Mangelune a écrit :Allez je reviens avec une question à la noix, cette fois sur un thème très chaud, le storygame (Steve, je t'attends).
Pour info
Witch the Road to Lindisfarne est la première source d'inspiration ludique pour
Récit Véridique, le JDR que nous publions -Kalysto, Cédric Ferrand et moi-même- dans le numéro #18 de Casus Belli. La première version de notre jet était une quasi-transposition des mécaniques de ce jeu dans le cadre de la découverte occidentale du Canada.
C'est un jeu que j'ai travaillé au corps pour en emmener les mécaniques dans d'autres directions.
Spécifiquement
Witch est un JDR à étapes qui va confronter les PJs à une série de scènes dont l'amorce est pré-écrite. L'organisation du récit en voyage rend cependant cette forme cohérente puisqu'elle revient finalement à n'imposer qu'une limitation aux décisions des joueurs : qu'ils continuent le voyage jusqu'à la dernière scène.
Cette limitation n'est au fond en rien différente (si ce n'est que son caractère explicite est moins manipulatoire) de celle de l'AdC qui suppose que les investigateurs mettront leur curiosité devant leur préoccupation pour leur propre sécurité, et de Sens qui suppose que les Bugs accepteront d'être des héros.
Autre particularité, l'issue du jeu repose sur deux choix décisifs et secrets pris par deux des joueurs en début de partie (les choix sont inscrits sur des bouts de papiers que l'on plie et pose au milieu de la table). Ce n'est, là non plus, pas sans cohérence avec le récit (cela vient après tout replacer l'impact de certaines décisions sur le temps long) mais cela force une deuxième limite : la quasi-inconséquence des conflits narrés entre les PJs.
C'est ce point qui me gêne le plus dans le courant des
story-games (beaucoup plus que la
facilité de la fiction que je vois dans l'absolu comme un avantage) : l'absence de réelle opposition entre les joueurs
même en cas de description de conflits. Cela me donne cette impression d'être dans une position surplombante de scénariste (position qui va souvent de paire avec des discussions méta sur la direction où l'on souhaiterait emmener la partie).
Cela me gêne d'abord parce que ce choix, quasi-systématique dans les jeux récent se revendiquant du story-game, vient limiter le champ des possible (c'est un choix aussi paresseux que celui -par exemple- de laisser à des jets de dés toutes les résolutions d'action). Mais surtout il me semble que cette décision vient de problème de classification (oui je sais j'y reviens tout le temps) notamment de l'idée que l'on pourrait découper et séparer les postures entre posture d'auteurs et postures d'acteurs (i.e. que la préoccupation sur l'histoire serait antinomique de la préoccupation des intérêts de son personnage) ce qui me semble empiriquement faux.
Plus généralement même cette distinction entre le
game et le
play me semble beaucoup trop simpliste pour rendre compte de ce qui se passe dans les jeux
à mécanique de résolution qui passent généralement de l'un à l'autre de façon tellement fluide qu'il n'est pas très intéressant de les séparer.