux de rôle Vs Story Games. Pour ma part, je préfère la notion d'atomes. On peut modéliser sans découper, en admettant qu'un objet est rarement purement un seul truc, qu'il est plutôt un mélange de composantes qui interagissent.
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Re: Comment se crée le jargon du jeu de rôle ?

Message par Steve J » 15 Avr 2016, 14:55

Même si on pouvait espérer de l'introduction des termes techniques qu'elle conduise à un langage commun, dans les faits on est forcé de constater que ce n'est pas du tout le cas. En fréquentant plusieurs communautés rôlistes on se rend compte que toutes ont leur lexique et que l'usage de ces lexiques vient avec l'acceptation d'idées communes.
J'invite d'ailleurs tout le monde à faire l'expérience de lire les termes du glossaire du forum et de regarder quel pourcentage des entrées ajoutent des hypothèses théoriques et des jugements de valeurs (et sont donc loin d'être des simples éléments de communication).

Les rares termes techniques qui sont utilisés par toutes les communautés changent de sens entre elles. Le cas pathologique étant évidemment le mot "narrativisme".
Les termes techniques agissent, sans doute inconsciemment, comme une façon d'éviter d'avoir un langage commun (et donc une conversation). Ils ne sont pas partagés et les quelques dialogues entre communautés de rôlistes ne les utilisent pas.

Pour le coup j'apprécie beaucoup ta logique des concepts comme atomes mais, plus encore, j'apprécie (je dis ça sans ironie) le fait qu'il t'arrive d'utiliser en contre-sens certains termes.

PS : Je me rends compte que les rares éléments de vocabulaire que je trouve utiles et intéressant à la réflexion sur le JDR viennent d'ailleurs. Quand le blog Du bruit derrière le paravent parle de Kayfabe, quand Frédéric parle de synesthésie et quand Vivien parle de méta-fiction. Sinon j'ai vraiment peine à trouver des termes que je ne trouve pas hyper-piégeux et qui finissent par stopper net les discussions ou, pire, par penser à notre place.
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Re: Comment se crée le jargon du jeu de rôle ?

Message par Thomas Munier » 15 Avr 2016, 16:02

Steve J a écrit :[...] plus encore, j'apprécie (je dis ça sans ironie) le fait qu'il t'arrive d'utiliser en contre-sens certains termes.


Pour le coup, je serais content que tu me donnes un exemple pour que je comprenne mieux :)
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Re: Comment se crée le jargon du jeu de rôle ?

Message par Steve J » 15 Avr 2016, 17:54

Je pense spécifiquement au sujet que tu cites dans ton premier message, Concevoir un jeu à partir des modes.
Dans ce message tu expliques ce que t’évoque les concepts de postures et d'agenda créatif. Il y a des contre-sens dans l'usage de ces définitions mais ces contre-sens sont d'abord des désaccords avec les présupposés impliqués par les définitions.

De plus ton message expliquant, sans jargon, ce que tu mets derrière les mots que tu emploies s'avère parfaitement compréhensible pour un joueur de JDR parlant français même s'il ne connait pas les termes techniques. Ce message nous permet de comprendre précisément ce que tu veux dire, d'en discuter et -pour y répondre- force chacun à exprimer ce qu'il place derrière les termes qu'il utilise (il est donc impossible de laisser les termes techniques penser à notre place).
Je précise que je ne suis pas tellement d'accord avec ce que tu décris dans ce message (je conserve un certain intérêt dans les théories qui naissent des mots du GNS) mais son usage du langage me semble exemplaire.

Ce n'est pas si éloigné de l'usage qu'Eugénie fait du mot maëlstrom qui lui sert de point de départ alors qu'elle en tire des conclusions opposées à celle de Romaric.
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Re: Comment se crée le jargon du jeu de rôle ?

Message par Thomas Munier » 16 Avr 2016, 09:35

Si tu évoques le fait d'exprimer des désaccords sur les présupposés impliqués par les définitions, oui, ça me paraît important.

Ainsi, dans les articles de la théorie 101, le narrativisme se voit défini comme étant à la fois une dynamique sociale centrée sur le développement d'une bonne histoire et une dynamique sociale centrée sur les dilemmes moraux. Alors qu'à mes yeux ce sont deux choses contradictoires. Il faut souvent arrêter de défendre son personnage pour créer une bonne histoire, alors qu'il faut au contraire défendre son personnage pour ressentir les dilemmes moraux.

De même que c'est en battant en brèche la notion d'histoire en jeu de rôle que Romaric lui-même aboutit à la notion, fertile, de maelstrom.
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Re: Comment se crée le jargon du jeu de rôle ?

Message par Frédéric » 19 Avr 2016, 18:06

Je pense que le fond de la discussion est là :
- Si le GNS (et autres concepts définis) a pour but de créer des termes pour discuter et mieux se comprendre (et c'était le cas à l'origine), comme le dit Vincent Baker c'est un échec.
- Si le GNS (et autres concepts définis) a pour but d'enrichir notre conception du JdR, dans ce cas c'est réussi, pour ceux qui se sont donnés la peine de lire, et creuser ces concepts.

Pour ma part, si un concept enrichit autant ma conception du JdR que le GNS, ça ne me dérange pas qu'il peine à clarifier les discussions. Après tout, la physique quantique, la sociologie, la philosophie et à peu près tous les domaines intellectuels sont truffés de concepts précieux pour les spécialistes, mais hors de portée pour tous ceux qui n'auront pas pris le temps de les assimiler (ce qui implique d'ailleurs souvent d'assimiler également toute un culture et un savoir dans la discipline concernée).

Cela dit, je pense que les termes plus génériques comme "roleplay", "scénario", "immersion" et autres ne permettent pas d'empêcher les incompréhensions, à cause des différences d'interprétations.
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Re: Comment se crée le jargon du jeu de rôle ?

Message par Steve J » 19 Avr 2016, 18:38

Je pense que la plupart des incompréhensions autour de la théorie GNS (qui me fut personnellement utile précisé-je) vient de problèmes de communication (vocabulaire flou et définition changeante, articles mal écrit) et non pas de sa complexité intrinsèque (ce que veut dire Edwards avec l'article "System Does Matter" n'est pas si compliqué que ça).

Je pense même que l'on pourrait résumer les idées intéressantes (même les polémiques) de cet article sans réutiliser les termes de "narrativisme"/"ludisme"/"simulationisme" et même en se débarrassant de cette typologie qui s'avère extrêmement problématique à l'usage.

Plus généralement, Thomas, tu parles de vocabulaire "fertile". Tu as raison d'opposer à mes critiques sur les problèmes induits par le jargon des réflexions sur les éléments positifs qu'ils apportent. Je pense cependant qu'il nous faudrait sérieusement nous poser la question de ce qu'on entend par "fertile". Pour ma part j'attends plusieurs choses d'une définition fertile :
*Que le terme soit réutilisé dans des critiques/CRs analysant au moins un JDR ou une partie de JDR, en apportant quelque chose à l'analyse.
*Qu'il ne soit pas possible de lui substituer un terme préexistant.
*(Éventuellement) Que d'autres personnes que son auteur s'en emparent.
Et franchement, en posant ces exigences, je ne vois pas beaucoup de définitions fertiles.
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