Je réagis cette fois à la "neutralisation" des genres dans la rédaction de règles tel que la propose Thomas.
À la lecture d'
Inflorenza, l'alternance du point de vue joueur / joueuse m'a déstabilisé. Au risque de paraître rigoriste (bon ok, je le suis *w*), cela peut s'assimiler à une faute de style, et si l'objectif est louable, l'effet premier est de jeter la confusion sur un texte technique où la clarté doit primer.
Transmettre les règles d'un jeu est déjà un exercice difficile en soi. Y ajouter des contraintes tel que l'alternance aléatoire des genres n'aide en rien.
Cela n'interdit pas la démarche éducative décrite précédemment, mais pas au détriment du produit principal qui reste le jeu.
Ou alors écrire en langue anglaise.
Pour exemple, dans
Eclipse Phase, un jeu transhumaniste où la facilité de changer de corps abolit toute notion de genre, les traducteurs ont inséré une note expliquant que pour conserver des exemples compréhensibles, ils utiliseraient toujours le pronom correspondant au genre du prénom utilisé dans l'exemple. Donc même si Cynthia est dans le corps d'un mercenaire bodybuildé, "elle" agira.
La version originale s'affranchissait facilement de ce paradoxe grâce au pronom "it", permettant plus de souplesse, même s'il déshumanise au passage. La langue française, pourtant bien outillée sur pas mal de points, n'a hélas aucun équivalent à proposer.
Idem sur les définitions de métiers / compétences que Thomas cite en exemple. La contrainte est forte mais surtout elle ne se justifie pas. L'utilisation générique de noms communs genrés se fait sur la base de leur masculin : "elle a les aptitudes d'un grand voyageur", "elle était considérée comme un artisan émérite".
Ce n'est pas du sexiste que d'appliquer la grammaire de la langue. Notre vocabulaire peut être considéré comme sexiste par atavisme (notamment sur les métiers) mais il évolue avec la société. Je renvoie à la
célèbre chanson de Sardou qui en soi est une liste d'exemples (il a d'ailleurs sortie
une nouvelle chanson façon bilan 30 ans après, mais avec des pin-up à poils quand même…).
Même combat sur les représentations graphiques : au risque de paraître cynique (oui, je le suis aussi…), l'effet Benetton en pub, BD, etc. sert principalement à capter de nouveaux acheteurs en leur permettant de s'identifier. Pour la petite histoire, les personnages "internationaux" des X-Men (Wolverine, Tornade, Diablo, etc.) sont apparus à la fin des années 60 pour mieux se vendre auprès des minorités américaines et à l'étranger, où Marvel avait du mal à percer. C'est également le reflet de l'évolution des mentalités de nos sociétés, mais le but premier était d'abord de plaire et vendre plus.
J'ai bien perçu que ce n'était pas l'objet de Frédéric ou Thomas, et leur démarche est louable, bien sûr.
Ce qui est plus problématique, ce sont les risques d'auto-censures qui en découlent.
Nombre de journalistes, éditeurs et artistes évoquent leur malaise vis à vis du politiquement correct. D'un côté cela bride leur créativité, d'un autre ils craignent d'être mis à l'index en le transgressant.
Question d'équilibre sans doute, je suis le premier à m'autocensurer quand j'écris et également à m'extasier quand un auteur va au bout de son idée, même dérangeante, et que cela marche. Je renvoie à l’œuvre d'Alan Moore (les BD) puisqu'il a déjà été cité ici.
Et si chacun est libre de mettre le curseur où il l'entend, attention à ne pas finir avec un jeu aseptisé ou incohérent.