Communauté de jeux de rôle indépendants
Thomas Munier a écrit :OK.
Alors, la question que je me pose, c'est à quel point, en excluant les "jouets de rôle" du champ du jeu de rôle, on s'interdit d'en réimporter certains principes dans d'autres jeux de rôles (j'entends les jeux de rôles à dominance tactique ou ceux à dominance morale, ou même les jeux de rôles à dominance esthétique mais avec une résistance) pour donner de la profondeur à son jeu de rôle ?
Thomas Munier a écrit :Je voudrais encore creuser sur la notion de jouet de rôle.
Tu vois, dans Inflorenza, les personnages ont des objectifs, il y a une résistance, mais honnêtement, je pense que les joueurs utilisent l'un et l'autre pour raconter une chouette aventure à plusieurs, les objectifs des personnages peuvent évoluer vachement, on se place souvent en mode auteur, et la résistance porte des contraintes créatives (facultatives, mais existantes) : au final, on est sur un jeu où la notion de condition de victoire est floue : la récompense, c'est l'aventure.
Dans son interview concernant Seventh Seas v1 (donc là je te parle quand même d'un jeu assez unanimement étiquetté comme tradi, avec résistance, missions et tout le bataclan), John Wick précise que ce qui est important, c'est que les héros gagnent à la fin, avec panache. La notion "jouet de rôle" peut facilement envahir tout jeu de rôle esthétique, je pense, tant la notion de récompense extrinsèque y est souvent, sinon nécessairement, absente, secondaire, illusoire ou au service du play.
A l'exception de sa phase de création d'univers, le jeu est fondamentalement une version simplifiée du Polaris de Ben Lehman.
On créé collectivement une société et ses traditions. Chacune de ses traditions est aussi une faiblesse : on décide au moment de la créer de la façon dont elle peut s'avérer néfaste (et s’avérera néfaste puisque la partie raconte forcément une tragédie).
On ajoute une faiblesse fondamentale qui détruira la société (le perfectionnisme, l’aristocratisme, le conformisme...).
Il est pensé pour être joué à trois joueurs qui n'ont pas besoin d'un MJ mais qui vont successivement incarner plusieurs rôles (qui tournent à chaque étape du récit) :
*l'un incarne le Héros qui cherchera à résister à la chute de sa société
*l'autre incarne un Antagoniste qui œuvrera à la destruction de la société
*l'autre incarne le Pilier, un personnage neutre
On sait comment la partie va se terminer mais le jeu utilise quand même un système de résolution, à la Polaris mais en ultra light, l'Antagoniste pouvant systématiquement ajouter des conséquences néfastes aux actions décrites par le Héros.
J'étais immédiatement déçu par le manque d'ambition du jeu qui réduit la chute d'une société à un conflit entre deux personnages (si l'Antagoniste meurt il peut néanmoins être remplacé) tous deux liés à une troisième. Pourquoi pas mais cela me semble extrêmement (et inutilement) limitant.
Plus généralement je suis assez peu convaincu par ce game-design par soustraction (fut-ce à partir d'un jeu que j'aime beaucoup). En simplifiant Polaris, Downfall conserve cette sa dynamique de narration (qui marche sans doute très bien) mais le prive de tout enjeu ludique.
Non seulement on sait que la société va s'effondrer mais le Héros n'a pas tellement de raison de résister (dans Polaris il s'agit d'éviter d'être corrompu par le démon et de trouver une mort héroïque).
Ici à la seule lecture des règles j'ai l'impression de savoir exactement comment la partie va se dérouler.
Je sais ce qui va entrainer la chute de la société. Je sais que les traditions de la société vont se retourner contre elle (ce que je trouve un bien caricatural) et je sais de quelle façon elles vont le faire. Je connais le destin des personnages avant même d'avoir décrit leurs actions.
Je dérive un peu mais j'aurai du me méfier parce que la créatrice du jeu le désigne comme un "Story games".
Cela fait quelques temps que je râle contre l'usage de cette expression parce que je la considérais comme inutile et floue. Outre que chacun à une définition différente (ce qui est malheureusement typique de nos communautés rôlistes), toutes les définitions me semblent s'auto-contredire, donnent des images fausses de ces jeux qualifiés de Story-Games voire sont tellement larges que même l'Appel de Cthulu pourrait entrer dans cette catégorie.
Je pense maintenant que je me trompais et que cette expression n'est en réalité pas tant inutile qu'elle est nuisible.
Elle conduit à ce qu'il faut bien appeler le syndrome Story-Games. Ayant décider de ne pas classer leur jeu dans la catégorie des JDR, les créateurs de ces jeux se permettent de ne plus se préoccuper d'amener des choix intéressants (narratifs ou ludiques) pour les joueurs.
Au fond les joueurs ne sont qu'un relai des règles et ils se contentent de décrire des éléments de pure couleur, qui n'ont aucune influence sur la structure globale de l'histoire. Ils ne sont jamais amenés à faire des efforts (d'interprétation, de tactique) pour obtenir des choses puisque tout est joué d'avance.
Quand on jouait à Polaris (ou à My Life with Master qui est le premier à s'être qualifié de Story-Games) on cherchait à obtenir des trucs. cela amenait à réfléchir à ce que l'on amenait au récit, à négocier des choses, à lutter dans son roleplay pour obtenir des dés...
Là avec Downfall j'ai l'impression d'avoir déjà joué au jeu. Quand on s'intéresse aux concours récents de création de jeux anglophones on trouve des dizaines de jeux qui souffrent de ce problème, de cet aspect story-gamey qui veut en fait dire que le jeu n'a pas grand chose d'autre à proposer qu'une structure narrative immuable.
Comme si sortir du moule des jeux "classiques" forçait à entrer dans celui des jeux ultra-simplistes et déterministes.
Thomas Munier a écrit :(Vivien, si on dérive vers le hors-sujet, n'hésite pas à bouturer. Ma question essaye de recentrer le débat sur le sujet des jeux sans résistance).
le meneur ne fait que rarement de vrais choix moraux ou tactiques
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