par Frédéric » 03 Déc 2010, 19:20
D'après mon expérience, la démarche créative "story now" (aka narrativiste), dans un jeu bien conçu pour la soutenir, n'alimente pas les susceptibilités, pour la simple et bonne raison que la part d'approbation se constitue sur les jugements de valeur (moraux) portés sur les actes des personnages, les joueurs ne sont donc pas jugés sur une performance tactique, ni sur l'esthétique de leur créativité. Quel que soit le choix que tu vas faire pour ton personnage, il a de grandes chances d'être bon pour l'histoire, qu'il soit odieux, courageux, cruel, charitable. Les seuls mauvais choix, c'est de ne pas en faire, d'être trop dans la retenue, ou la précaution (ce cas de figure me semble toujours être un héritage de certaines pratiques où le MJ cherche à piéger les joueurs, ce qui est facile s'il n'a aucun garde-fou). Les joueurs que je connais qui ont une forte tendance à la susceptibilité en JDR (et dans les autres jeux, d'ailleurs) sont très à l'aise dans ce jeux-là.
Pour Démiurges, si un joueur s'oppose à un autre joueur, c'est uniquement le jugement du spectateur sur l'instant présent, pas sur la continuité. Le principe, c'est que certaines démarches créatives rendent possible aux joueurs un jugement de spectateur détaché des enjeux de son personnage. Zombie Cinema fait ça, par exemple et c'est sur-cool. L'intérêt, surtout, c'est que comme chaque joueur est en position de juger "les personnages", ça incite les joueurs à faire des propositions pour obtenir leur soutien. Donc, parfois tu tenteras d'avoir des arguments cools, d'autres fois, tu joueras de cruauté parce que ça peut amener des conséquences fun pour l'histoire, d'autres fois, un joueur compatira pour ton perso dans une mauvaise posture.
C'est une forme de méta-jeu qui soutient la démarche créative du jeu. ^^
Ce n'est pas parce que tu soutiens l'adversaire d'un joueur pour un conflit que tu es forcément contre ce joueur. Ce n'est pas de l'adversité, c'est une dynamique qui sert à impliquer l'approbation des joueurs dans la dynamique du jeu.
Le MJ est comme un bassiste d'un groupe de rock : il gère l'harmonie, le rythme, il accompagne les joueurs et leur propose des choses en réaction de leurs élans. Il joue l'adversité des PNJ, mais pas celle entre les PJ, il peut tout de même gérer des PNJ qui viennent aider l'un ou l'autre voire les deux PJ. Il révèle le monde extérieur à celui des PJ, il introduit des rencontres et prépare des situations complexes (des "bangs" en jargon forgien : des situations qui mettent le joueur en face de choix importants pour son personnage, parce qu'elles balancent les thématiques de plein fouet à la gueule des joueurs.
Et ça vient se conjuguer aux quêtes des PJ qui sont bâties sur les mêmes thématiques que celles des PNJ.
Après, on met les souris dans la boîte et on laisse les situations dégénérer et les conflits survenir. Et quand le MJ a exploré ses thématiques, il crée de nouvelles rencontres pour enrichir la situation et ainsi de suite.