Mais c'est quoi votre indépendance ?

[Mangelune]

Pour l'histoire des retours, c'est un problème en effet, mais les petits éditeurs gèrent ça en évitant de surdistribuer. De toute façon notre problème pour le moment ce ne serait pas les retours, mais l'absence de commandes : les librairies a priori ne veulent pas de jdr, pas encore, et c'est déjà un premier travail que d'arriver à en convaincre quelques unes. Notamment en s'inscrivant dans leurs catalogues, mais cela demande un distributeur commun...

Pour revenir plus directement au sujet, une des raisons pour lesquelles je me suis tourné vers l'indépendance c'est que je pouvais enfin produire un jeu, pas perdre du temps à faire des dossiers, à demander leur avis à des décideurs, à séduire des personnes sur la base d'un pitch, etc.

Bref ce n'était pas tant la peur de voir un éditeur jeter un oeil à mon travail, que la lassitude devant des portes fermées et des délais d'attente hyper longs (j'avais vécu ça dans le jdr, et en dix fois pire dans le court métrage).

Bon, cela me met de plus en plus le cul entre deux chaises parce qu'une fois le jeu produit, il faut encore séduire. Et l'idée d'un financement participatif remet ce principe de séduction une fois encore avant la production du livre. On échappe pas à la communication.

[kiraen]

A propos de la transmission du jdr entre personnes expérimentées et non expérimentées;
Vous connaissez beaucoup d'activités humaines qu'on peut commencer sans qu'un humain ne nous montre le chemin ? Plus j'avance plus je me dis que cette tradition orale, cette initiation que j'ai moi même décriée pour son côté un brin sectaire, n'est en fait qu'un faux problème. C'est un vrai problème si ça limite l'accès, mais est-ce que ça limite vraiment plus l'accès au jdr qu'à d'autres disciplines ?

Deuxième question que je me pose : un jdr ça se vend comme un livre ou comme un jeu ? Les auteurs de littérature multiplient les interventions en librairie, salons, lycées pour parler de leurs livres, et les vendre. Je connais mal la façon dont les jeux de plateau se vendent, peut être pourrez vous m'éclairer ?

Enfin à propos des KS/CF et Ululeries. Dans la discussion que j'ai eu hier avec Greg Stolze (huhu bon soyons honnête la discussion que Willem a eu avec Greg Stolze et que j'ai parasité honteusement à son invitation ;) ), je me rends compte que comme pour John Wick, ces mecs donnent envie de jouer à leurs jeux en en parlant et qu'ils font appel à des spécialistes pour gérer leurs campagnes. En général c'est un mec ou deux qui gèrent pour eux. Stolze disait qu'il n'était pas un bon vendeur, que c'était une source de stress terrible pour lui et que lorsqu'il proposait un petit projet, il n'était pas très ambitieux pour limiter ce stress. Mais que pour Unknown Armies 3, avec ses 250 000 $ de levée de fond (qui les a surpris parait-il), il n'avait rien géré, et que c'était très bien comme ça. D'ailleurs autre point intéressant de sa démarche, il nous disait hier qu'il a écrit un roman dans l'univers d'UA, et que son éditeur n'en veut pas. Il disait qu'il s'était fixé un objectif : gagner 10 000$ avec ce roman et qu'il cherchait maintenant comment faire.

C'est ce qui m'a marqué en fait, cette notion d'objectif. Est-ce qu'en tant qu'auteur indépendant, poser des objectifs clairs à propose de son travail ne permettrai pas de gagner en professionnalisme ? Peut être le faites vous déjà et si c'est le cas vous vous fixez quoi comme objectif pour un jeu ?

[Mangelune]

Wah plein de questions !

Deuxième question que je me pose : un jdr ça se vend comme un livre ou comme un jeu ? Les auteurs de littérature multiplient les interventions en librairie, salons, lycées pour parler de leurs livres, et les vendre. Je connais mal la façon dont les jeux de plateau se vendent, peut être pourrez vous m'éclairer ?

De ce que j'en vois, il y au moins deux méthodes de ventes pour le jdp :
- la boutique : on a l'achat de curiosité d'abord - le client voit un truc joli dont le 4e de couv est séduisant et le sujet l'intrigue - et puis on a le vendeur qui aborde un client, lui demande ce qu'il recherche, le guide. Clairement, pour le jdr ce n'est plus trop la joie à ce niveau.
- la convention : les animateurs font des dizaines de parties voire plus pendant 2 jours. Démos après démos après démos. Et exhibent du matériel. Là encore, on est pas au mieux, même si des gens comme Johan Scipion (format court) ou Thomas Munier (table ouverte) tentent des trucs spécifiquement tournés vers l'animation.

[Thomas Munier]

Mon objectif personnel en tant qu'auteur indépendant : sortir des jeux. Le reste est secondaire.

Concernant la transmission orale, je pense qu'on peut transmettre oralement un jeu par des vidéos tutorielles, c'est ce que j'ai fait avec ce tutoriel youtube pour Inflorenza Minima (avec Valentin en meneur et YM en joueur)

[Thouny]

Ma réflexion justement porte sur la capacité d'accès de notre discipline lorsqu'il n'y a pas de transmission directe (pas de joueur expérimenté) et là, comme tu le fais remarquer, c'est beaucoup plus difficile. Je tenterai probablement l'expérience un jour, et si ce jour arrive, j'utiliserai les jeux que vous me conseillez et je vous ferai un retour. :)

En vrai, c'est pas si dur. En Terminale, je suis entré dans la boutique de ma ville qui vendait des Warhammer. J'ai vu des jolis bouquins, dont un qui m'a tapé dans l'œil : Anima: Beyond Fantasy. Je l'ai bouffé, j'ai créé des persos et des monstres, puis j'ai acheté l'Écran (qui contient aussi un livret avec un scénar), et j'ai demandé à mes amis de l'époque s'ils étaient motivés. Ils l'étaient, donc on s'est mis au JdR.

On était 6 noobs complets, et on s'est mis au JdR de nous-mêmes. Alors oui, bien sûr, au début c'était pas forcément excellent, mais on a bien rigolé, donc on a continué, et peu à peu on est arrivé à un jeu qui nous plaisait vraiment.

[Gaël Sacré]

On était 6 noobs complets, et on s'est mis au JdR de nous-mêmes. Alors oui, bien sûr, au début c'était pas forcément excellent, mais on a bien rigolé, donc on a continué, et peu à peu on est arrivé à un jeu qui nous plaisait vraiment.

Le biais dans ton expérience, c'est qu'il faut considérer tous ceux qui n'ont au contraire pas réussi à s'en sortir. Ca a été mon cas par exemple, et pourtant je baigne dans la culture geek depuis que je suis gamin. Et donc si on considère tous ceux dont la couverture de Warhammer ou autre jeu très marqué en terme d'univers imaginaire a laissé indifférent, ça laisse un paquet de gens sur le carreau.

[Mangelune]

Le truc qui jouerait en faveur de l'approche "classique", c'est qu'à une époque le jdr marchait très bien, avant finalement de s'estomper pour des raisons plus ou moins bien identifiées. Et que donc cette forme de jeu plaît. Peut-être aussi que c'est plus porteur le jdr décomplexé med-fan que le truc arty et profond.

D'un autre côté, plein de jeux "indés" ou plus "modernes" tentent des approches plus simples, avec moins de règles. J'ai jamais su si Perdus sous la pluie permettait vraiment à des grands débutants de se lancer, j'ai de gros doutes là-dessus même si c'est aussi un des objectifs que j'avais en créant le jeu (je sais pas si Charybde en a vendus à ce genre de personnes et si ils ont essayé).

Et puis encore une fois, ça ne viendrait pas à l'idée de Tric Trac par exemple de pondre une vidéo "Qu'est-ce que le jeu de plateau". Et personne n'aurait tapé sur BBE et Chattam s'ils avaient fait une vidéo "Chroniques oubliées qu'est-ce que c'est ?".

[Thouny]

C'est vrai Gaël, tu as raison.