par Sildoenfein » 26 Oct 2016, 00:16
Merci à tous pour vos réactions. Je vais commencer par vous donner un peu de contexte, cela situara mieux les choses.
Cela fait environ 1 à 2 ans que je procède avec une liste d’inclusivité comme la feuille simple, simplement griffonnée sur une feuille volante, avec des variations selon le jeu.
- Je l’utilise essentiellement dans mon flux d’improvisation des personnages, pas pour faire une analyse à posteriori ou une longue préparation.
- Je passe en général par les cases « liste de noms », « liste de particularités » (que j’écris au préalable pour la partie ou la campagne) et « liste d’inclusivité » dans un ordre ou un autre au moment de l’apparition du personnage. Les différentes étapes se nourissent les unes les autres, à partir de la situation de jeu qui nécessite l’apparition d’un nouveau personnage. Cela ne prend que peu de secondes.
- En général je ne parcours pas toute la liste d’inclusivité, je le fais au fur et à mesure du besoin : en général genre apparent, âge et couleur de peau suffisent largement au départ, je passe par les autres items quand le besoin d’en fait sentir. (La difficulté étant de me rappeler qui est comment, je suis piètre script lorsque je conduis une partie.)
- Cela fonctionne tout aussi bien lorsque je prépare avant une partie. Souvent je prends un peu plus de temps pour composer le nom et la particularité, histoire de ne pas épuiser les trucs génériques)
- L’outil ne peut rien pour la manière dont ces personnages sont utilisés, mits en scène, dans les parties comme dans le jeu (exemples, rôles, illustrations). Cela ne résout pas tout d’un coup, ce n’est pas une formule magique, mais plutôt une amorce.
- Jusqu’à présent c’est caché des joueuses, je ne l’avais jamais dit, c’est juste ma routine de création de personnages. Mais sans doute que cela passe plus facilement inaperçu à Apocalypse World, où l’effondrement de l’ordre social…
Selene (du podcast Ludologie, militante LGB ?), mon idée fondamentale est de se rappeler régulièrement en cours de jeu des différences qui existent, que tout ne se réduit pas à la pseudo-norme cis-mâle éthero blanc d’âge moyen. Comme je tombe moi-même plutôt dans cette tranche de la population, et que j’ai finalement assez peu de connaissances LGBT, c’est pas mal nécessaire. Je n’étais certainement pas le mieux placé pour le faire, mais bon, je l’ai fait ;) Le choix des « cases » et des termes n’est pas vraiment là pour offrir un panorama exhaustif, complet et terminologiquement exact des humains. C’est plutôt pour évoquer ces possibilités, rappeler quelque peu quels sont les pôles, les questions, utiliser parfois des mots inexacts mais compréhensibles pour ceux qui n’ont pas rencontré le vocabulaire reconnu par les communautés. Oui, il y a des différences qui sont difficiles à saisir : quelle différence de ressenti et de comportement entre genre fluide et genre mutiple ? qu’entend véritablement une personne qui se réclame d’un troisième genre ? en quoi est-ce différent (ou pas) d’une personne qui se situe entre homme et femme et d’une personne qui ne se connaît pas de genre ? Comment faire passer cela par l’interprétation, comment l’éprouver soi-même en jeu ? Mais les choses sont là justement pour que la question se pose. Je n’ai pas les réponses. Et il ne s’agit pas d’un guide d’interrétation (faudrait commencer par guider pour l’interprétation d’un humain, ce sera déjà pas de la tarte… même les « classiques » hommes et femmes sont inaprochables.)
Mais poser la question, rappeler sa pertinence, je crois que cela a une valeur. Qui dépasse le jdr.
Tu as raison sur les jauges d’attirance. « attiré par… le même genre … le genre opposé... » ferait mieux ressortir les LG. L’expérience qui m’importait était l’état d’esprit au moment où l’on considère que choisir, en pensant à un personnage précis, rappeler de manière neutre que l’on peut être attiré par l’un, l’autre, les deux, aucun, quel que soit son identité sexuelle propre (encore un des termes que j’ai évités). Je ne voulais pas biaiser la réflexion en faisant penser homo- ou éthero-sexuel. Mais cela crée la faiblesse que tu dénonce : l’utilisatrice ne voit pas si la diversité est respectée de ce point de vue. J’avais conçu ces étiquettes en pensant à une position en 2d (identité/attirance) ou 3d(apparence/identité/attirance), là cela fonctionnait, mais cela n’était pas cohérent avec le reste de la feuille. Et cela me posait problème car cela suppose un continuum type homo-bi-éthéro-zéro qui me semblent trompeur.
Bref la question est de trouver le bon niveau de précision et de véracité tout en maintenant l’outil agile. Il y a certainement de travail.
La couleur de peau… c’est encore la moins mauvaise approche que j’ai trouvée. Je suis bien conscient qu’au delà de l’épiderme, il s’agit surtout d’origine ethniques (un peu) et socio-communautaires (beaucoup). Mais il est très difficile de bâtir un outil léger et qui ne créera pas de conflits autour de cela. Je crois que c’est une des parties qui doit être adaptée à chaque jeu, à chaque univers, voire à des parties d’univers. Mais elle n’a de sens, réellement, que dans notre monde ou des mondes très proches. « Nain, gnome, hobbit, humain, elfe, orque, homme-lézard » c’est une tout autre problématique – juste une mécanique de simulation, gardienne de la vraisemblance, mais rien de plus.
J’ai donc préféré évoquer cette question, amorcer l’esprit des utilisatrices dans cette direction, pour les laisser mener leur propre réflexion. Cela me semblait au final plus efficace. Et cela convient pour la plupart des univers fictionnels « humains » où nous reproduisons presque toujours nos tristes ségrégations.
« Ambigu » vient en droite ligne d’Apocalypse World (un jeu volontairement queer friendly). Pour moi il couvre tout à fait androgyne et non binaire, mais c’est juste dans ma tête à moi. Et cela me permettait de couvrir d’un trait le physique, la gestuelle, la voix, le comportement, la vêture sans devoir détailler, le reste apparaissant quand les questions se posent en jeu.
Il y a des équilibres à trouver, à vérifier, à adapter, des termes à accorder finement, de la granularité à ajuster vers le haut ou le bas selon les endroits. Bref, du travail. Merci beaucoup pour ton analyse détaillée et tes apports très informés, je vais réfléchir à tout cela.
Thouny tu trouveras les intentions qui m’ont guidé dans ces choix ici au-dessus dans ma réponse (dans le sens de partie de conversation) à Selene. Merci pour ton retour.
Mathieu je crains que ta norme concernant les bouchers ne soit entachée par trop de cinéma;););) L’important pour moi est que l’outil fait que l’on se pose répétitivement la question et qu’à force la norme est fragilisée. Cela enrichi le monde fictionnel et fait passer le message aux joueuses. Oui, la valorisation, la mise en scène des personnages est totalement ignorée. Pour casser les stéréotypes, en dresser la liste est effectivement une étape, mais je n’en suis pas encore là. Je ne sais pas si j’irai jusque-là.
Tel que je le conçois, l’outil doit rester léger, il doit pouvoir être utilisé en partie sans en briser le rythme. Et idéalement tenir sur une page, de manière à en limiter l’empreinte physique. Cela empêche des approches plus complètes, plus correctes.
Le handicap est une dimension supplémentaire à ajouter. Si j’ai côtoyé énormément de personnes souffrant de handicap, qu’il soit physique ou mental, léger ou lourd, j’ai très peu d’expérience et de connaissance sur les discriminations qui les frappent et de ce qu’il faut faire changer. Je ne me sens pas à l’aise de m’aventurer sur ce terrain, car je sais à quel point une tentative positive mais maladroite peut blesser et peut être reçue avec violence.
Sur la norme et la représentativité, question proche mais différente de l’inclusivité, je n’ai pas mis de ratio à respecter, chaque utilisatrice pourra faire ce qui lui plaît, ce qui lui semble juste pour son jeu, sa fiction. L’outil pose juste la question.
Thomas le problème du tokenisme, pour moi c’est avant tout une question de sincérité. Se poser réellement la question plutôt que de faire les gestes.
Selene Je ne suis pas encore passé à l’acte en ce qui concerne les PJ. Un jour je poserai la feuille sur la table (avec seulement 3 ou 4 ♡par ligne, histoire de mettre discrètement la pression) et je demanderai juste de cocher pour leur personnage, sans offrir plus d’explication ou en demander. Je suis curieux de voir ce que cela donnera.
Merci encore à tous:) J’étais un peu nerveux en publiant ceci. J’avais peur de blesser ou d’être trop maladroit.
Philippe / Sildoenfein
Philippe D. / Sildoenfein -
[G+] Attention : intervenant à éclipses. Avertissement : incapacité chronique à clôturer une conversation. Bien agiter avant l'usage. Ne pas dépasser la dose prescrite. "Le belge, là."