L'indépendance des fondateurs des Ateliers
Je pense pouvoir parler au nom de mes co-fondateurs en répétant la définition de l'indépendance déjà vue et revue:
On pourrait aussi prendre la définition de Fabien Hildwein, "Un jeu est indépendant lorsque son concepteur en possède les droits d'auteurs et les droits de commercialisation." (aussi appelés droits de distribution dans le podcast). Ce à quoi il ajoute "dans un jeu de rôle indépendant, un auteur peut certes faire appel à tout type de compétence (pour Monostatos, j'ai fait appel à un illustrateur), voire à quelqu'un qui t'encadre (un editor au sens américain), mais il reste celui qui a le dernier mot sur les décisions artistiques." (
http://www.cnjeu.fr/accueil/conservatoi ... monostatos)
Je précise que cette définition était celle de silentdrift avant d'être la nôtre, et avant cela celle de The Forge, qui eux-mêmes (me semble-t-il) l'ont construite à partir de la notion d'indépendance dans la musique rock.
A cela s'ajoute le fait que sur les Ateliers nous avons choisi de faire preuve d'arbitraire et d'inviter les personnes qui nous semblent intéressées par la communauté des Ateliers Imaginaires (ça peut être nos ami°e°s, mais ça ne s'y limite pas).
Le but des Ateliers c'est aussi de rassembler des gens qui ont une envie commune, même si comme on l'a déjà dit
dans ce sujet, cette envie est floue et indéterminée. On ne veut pas de gens (indépendants) qui viendraient uniquement faire leur pub sans s'intéresser aux autres.
On ne cherche donc pas à être LE forum de l'indépendance, mais
une communauté d'indépendants qui s'entraident, testent les jeux des uns et des autres, jouent à leurs jeux, etc.
Et à la limite, cette deuxième contrainte est presque plus forte que la première au sens où on conçoit très bien que l'indépendance soit un concept élastique, qui puisse recouvrir bien des réalités. C'est aussi sa force: les nombreuses expérimentations qui existent sur le forum, avec leurs hauts et leurs bas, sont une marque de dynamisme et permettent d'explorer ce qu'on peut faire avec le jdr. Chapeau bas d'ailleurs à Thomas, Morgane, Vivien et Gaël pour leurs recherches !
Ce que je veux dire par là, c'est que cette définition de l'indépendance structure surtout ce que nous cherchons à créer comme communauté. Ce n'est nullement un guide, ou - pire - une contrainte pour les auteurs°autrices des Ateliers, au contraire, ces expérimentations sont formidablement intéressantes ! Elles sont même vitales puisqu'un des buts originaux de l'indépendance est de chercher de nouveaux modèles économiques et éditoriaux. Je trouve donc que cette discussion est importante, puisqu'elle nous permet de co-créer ce que nous entendons par indépendance.
Cette définition fixe un esprit général qu'il s'agit de respecter, mais à l'intérieur de ces limites,
l'indépendance c'est surtout ce qu'on en fait !Que signifie cette définition de l'indépendance ?Bon, mais c'est quoi l'« esprit » de cette définition ?
J'aime vraiment beaucoup la réflexion de Thouny à ce sujet:
« Un jeu de rôle est indépendant si, lorsque son auteur se rend compte que c'est de la merde, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même. »
C'est à la fois une question de responsabilité et de contrôle de la création du jeu. Je suis le seul maître à bord. Ça ne garantit nullement la qualité de mon jeu, mais au moins j'ai eu toutes les cartes en main pour le réaliser. De façon générale, je trouve le message de Thouny excellent, ses « 5 centimes » valent de l'or.
Je réponds dans les paragraphes suivants plus spécifiquement à Eugénie. Cette définition de l'indépendance me semble très claire sur ce qu'elle propose et ce qu'elle ne propose pas.
D'une part,
cette définition ne prétend pas être « socialement responsable ». Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Effectivement on est surtout orientés vers les questions de liberté créative.
Donc on n'est pas moins ou plus indépendant, quel que soit les acteurs auxquels on fait appel, ou leur « moralité » respective. Sinon définir qui est indépendant et qui ne l'est pas serait encore plus difficile et complexe, et renverrait rapidement à des jugements de valeur difficile à trancher.
De même, j'ai du mal à comprendre d'où vient l'idée que nous aurions une vision romantique (voire socialement irresponsable ?) de la chaîne du livre.
Romaric, par exemple, est extrêmement conscient de ces questions sociales. S'il fait appel à un imprimeur près de chez lui, c'est justement pour soutenir l'économie locale. J'ajoute que Romaric a été un des tous premiers à se poser la question (je me souviens en avoir discuté avec lui en 2010, au moment où je l'ai rencontré), à un moment il vérifiait systématiquement où étaient imprimés les jeux qu'il recevait, il a toujours été très attentif à ces enjeux sociaux.
Je trouve aussi qu'utiliser le mot de « patronat » me semble aussi abusif et biaisé. Je paie Lulu pour ces services, et je les paie bien, je n'ai pas l'impression de les exploiter ou de leur imposer quoi que ce soit. Tu peux me dire que je devrais choisir d'autres services et que je n'ai pas un comportement responsable ainsi, mais 1. le mot de patronat me semble toujours excessif, 2.
ça ne remet pas en cause mon indépendance.Tu peux légitimement argumenter que certaines plateformes ne te semblent pas éthiques (et je pense sincèrement que ce sont des discussions qui ont leur place ici), que ça nuit au métier de libraire, ou encore que ça a des conséquences sur l'environnement ou la fiscalité, etc., mais ça ne remet pas en cause la définition de l'indépendance telle que nous la défendons ici.
D'autre part, j'ai du mal à comprendre ton deuxième argument nous reprochant de ne pas être indépendant lorsqu'on fait appel à un prestataire extérieur, la définition ci-dessus est très claire sur le fait qu'
on peut faire appel à d'autres personnes, y compris pour les tâches non-créatives.
Je suis toujours indépendant en faisant appel à Lulu parce qu'à tout moment je peux retirer mon jeu de Lulu et que Lulu n'exerce aucune pression créative sur mon jeu. De la même manière que quand je fais appel à un illustrateur ou à un relecteur, je suis libre de prendre en compte ou pas ses apports.
De même, j'ai du mal à comprendre pourquoi tu places dans un autre ordre la gestion des commandes et des envois. OK, ça ne demande pas les mêmes compétences techniques que l'impression et l'illustration. En quoi ça nous rend moins indépendant de confier ces tâches à d'autres personnes, sachant qu'on peut toujours le faire nous-mêmes si on le souhaite ?
L'indépendance ce n'est pas la liberté absolue de créer (nous n'avons jamais promu cette idée, ça me semble un cliché qui nous est imposé de l'extérieur, comme lorsqu'on nous fait dire que les éditeurs seraient le diable), mais de pouvoir faire soi-même les choix importants avec les contraintes de l'environnement, y compris les contraintes de distribution.
Donc cette définition n'a pas de prétentions éthiques et n'a pas de prétention à se passer complètement des autres. Ce sont des questions légitimes, mais elles ne remettent en rien en cause notre indépendance (du moins d'après la définition que nous nous donnons).
C'est quoi mon indépendance, à moi Fabien ?Pour compléter ma réponse à Vivien, voilà comment j'envisage mon travail.
Je suis indépendant pour des raisons économiques avant tout. L'indépendance me permet de faire des choix créatifs risqués (quel éditeur aurait accepté de publier
La Saveur du Ciel?). Ça me permet de ne pas faire peser sur d'autres épaules mes échecs, je suis le seul dans la merde en cas de pépin. Et accessoirement, ça me permet aussi de payer mes allers-retours en train pour promouvoir le jeu, ce qui fait que je suis à l'équilibre (en fait, c'est un peu excédentaire) dans mon loisir, ce qui est une bonne chose.
Je ne pourrais pas exister sans l'impression à la demande. Elle est cohérente avec ce que je recherche dans l'indépendance, qui est de pouvoir prendre des risques créatifs. Comme il n'y a pas de risques financiers à prendre avec l'impression à l'avance de nombreux exemplaires, je peux prendre ces risques.
De même, le fait qu'une plateforme distribue elle-même les commandes permet aussi de prendre moins de risques financiers. Le problème du système des boutiques c'est exactement le même: il faut imprimer de nombreux exemplaires pour alimenter toutes les boutiques, sans savoir si le jeu va se vendre. Je ne suis pas allergiques aux boutiques, je travaille avec celles qui me proposent un partenariat, mais clairement ce serait impossible de proposer cela à toutes, le risque devient alors beaucoup trop grand.
Et comme le fait remarquer justement Eugénie, faire la distribution soi-même, ça demande de la place, de la stabilité (je suis pas assez souvent chez moi pour assurer un suivi régulier), du temps et de l'énergie que je n'ai pas.
Enfin,
l'indépendance pour moi ce n'est pas qu'être indépendant, c'est aussi aider les autres à le devenir. C'est pour ça que c'est essentiel de partager nos modèles économiques, de s'entraider, de discuter, etc. D'où l'importance des Ateliers Imaginaires, et là on boucle sur le début de mon message.