Inclusivité & Sécurité avec Avery Alder (Monsterhearts 2)

[Thouny]

Bonjour,

j'ai trouvé cet article : http://www.briecs.com/2016/11/five-or-s ... rts-2.html
C'est une interview d'Avery Alder, autrice de Monsterhearts, et qui remet le couvert avec Monsterhearts 2 (en cours de financement participatif).

Un thème m'a semblé assez intéressant au vu des discussions sur ce forum. Sélection et traduction à la truelle :

J'ai joué à Monsterhearts pas mal de fois, et le problème de l'attirance et de l'asexualité est apparu souvent. J'ai vu dans un aperçu de ton jeu que tu essaies de t'attaquer à cela. Tu pourrais nous en parler un peu ?

Monsterhearts explore ce que veut dire que d'avoir des désirs changeants et confondants. Il y a des règles pour Allumer des gens et ainsi prendre l'ascendant sur eux. Ces mécaniques remettent volontairement en question quelques présupposés dominants de notre culture sur la sexualité : 1. qu'elle est fixée ; 2. qu'elle est prévisible ; 3. qu'elle est binaire.

Mais cela a involontairement renforcé d'autres présupposés dominants : 1. que tout le monde ressent de l'excitation ou de l'attirance sexuelles ; 2. que tout le monde est disponible sexuellement.
Et je pense que cela est injuste envers les asexués et les victimes de traumatismes sexuels. Je me suis mis au diapason avec des principes qui les ignorent, voire les effacent, et les blessent.

Ce problème m'est régulièrement signalé depuis 2012, et je suis d'accord avec cette critique. Je pense que le cœur du jeu doit rester le même, mais j'ai besoin d'y faire une place pour les histoires de ces gens-là aussi. J'en suis encore à essayer d'inclure cela mécaniquement de manière élégante.

[Arjuna Khan (Fabric)]

Je ne reviendrais pas plus que ça sur monstearheart, je suis déjà en train de le faire sur facebook et je ne pense pas qu'ici, sans cr, à blanc, je sois forcément mieux placé. Mais je pense qu'une manière élégante de résoudre ton problème c'est de bien dissocier deux notions : attirances romantique et attirances sexuelles. Une personne asexuelle peut être manipulé par des échanges romantiques par exemple.

Je ne vais pas théoriser ici du langage courant dans le milieu LGBT+ mais pour résumer on pourrait décrire ça ainsi :

* Attirance romantique : attirance liée au besoin d'être dans une relation forte émotionnellement parlant et que des relations amicales"classique" ne permettent pas.

* Attirance sexuelle : attirance liée à l'envie de partager des jeux érotiques avec une personne.

On pourrait résumer simplement le premier terme en disant qu'il fait référence au partage d'une intimité émotionelle quand le second parle plutôt d'intimité physique. Un petit outils en passant si tu veux du support en terme de vocabulaire :

http://www.aectoulouse.fr/files/2016/10/Lexique.pdf

[Mangelune]

Pour moi c'est là qu'Avery me perd et produit un système de jeu contradictoire sous prétexte d'inclusion totale. Je suis pas fan de Monsterhearts mais là-dessus le jeu avait au moins un parti-pris fort, bien sûr qu'il était limité mais c'est normal, on peut pas tout faire avec un système.

[Imrryran]

J'ai toujours compris (en tant que joueur) Monsterhearts comme une sorte de Buffy-RPG...

1. que tout le monde ressent de l'excitation ou de l'attirance sexuelles ; 2. que tout le monde est disponible sexuellement.

est parfaitement cohérent avec l'inspiration principale du jeu, inspiration ultra-connue.

Elle peut très bien changer son fusil d'épaule, par contre il lui faudra peut-être fournir un peu plus d'aide aux joueurs.

[KamiSeiTo]

Buffy était bien sûr une des inspirations du jeu, mais clairement pas la principale, à mon avis. n_n
En tout cas, le rendu autour d'une table typique de MH ne ressemble pas du tout à du Buffy typique.
MH ressemble plus à du Twilight, mais en bien (et adulte et assez trash). Jennifer's body est aussi un très bon exemple. n_n

[Steve J]

Cela vaut le coup d'entrer dans le détail des mécaniques parce que pour le coup le jeu est vraiment intéressant dans sa façon de faire passer des thématiques et de générer des rebondissements via ces dernières...
Je précise que je ne suis pas un grand spécialiste du jeu qui n'avait pas trop fonctionné à ma table pour des problèmes de rythme (il m'avait été difficile de gérer des PJs antagonistes). Je peux légèrement me tromper.

Les strings/attaches
Une des monnaies importantes du jeu est celles des attaches que l'on obtient sur certains personnages (PJ comme PNJ). Obtenir ces dernières permet de les dépenser pour obtenir des bonus aux jets contre-eux.

Obtenir des attaches
L'un des mouvements les plus efficaces pour obtenir ces attaches c'est Allumer quelqu'un. Cette action est particulière à deux titres :
1) Il nécessite une décision du joueur mais pas du personnage (on peut considérer qu'on allume quelqu'un involontairement)
2) Dans la première édition il fonctionne sur tout le monde

Contraindre les personnages
Beaucoup d'action permettent de contraindre les personnages. A la création des PJs ces derniers ne peuvent interagir avec les autres personnages que via cette modalité : Réconforter quelqu'un n'a aucun effet mécaniques pendant les premières sessions de jeu.
On peut contraindre physiquement à peu près n'importe qui mais Manipuler quelqu'un ne fonctionne pas de la même façon sur les PNJs et sur les PJs. Quand on veut manipuler un autre joueur on ne peut que gagner des attaches et lui offrir un bonus d'XP s'il capitule.

L'impact en jeu
En première édition :
C'est violent. Malgré l'impossibilité de prendre le contrôle mental d'un autre PJ on se retrouve dans un jeu où les personnages sont dirigés par des désirs qu'ils ne contrôlent pas, qui les mettent souvent en porte à faux avec leur environnement et les rapports humains sont basés sur la manipulation sexuelle et la violence.

En deuxième édition :
Kalysto du forum Casus (et du podcast radio rôliste) analyse les variations mécaniques entre la première et la deuxième édition comme amenant à substituer un peu de cette violence par des rapports plus apaisés et un plus grand contrôle du joueur qui souhaiterai résister à la thématique sexuelle. C'est un changement de philosophie de jeu qui n'est pas inintéressant mais qui le rend sans doute moins brutal et peut-être moins efficace.

Là où cette évolution est intéressante c'est qu'elle pose la question de savoir si l'inclusivité/la sécurité est celle du jeu ou de l'univers du jeu. Est-ce possible de conserver la violence de la première édition en étant inclusif (et "safe") autour de la table de jeu ?

[Imrryran]

Tu oublies de citer le "démon intérieur" qui lance les PJ dans un délire destructeur sous certaines conditions.

les personnages sont dirigés par des désirs qu'ils ne contrôlent pas, qui les mettent souvent en porte à faux avec leur environnement

J'avais justement eu la sensation d'un jeu qui part très facilement en roue libre (ce qui est intéressant, générant des parties intenses) mais qui ne sait pas comment s'arrêter, allant jusqu'à gêner la crédibilité de la partie avec des déclenchements de démon intérieur en cascade.

Pour moi c'est ce mécanisme qui va générer de la violence difficilement contrôlable à la table. Les relations que propose le jeu entre les personnages sont violentes certes, mais sous le contrôle total des joueurs qui peuvent tout de même attribuer une certaine morale à leur personnage, au moins de manière implicite. Par ailleurs ces actions violentes ayant un objectif les joueurs peuvent les peser en termes de moyens et de buts. Le démon intérieur brise ce cadre et incite les joueurs à la violence gratuite, et in fine à la surenchère.

Est-il aussi présent dans la seconde édition ? Est-il davantage encadré ou contrebalancé ?

[Steve J]

Je me rends compte que j'ai oublié de citer le lien ou Kalysto analyse la seconde édition : http://www.pandapirate.net/casus/viewto ... 8#p1505252

Je suis d'accord sur l'effet d'emballement lié aux démons intérieurs. J'ai personnellement du mal à gérer le jeu en tant que meneur tant les incitations à la violence sont...violentes justement. Un peu comme si on jouait à Buffy et que Willow se transformait en Dark Willow à chaque épisode.