Je brise le suspense : on a pris beaucoup de plaisir à jouer, mais j'ai des critiques à formuler. ^^
Pour résumer l'histoire :
Magali joue l'apprenti qu'elle baptisera Mirin, du nom d'un alcool de riz japonais utilisé pour la cuisine.
Le plat auquel il se dévoue est le sauté de fruits de mer.
Son but ultime est "Qu'est-ce que la saveur du ciel ?"
Phase d'approche
Mirin rencontre Xannis son guide au croisement d'un vieux port et d'un marché en Crête. Xannis est en train de vider le fruit de sa pèche sur ses étals.
Ils discutent, Xannis est plutôt bourru tandis que Mirin est plutôt dandy.
Xannis lui fait goûter un poulpe grillé au réchaud à gaz avec de l'huile et de l'ail et lui offre un beau sandre.
On échange, on met bien en scène les caractères opposés des personnages, qui se rejoignent par une passion commune pour les produits de la mer, dont, le poulpe.
Phase de Préparation
Mirin va chercher des aliments, sort son wok fétiche et choisit un des plus beaux poulpes violacés, parmi le butin de pèche du vieux guide.
Il fait cuire de l'ail dans de l'huile au fenouil, il découpe savamment le poulpe en fermant les yeux (après l'avoir enfermé dans un linge pour le tuer en le frappant contre un rocher :D). Sort l'ail du wok, extrait l'intérieur et en fait une purée à laquelle il mélange l'encre du poulpe.
Il fait mariner les morceaux de poulpe avec le gingembre.
Comme Xannis le prévient que la chair de ce poulpe, bien qu'exquise, risque de s'abîmer si elle cuit au contact du wok, Mirin enroule les pièces dans des feuilles d'épinard fraîches et les place dans des coquilles de palourdes (que Xannis était en train de gober crues).
Puis il place le tout dans le wok en imbibant le tout d'eau de mer.
Il couvre et laisse cuire un peu.
Xannis lui fait remarquer qu'il faudra saisir le poulpe à la fin.
Mirin retire la majeure partie de l'eau de mer et flambe le poulpe avec un cointreau fait maison pour apporter un léger arôme orangé.
À ce stade, j'ai donné les 10 dés de la phase de préparation. D'abord 1 à 1 pour des détails qui me plaisaient et à la fin par 2 ou par 3 pour des idées surprenantes comme le flambage et la purée d'ail à l'encre de poulpe (oui, je sais, Magali et moi aimons des trucs qui en feraient pâlir plus d'un).
Phase dégustation
Magali décrit un visuel avantageux, le son des coques de palourde qui s'entrechoquent comme des maracas, elle ajoute le bouillon que Mirin a laissé épaissir quand le poulpe a fini de cuire. Puis déguste et raconte comment l'extérieur bien saisi du poulpe cède pour laisser place à une infinie tendreté.
Je ne sais pas si on a un nombre de dés illimité pour cette phase, mais j'ai décidé de me limiter à 8 dés environ.
Avec plusieurs 6, Magali passe haut la main la phase des plaisirs terrestres.
Puis elle décrit des souvenirs d'enfance du poulpe cru que la mère de Mirin le laissait manger en cachette, le bouillon que son grand père buvait dans les coquillages et sa promenade sur les marchés flottants au Vietnam et les odeurs qu'il recherche toujours dans les plats qu'il crée aujourd'hui.
Autant dire que j'ai épuisé ma réserve de dés et qu'elle a atteint le niveau 3 des plaisirs célestes (le max).
J'ai inventé un petit indice sur sa quête : la saveur du ciel est faite des choses les plus bassement terrestres : la chair, les plantes qui poussent dans la terre, voire le fumier. Il faut retrouver cette essence là pour approcher la saveur du ciel. (Ça collait bien à la personnalité du Guide).
La partie a duré 1h30 environ.
Mes remarques
Les plus :
- On s'est bien mis en appétit alors qu'on venait de manger. On s'est régalés avec ces descriptions gourmandes, pleines d'inventivité (pas sûr que le plat soit comestible au final, mais dans notre imaginaire, c'était exquis).
- C'était assez amusant, l'étape de rencontre des personnages était très importante, elle a apporté beaucoup de choses enrichissantes pour la couleur et l'ambiance générale.
- Magali aime beaucoup cuisiner et on est deux grands gourmands, autant dire qu'on a salivé tout le long de la partie.
- L'idée de décomposer la dégustation en deux phases : plaisirs terrestres (sensoriels) et plaisirs célestes (mémoire, esthétique etc.) est très bien vue et la fin de notre partie était une vraie "madeleine de Proust" fictive.
Les moins :
- Autant Magali a beaucoup, beaucoup parlé dans les phases 2 et 3, autant, j'avais beau faire des suggestions, ajouter des détails, j'étais vraiment assez inutile en dehors du don de dés. En terme d'échange, l'Approche était la phase la plus riche. C'est dommage qu'on ne retrouve pas cette dimension d'échange dans la suite, car il y avait quelque chose de beaucoup plus vivant qui s'est perdu dans les phases suivantes. Pour moi c'est un vrai défaut.
- La question principale du joueur me paraît tomber comme un cheveu sur la soupe (;p). Autant je trouve qu'elle pourrait apporter beaucoup au jeu, autant elle est amenée d'une manière très artificielle qui empêche d'explorer toute la profondeur qu'elle suppose.
- Je trouve que ça manque un peu d'histoire (et Magali a fait cette remarque avant que je ne la formule) : on se rencontre, on fait la cuisine, ça fait plein de truc dans nos sens et notre tête et on s'en va. Pour résoudre les deux premiers aspects négatifs que je décris, j'ai le sentiment que ça vaudrait le coup d'ajouter des enjeux humains et une ou des situations qui aborderaient directement le sujet de la question que choisit le joueur.
Par exemple : Si le joueur choisit "Un plat peut-il amener la paix entre deux peuples ?" Le Guide pourrait dessiner une situation où le PJ doit cuisiner pour des chefs d'états en guerre. S'il réussit un (ou plusieurs) plat merveilleux, il peut obtenir des faveurs des chefs d'état et pourquoi pas, mettre fin à la guerre. Ces situations permettraient de créer des enjeux humains qui mettraient des bâtons dans les roues du cuisinier et le Guide pourrait jouer un rôle plus riche et plus actif. Cet exemple montre juste une piste possible, mais il en existe sans doute d'autres. - On rejouera sans doute en inversant les rôles et j'aimerais vérifier quelque chose en tant que joueur : est-ce qu'on joue pour la victoire ou juste pour la beauté du geste. Je ne sais pas si c'est très clair dans la mécanique du jeu et si ça ne crée pas des injonctions contradictoires. J'essaierai de vérifier ce point.
En conclusion, le jeu est déjà très chouette, mais pour nous donner envie d'y rejouer, il lui manque quelque chose. À toi de voir, Fabien si tu veux chercher des améliorations possibles ou si tu préfères le publier en l'état.
Edit : micro corrections