Hier soir, j’ai joué avec mon frère Michaël un petit playtest d’un nouveau module de Space Rônin, intitulé : Voyages spatiaux.
Comme le MJ prépare les parties selon des enjeux moraux, je ne trouvais rien de bien convaincant à jouer dans l’espace et ça manquait cruellement au jeu. Les joueurs ne devraient jamais oublier que les choses se passent dans l’espace.
En m’inspirant des Cruel Fortunes de
Poison’d et des choix à conséquences multiples d’
Apocalypse World, j’ai construit une petite table d’aléas.
Ça fonctionne de cette manière : le MJ demande au joueur vers quel astre il se rend et ce qu’il est en train de faire dans son vaisseau (avec plusieurs joueurs, on pose la question à chacun, ou à quelques uns).
Le personnage de Michaël est un ancien flic et se rend sur l’état policier de Ganymède. Il potasse ses bouquins de droit pour se mettre à jour de la législation actuelle de l’astre.
Ensuite, le MJ choisit le premier aléa (ou lance le dé pour le choisir aléatoirement). Je suis tombé sur “une faille spatio-temporelle”.
Je raconte donc qu’alors qu’il traverse le Tunnel qui accélère sa vitesse de déplacement à travers l’espace par hyperpropulsion (en lui décrivant l’effet que ça fait), il entend soudain un CRAC déchirant.
Il consulte son appareil de bord et constate que le vaisseau va bien. Mais il voit par la vitre du cockpit qu’une énorme déchirure s’est produite dans les parois du Tunnel et il se trouve aspiré dedans.
De l’autre côté, les champs magnétiques sont épouvantables et dérèglent les machines. Comme il dévie de sa trajectoire, je lui propose de dépenser des points de carburant supplémentaires pour retrouver son chemin, ou, s’il ne peut ou ne veut pas, de dériver dans l’espace. Il rectifie sa trajectoire et alors qu’il retrouve l’entrée de la déchirure, il aperçoit un vaisseau militaire qui semble être ici depuis un bout de temps.
Il s’approche, sort de son vaisseau en combinaison et utilise un grappin magnétisé pour accéder au vaisseau militaire. Il utilise un passe-partout de policier pour défaire le code de sécurité et entre à l’intérieur du vaisseau où il découvre un carnage. Des corps de ce qui devait constituer l’équipage gisent sur le sol.
En fouillant, il découvre des réserves de nourriture, de carburant et d’armes. Il s’empare d’un fusil à plasma. En revenant sur ses pas, il voit que l’un des corps ne se trouve plus à sa place, laissant juste une trace de sang.
Il regarde au plafond, je lui dis qu’il voit une forme se déplacer très vite au plafond. Il tire avec son fusil à plasma et le découpe en deux. Je le laisse décider de quoi il s’agit. Il décrit une créature impossible à identifier, avec une peau noirâtre et une bouche béante munie de dents acérées. Sur le flanc, elle est marquée d’un symbole, à la manière des animaux de laboratoire ou d'élevage.
Comme il est presque à sec, il retourne vers son vaisseau en vitesse et achemine des barils de carburant, mais là, il entend des grattements au sol et voit une autre de ces créatures se jeter sur lui. Il attrape une de ses bouteilles d’oxygène et le frappe à la tête, mais sous le choc, ils sont tous deux projetés vers le vide, par la porte du hangar. Mais il parvient à s’accrocher de justesse et à retourner dans son vaisseau.
Là, il découvre que le portail qui l’a amené dans cet endroit est en train de se refermer. Il prend le temps de monter un baril de carburant supplémentaire puis met les gaz et fonce vers la déchirure qui se rétrécit à vue d’oeil. Il utilise son talent “pilote” et prend une première complication. Je lui explique que comme le champ magnétique de cette zone est beaucoup trop fort, l’ordinateur de bord est perturbé, il doit utiliser le pilotage manuel. Puis il met en scène son mauvais penchant “frôler la mort (et se sentir en vie comme jamais)”.
Je lui raconte donc ce qu’il va se passer s’il prend une complication au prochain jet de dés : son vaisseau passe in extremis dans le goulot, mais perd ses ailes et moteurs et se retrouve broyé au passage et la secousse assomme le personnage tandis qu’il dérive dans le Tunnel.
Mais Mika réussit son jet et ne prend aucune complication, donc il raconte une fin différente : en poussant son vaisseau à fond, et en se tournant à 90°, il passe in extremis et poursuit sa route jusqu’à Ganymède.
Je lui décris la vision de Ganymède devant l’immense Jupiter et on arrête la partie.
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J’ai pris le parti de jouer les voyages spatiaux de manière procédurale (si vous voulez une bonne explication de ce que j’entends par là, voir cette très chouette conférence Éric Nieudan :
https://www.youtube.com/watch?v=cFjTlif_5Lo).
Le principe est assez simple : je choisis (moi-même ou aléatoirement) le premier aléa de ce voyage et cet aléa conduit automatique à d’autres aléas. Et la cascade d’aléas aboutit toujours à une rencontre : un vaisseau, un astéroïde habité ou autre. Là, il n’y a plus qu’à poser un problème et ça roule tout seul.
J’ai bricolé mon idée juste avant de jouer. Ce n’est pas encore totalement au point, mais avec un peu de travail, ça devrait rouler.
C’est étonnant comme ce petit module qui prend une page facilite l’impro. Et additionné à la mécanique de résolution de Space Rônin qui crée beaucoup de péripéties, ça donne une partie bien dynamique.
Ça n’a pas la profondeur des parties préparées à l’avance par le MJ, mais les péripéties se suffisent à elles-mêmes et ça a le mérite de rendre l’espace présent dans le jeu (alors que dans les parties précédentes, ce n’était pas du tout le cas, on faisait systématiquement des ellipses sur les voyages spatiaux).
Je pense même que si on a du temps, on peut jouer une introduction de cette manière avant l’arrivée sur un astre où ensuite le MJ commencera à introduire sa préparation de partie (plus travaillée et plus profonde).
La partie a duré environ 2h, mais j’aurais très bien pu la faire durer encore plus (en envoyant des vaisseaux militaires pourchasser le PJ, par exemple, ou en infiltrant une créature dans son vaisseau. Ou les deux.
Une fois que je suis arrivé à une rencontre, je peux utiliser librement n’importe quel type d’aléa qui s’enchaîne de façon cohérente avec le précédent, donc j’ai toujours de la matière pour rebondir à ce qu’il se passe.
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C’était très fun, ça ressemblait un peu à certains épisodes de Cowboy Bebop ou de Samurai Champloo qui détonnent avec le reste et apportent un peu de loufoquerie ou de fantastique dans un univers plus sérieux et prosaïque.
Ce fil vise juste à informer de l’évolution de Space Rônin. En dehors de cette question des voyages spatiaux que je n’arrivais pas à résoudre jusque-là, il me reste à retravailler la méthode de préparation de parties qui souffre à mon avis d’une trop grande uniformisation des parties. Je veux donner un peu plus de liberté au MJ, pour qu’il puisse préparer des situations plus variées.
Questions et commentaires bienvenus.