Bonjour Angel et merci de ton intérêt pour la Cellule et les jeux des Ateliers Imaginaires ! Cela nous fait chaud au cœur à chaque fois qu'on apprend que notre travail est observé, mis en jeu et apprécié.
La question que tu poses est très technique, intéressante, et difficile à résoudre.
Je me permets de la reformuler, tu me diras si on est sur la même longueur d'onde : "Dans ton jeu, il va falloir choisir un camp, celui de son peuple d'origine ou celui du peuple colonisé, et dans les deux cas, on ne pourra pas protéger son camp sans faire de sacrifices. Il faut que le jeu dure en campagne."
On peut voir plusieurs options :
A. Les personnages peuvent sacrifier des phrases / traits / aspects qui représentent des motivations, attaches ou ressources, pour obtenir des bonus à leur jet de dé [ça peut être une escalade comme dans
Dogs in the vineyard, mais ça ne change pas grand chose au final]. Toute phrase est sacrifiée définitivement, on ne peut pas la réécrire ni en écrire de nouvelles > attrition rapide, qui montre bien le sacrifice, mais nuit à la jouabilité à long terme du perso.
B. Les personnages peuvent sacrifier des phrases pour obtenir des bonus, mais leurs phrases peuvent être régénérées (par ex à la fin de la partie) > le jeu en campagne est préservé, mais le perso ne change pas, et les sacrifices sont illusoires.
C. Les personnages sacrifient des phrases d'un côté et en gagnent d'autres de l'autre côté, comme conséquences des conflits (
Inflorenza,
Les Cordes Sensibles), en fin de scène (
Inflorenza,
Les Cordes Sensibles) ou en fin de partie (pas d'exemple en tête) > le personnage sacrifie des choses mais en regagne de nouvelles, il évolue, il reste jouable, mais ce qu'il a perdu, il l'a perdu définitivement.
D. Les personnages sacrifient des phrases, en regagnent de nouvelles, mais rien n'est irréversible : ils peuvent retrouver les phrases perdues (par ex :
j'aime ma famille, sacrifié parce que le personnage a tourné le dos à sa famille pour vivre avec des indigènes), mais non par un biais purement mécanique (du genre, fin de partie ou retombée positive d'un conflit), mais avant tout par une manœuvre du personnage dans la fiction (le personnage peut se réconcilier avec sa famille, s'il retourne les voir et qu'il les convainc que les indigènes sont dignes d'être aimés), et ensuite revalidées sous forme de nouvelles phrases ou augmentation de la valeur de la phrase lors du check-up de fin de scène ou de partie. > le jeu en campagne est permis, mais tous les sacrifices ne sont pas irréversibles.
E. Les personnages sacrifient des choses, mais c'est toujours pour obtenir une contrepartie certaine, et non pas augmenter leurs chances : un sacrifice permet une réussite automatique. Le jeu offre, par un check-up de fin de scène/partie, ou par la narration du MJ, de nouvelles motivations / ressources / attaches au personnage pour qu'il ait toujours quelque chose à sacrifier > le jeu en campagne est (peut-être permis), car certes le jeu est dur, il faut sacrifier pour réussir, mais le personnage change tout le temps, et n'arrive (presque jamais) à un stade où il a absolument tout perdu.
F. Même chose que E, mais on met le sacrifice au centre de la mécanique, en en faisant la seule façon d'obtenir les choses importantes. On supprime l'aléatoire pour que les sacrifices aient toujours des contreparties certaines. C'est la piste que j'explore depuis quelques mois avec
Inflorenza minima > le sacrifice est bien mis en valeur, mais en l'absence de renouvellement suffisant des ressources / motivations / attaches soit par un check-up, soit par la narration, le personnage s'appauvrit, "n'a plus rien à perdre".
G. Même chose que F, mais on supprime les phrases pour être uniquement dans la narration. Les ressources / motivations / attaches émergent dans la narration. C'est le coeur d'Inflorenza minima. > avantage : une grande fluidité (pour réussir son action, on va sacrifier ce qu'il est le plus logique de sacrifier, pas ce qu'il y aurait de noté sur des phrases et qui pourrait n'avoir pas grand chose à voir à moins de tordre la fiction). Inconvénient : il faut que quelqu'un arbitre quel sacrifice permet d'obtenir quoi (soit, c'est le MJ, et la seule façon pour lui d'être impartial, c'est d'être toujours le plus cruel possible. Soit, ce sont les autres joueurs, avec le risque qu'on soit trop sympas entre nous), c'est exigeant en terme de narration, c'est moins facile si on n'a pas de contexte surnaturel (qui permet de justifier des choses pas toujours évidentes), s'il n'y a pas d'offrandes régulières, le personnage devient injouable. Je te mets
un compte-rendu de partie d'Inflorenza minima joué selon ces modalités, et dans un contexte de colonisation (mais le personnage-joueur est plutôt un colonisé).
ton projet me fait penser à
Divergence de kiraen (en développement), peut-être gagnerez-vous à échanger.
J'oublie certainement des options, je compte sur mes confrères et consoeurs pour les mentionner.