Évolution du danger du jeu de rôle avec le partage de responsabilité narrative.Avant proposLe post qui va suivre n'a pas pour but de déterminer si oui ou non le jeu de rôle est dangereux. C'est un autre débat qui est bien trop polémique pour ce lieux il me semble. Non, je pars du postulat qu'il y a un danger et j'ouvre le débat pour discuter de l'évolution de ce danger du fait des jeux où la responsabilité créative est partagée avec les joueurs.
ProposJe fais du jeu de rôle depuis… ça me fait mal de compter, mais c’est une époque où il n’existait que D&D. Je vous laisse faire le calcul. Toujours est-il que depuis mes premières parties de cet ancêtre j’ai été conquis par cette discipline qui consistait à résoudre les problèmes posé par le maître du jeu. Il nous posait un donjon et nous à coup de dés on tachait d’en venir à bout en cherchant à être le plus malin possible. Plus tard, j’ai vite été frustré par le manque d’apport créatif du joueur (autre qu’une belle description de l’action conditionnée par le jet de dé), j’ai donc opté pour le rôle de MJ. Je vous passe mon parcours exhaustif, ce n’est pas le propos.
Suite à une dépression, d’origine extérieure au jdr je précise, je me suis penché sur mon hobby préféré et j’ai identifié un problème récurrent dû à la pratique en tant que joueur. Le fameux danger du jeu de rôle dont je parle plus haut. Notez que je parle ici des jdr dis « traditionnels ». Je ne connaissais pas encore l’existence du partage de responsabilité narrative.
Donc, un joueur de jdr fais vivre son personnage, il l’incarne, s’immerge dans sa peau pour vivre à travers lui. En tous cas c’est comme ça que je pratique. Il lui fait donc faire des actions, résoudre des problèmes, accomplir des taches plus ou moins ardues. Mais à aucun moment, puisque c’est autour d’une table et avec des dés, il ne paye le prix physique de son action. Pour accomplir quoi que ce soit en jdr il lui fallait juste, déclarer son intention, jeter un dé et écouter le MJ décrire la scène. Hors une fois revenu dans le monde réel, un fossé s’était creusé et tout ce qu’il cherchait à entreprendre devenait soudain dur et rébarbatif comparé à ce qu’il venais de vivre avec ses personnages.
Voilà donc le danger que j’ai identifié. Un joueur peut être découragé de la vie réelle parce qu’elle lui semble trop dure comparée à cette vie simulée qu’il vit en jdr. l’immersion d’un jdr rendant cette problématique plus intense que dans d’autre media (ciné, jeux videos).
On risque donc un repli sur soi, une aggravation de dépression, etc.
Une fois que j’ai eu identifié ce danger, j’y ai fait attention et j’ai continué ma pratique sereinement. Rien n’est exempt de danger, surtout pas les choses qui procurent du plaisir. En avoir conscience c’est avant tout apprendre à s’en protéger. Mais je diverge.
J’ai découvert il y a un ou deux ans le partage de narration, alors que j’avais plus ou moins abandonné le jdr, pas assez de temps pour maîtriser correctement et jouer aux jeux dit "traditionnel" m’ennuyait un peu. Et la
elbj m’a parlé un soir du GNS et m’a envoyé sur PTBPTG ou j’ai commencé à lire les traductions de The Forge. J’ai ensuite découvert la Cellule et Frédéric Sintes à qui j’ai acheté Prosopopée. Ce fut une révélation pour moi qui n’avait jamais connu que le jdr à sens unique. J’étais accroché.
Peu après, j’ai ouvert Apocalypse World de Vincent Baker. J’ai été plus que conquis juste à la lecture, je lisais les règles que mon groupe de jdr utilisait à moitié sans le savoir. Je venais de réaliser que le système à son importance et que surtout on pouvait avoir un système de résolution qui supportait le propos… Mais je m’égare sur mon épiphanie tardive.
C’est ensuite que je me suis plongé plus profondément dans le game design et que je me suis mis à lire tout ce qui me tombait sous la main. Et au détour d’une discussion avec
elbj, je me suis rappelé de mon vieux démon du jdr, le danger dont je parle plus haut.
Je me suis posé la question suivante : Est-ce que la pratique qui consiste à partager la responsabilité créative d’un jeu de rôle avec les joueurs modifie l’intensité de ce danger ? Est-ce que ça diminue cet effet pervers ?
J’ai réfléchis à deux réponses contradictoires :
Le fait d’engager le joueur dans la création, le place dans une posture différente de la vie réelle. En effet, il n’est plus en réaction des évènements qu’on lui propose mais il a du contrôle sur l’environnement. Cela transforme le jdr en une expérience à part qui ne peut plus être comparé à la vie réelle et qui donc balaye le danger.
L’immersion et l’implication du joueur sont beaucoup plus fortes quand la responsabilité créative est partagée. La tentation de se réfugier dans ce nouvelle univers ou le contrôle est exacerbé est également plus forte.
Je penche personnellement pour la première réponse. L’intensité du jeu ne pouvant pas être vu comme un défaut. J’en viens donc à la conclusion que le développement du partage de responsabilité créative est bénéfique pour notre passion.
Je poste cet article ici pour avoir votre avis sur cette réflexion. Qu’en pensez vous?