Frédéric a écrit :Par contre, il me semble toujours délicat de ne pas laisser aux joueurs un minimum d'emprise sur l'évolution de l'histoire. Je sais que c'est ce qui a tendance à me frustrer avec Patient 13, par exemple (qui s'inspire aussi beaucoup de SIlent Hill) : le MJ balade les joueurs et ils ont beau pouvoir agir, ils peuvent se sentir dépossédés de leurs moyens d'agir et de comprendre les événements.
C'est la question que je me suis posée avec Orphans' Rhapsody. Je ne veux surtout pas que les joueurs soient impuissants, donc je donne des outils d'emprise au MJ, mais je lui impose aussi des limites : il ne peut pas faire de mal à un PJ tant que le joueur ne lui en donne pas l'opportunité. Mais il peut maltraiter les choses auxquelles ils tiennent. Il raconte le résultat des jets de dés, mais quand les joueurs ont suffisamment de points d'initiative (obtenus en gagnant des jets de dés et en chantant), ils peuvent lancer des scènes durant lesquelles ils pourront accomplir des choses durables. Donc il y a un jeu de rapport de forces à la faveur du MJ, mais qui peut s'inverser au cours de la partie.
Pour ce qui est de laisser le contrôle au MJ de souvenirs que les personnages des joueurs devraient connaître, à mon avis il y a un truc important à jouer, mais sans une idée plus précise du système de ton jeu, c'est difficile de dire quoi. :)
Merci pour ta réponse
Je sais que je devrais lire Patient 13, ne serait-ce que pour voir comment Yno gère ça. Je me souviens de Notre Tombeau qui pouvait souffrir du même principe, je me demande aussi si ce n'est pas ce que reprochent certains à certains scénarios de Sombre. L'horreur au cinéma, c'est des victimes qui avancent dans des couloirs, sont confrontées à des trucs horribles, fuient, et finissent par devoir se battre et gagner ou mourir.
En jdr, on entre dans ce type de scénarios séduisants sur le papier mais qui de mon expérience ne fonctionnent pas vraiment : soit l'exploration façon petit train fantôme où on enchaîne les rencontres chiadées-horrifiques-symboliques, soit le donjon de l'impuissance qu'on explore au petit bonheur la chance en espérant pas tomber sur la mauvaise pièce. Je n'exclus pas bien sûr que des MJs doués dans ce domaine y arrivent, ou que des scénarios bien écrits puissent transcender ce problème.
Tel que je suis parti, il y aura trois types de "scènes" dans
Le Limbe des Pères :
- les scènes d'enquête dans le réel : là encore, agentivité totale. Ils pourront choisir d'enquêter ou non. Le scénario aura prévu des pistes possibles, et le MJ s'adaptera éventuellement aux idées des joueurs.
- les scènes dans le Limbe : c'est en fait là qu'on touche à l'horreur, au syndrome Silent Hill et au risque de voir des persos dépossédés de leur agentivité. C'est de cette partie que je doute le plus finalement, comme tu le dis c'est assez casse-gueule.
- les scènes de vie quotidienne : où on s'attachera à découvrir l'environnement des PJs. C'est là que je compte utiliser la défamiliarisation naturelle du jdr classique expliquée dans le post précédent. Le joueur me dira s'il a une femme, un ami, un autre enfant, quel boulot il fait... et je me chargerai en tant que MJ de faire vivre cette relation. L'agentivité sera bien présente, le joueur étant bien sûr entièrement libre de sa façon de réagir.
Dans la partie "vie quotidienne", en tant que MJ je n'ai pas besoin de contrôler les souvenirs du PJ en fait :
- le joueur m'annonce en début de campagne que son personnage a un amant et me donne 2-3 détails sur lui.
- je dois jouer ledit amant mais je n'ai nécessairement pas la même vision du personnage que le joueur qui l'a imaginé (je ne suis pas dans sa tête).
- la première scène avec le personnage arrive, et le simple fait de m'emparer du PNJ crée automatiquement de la défamiliarisation. Le joueur ne connaît pas bien ce personnage, alors que ça devrait être le cas puisque le PJ et le PNJ se fréquentent depuis des mois voire des années.
- au fil de la campagne, le joueur va se familiariser peu à peu avec les PJs et PNJs. Cela peut représenter le mouvement de désendeuillage. Le PJ retrouve le goût de vivre en même temps que le joueur apprend à maîtriser son environnement.
De nombreux jeux de rôle tendent à envoyer les PJs dans des lieux nouveaux, justement parce qu'ainsi joueur et PJ découvrent en même temps les décors et ceux qui les peuplent. Il peut être difficile voire impossible de créer une complicité, un sentiment de familiarité dès le début (cf. l'autre fil sur le sujet). Cela demande du temps, et bien des campagnes commencent par une espèce de flottement, le temps pour chacun de prendre ses marques.