par Fabien @ InMediasRes » 18 Fév 2016, 19:01
Étant en bout de la chaîne graphique et travaillant avec de nombreux imprimeurs, bien que de taille plus modeste que les pré-cités, je me permets d'éclaircir cette question d'imprimeries à l'étranger.
Le métier a été confronté depuis 10 ans à des équations complexes :
1. investir dans les évolutions technologiques pour rester compétitif (CTP, presse numérique, 70x120 en 4 / 8 groupes, chaîne de façonnage)
2. maintenir les prix malgré la baisse des volumes
3. produire et livrer toujours plus vite, sans baisser sa marge
Le point 1 s'est réglé de lui-même : ceux qui n'avait pas de "trésor de guerre" en réserve pour se moderniser (entre 1 et 10 M € d'investissement minimum selon les structures) ont jeté l'éponge ou se sont fait absorber par plus gros qu'eux.
Le point 2 a vu la naissance de l'impression petites séries en amalgame (Exaprint et consort) et maintenant à la demande (Lulu, Jouve, etc.), qui permet aux imprimeurs de remplir leurs planning machine et de tourner en 2 voire 3 huit, sans quoi ils ne rentabiliseraient pas leurs investissements. Cette stratégie a permis de conserver le CA malgré la baisse des volumes. Car les besoins d'impression n'ont pas baissé, ils se sont nucléarisés en une multitude de petits clients. Internet a permis de les toucher, avec le site web comme commercial "toute France".
Le point 3 en découle justement. Suite à une guerre des prix et leurs stabilisations, le dernier avantage d'un imprimeur de taille moyenne et plus est son délai de production et de livraison. Sauf que produire et livrer vite coûte cher (heures supplémentaires, transport express) et grignote la marge. Sauf à se tourner vers les imprimeurs étrangers, dans des pays plus ou moins frontaliers mais beaucoup moins chers comme l'Espagne, l'Italie ou les pays de l'Est. La contradiction est là : il peut être moins cher et tout aussi rapide d'imprimer en Roumanie, de relier en Pologne et de livrer à Toulon, que de tout faire dans Sud de la France. Le bilan carbone est exécrable mais étrangement le client n'en tient plus vraiment compte…
Voilà la stratégie des imprimeurs 2.0, un réseau de sites de production partout en Europe, partenaires ou propriétaires, sur lesquels ils peuvent se reposer pour lisser leur charge et tenir leur délai sans détruire leur marge.
Maintenant, le déport d'une production hors France ne vaut que pour des volumes d'au moins 2 000 ex d'un dos carré-collé 240 pages. Les tirages à la demande sont réalisées sur les sites locaux pour limiter les coûts d'acheminement. Soyez donc rassurés, vos exemplaires Lulu peuvent bien être estampillés "Made in France" !