Ben Lehman a écrit :Sur Story Games1 j’ai retrouvé ce texte, que j’ai écrit en août 2013. J’y exprime mon irritation face à l’idée que le jeu de rôle serait une forme de théâtre d’improvisation ou devrait être analysé à partir de concepts du théâtre.
Je me demande si ça tient toujours aujourd’hui ? Je ne crois pas que nous soyons parvenus à créer les cadres d’analyse esthétiques que je recherchai, mais je crois aussi que je ne suis pas la personne qu’il fallait pour ça.
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Les jeux de rôle ne sont pas plus du théâtre qu’ils ne sont des romans, des films, des peintures des manuels, des sculptures, des essais, des séries télé ou des théories mathématiques.
Bien sûr, il existe des liens entre le jeu de rôle et ces activités, mais elles ne sont en aucun cas la même chose.
Dans les premiers temps d’un médium, l’analyse critique emprunte souvent des outils d’analyse théorique de médias plus légitimes : par exemple lorsque les premiers films sont apparus, la réflexion théorique s’est d’abord appuyée sur les cadres de pensée du théâtre, avec l’idée que la caméra ne serait qu’un moyen plus aisé de représenter la performance théâtrale.
Mais évidemment, ce n’est pas le cas. Et lorsque les réalisateurs de cinéma ont commencé à s’en rendre compte – lorsqu’ils ont compris qu’il y avait plus dans le cinéma que de faire du « théâtre mobile » – les films ont commencé à s’épanouir à la fois en termes artistiques, critiques et commerciaux. Y parvenir est ardu – le vocabulaire critique doit être construit à partir de rien, et en général par les artistes concernés qui ont bien mieux à faire. Mais c’est la seule manière de progresser en termes créatifs.
Pourquoi ? Parce que lorsque vous adoptez le vocabulaire critique et les cadres de pensée d’un autre médium, vous adoptez aussi les codes esthétiques de ce médium. En fin de compte, si vous utilisez des théories qui considèrent le jeu de rôle comme une forme de théâtre d’improvisation, vous arriverez à la conclusion que la plus haute forme de jeu de rôle, c’est le théâtre d’improvisation. Si vous utilisez des théories qui considèrent le jeu de rôle comme une forme de roman, vous arriverez à la conclusion que la plus haute forme de jeu de rôle, c’est le roman. Et ainsi de suite avec chacun des domaines que je mentionnais plus haut.
Un tel travail peut être utile, bien entendu, mais j’aimerais vraiment voir naître une analyse esthétique faite pour les jeux de rôle, plutôt que pour d’autres médias mieux reconnus. Je crois que nous continuerons à tourner en rond tant que nous n’y parviendrons pas.
Parce que la plus haute forme du jeu de rôle, c’est le jeu de rôle.
Source Merci à Frédéric de me l'avoir fait remarquer.
1Forum de création de jeux de rôle anglophone.
Ca rejoint des réflexions exprimées sur ce podcast où on évoquait les liens entre jeu de rôle et cinéma.
Rappelons que Ben Lehman est l'auteur de Polaris (pour la traduction française duquel un Ulule vient de se lancer), de Bliss Stage (VF) et de bien d'autres jeux de rôle novateurs.
(Ma traduction est imparfaite, mais prenons-là comme telle pour échanger. Si vous voulez en discuter, n'hésitez pas à me contacter, ça m'intéresse, mais pas ici.)