LCS : rapport de partie Journalistes

[Olivier]

Bonjour à tous

Ça n'aura pas traîné : après avoir découvert Les Cordes Sensibles avec Fred la semaine passée et avoir vécu une partie enthousiasmante avec lui, j’ai proposé LCS à des amis.

Pas de suspense, nous avons passé un très très bon moment. Au point qu’on rejouera à LCS et Démiurge les prochains WE alors qu’on alterne les jeux d’habitude.

Immédiatement après la partie, nous étions juste emballés par les histoires vécues. C'est en y réfléchissant et en rédigeant le présent rapport qu'il est apparu qu'il semblait possible de mieux jouer à ce jeu.

Cadre :

Pas optimal, on avait prévu de se voir mais pas de jouer (+bébé qui tournait entre les participants). Du coup, j’ai lu les règles en vitesse et je me suis dit qu’ayant déjà joué ça irait tout seul. Ce n’était pas le cas et j’ai eu du mal avec les règles de retombées. Peut-être que j’ai aussi mal présenté le jeu (cfr. ci-après).

Contexte :

J'évoque ma bonne expérience avec une partie dans le milieu de la mafia, les autres pensent aussi qu'on créera mieux si on a un cadre commun. On envisage des politiciens, des gardiens de prison,... On décide finalement de jouer l'équipe d'un journal, L'Indépendant (l'indé), qui vient d'être racheté et qui a trahi ses origines de journal d'investigation.

Persos :

Yann Blanc (joué par Thomas, plutôt compétitif, on joue de longues campagnes tradi depuis le lycée), jeune journaliste.

Problème : Puis-je choisir mon idéal plutôt que mon désir de réussite ? Je n'ai pas envie d'être pauvre. J’ai souvent des offres d’emploi alléchantes dans d’autres domaines.

Croyances : Je fais une réelle différence dans le monde. Les gens sont définis par leur choix pas par les circonstances.

Gilles Berns était mon idole mais il n’est plus à la hauteur. Gilles est un vendu.

J’ai du respect pour Rodolphe. J’ai de la compassion pour Rodolphe.

C’est difficile de travailler avec des gens qui me détestent.

Mépris pour les autres journalistes.

Sentiments : frustration / futilité / colère / triomphe / trahison


Rodolphe Hax (joué par Fabrizio qui aime les expériences fortes), vieille gloire du journalisme.

Problème : Pourrai-je maintenir ma stature sociale ? Alors que je suis fatigué et que mon réseau me contacte de moins en moins.

Croyances : Je ne peux qu’être au top. Les autres sont des minables qui se tiennent tous par les couilles.

Yann est mon confident, il m’aide à garder la tête hors de l’eau avec ses contacts.

Mauvaise foi.

Prêt à tout.

Sentiments : Humiliation / dégout / exaltation / dépression


Laure de Crécy (jouée par Amélie qui aime surtout l’interprétation des persos), community manager de l’indé.

Problème : aurais-je le cran de me confronter à l’image paternelle ? Alors que j’ai moins peur de la médiocrité que de l’échec et qu’on ne me prend pas au sérieux.

Croyances : reconnaitre sa faiblesse c’est le début de la fin. On ne peut jamais vraiment se relever d’un échec On peut apprendre d’un échec et évoluer.

Rodolphe est le meilleur ami de mon père mais il est difficile de lui cacher ma faiblesse

Mes modèles photo ont peut-être tort de me faire confiance.

Mon père : monstre sacré ? Sacré gros con…

Sentiments : hypocrisie / espoir / colère / déception


Gilles Berns (joué par moi), directeur de rédaction et éditorialiste.

Problème : Pourrai-je créer mon paradis loin du monde ? Je ne crois pas que les humains (y compris ceux qui composent mon paradis) puissent échapper à leur nature qui est mauvaise. Mon paradis me coute cher.

Croyances : la nature humaine doit être combattue. Je ne suis ni meilleur ni pire qu’un autre.

Laure est ma confidente, j’envie le peu d’emprise que le monde a sur elle mais je ne crois pas que sa solution soit applicable pour moi.

Juliette, ma fille, est un élément essentiel de mon paradis.

Mon paradis est un enfer pour les autres.

Iris (ma nouvelle compagne) n’est pas celle que je croyais.

Sentiments : Lassitude / Colère / Emprise / Borné


La partie


Rodolphe : exposition

Il n’avait pas vérifié ses sources pour son dernier article. Gilles l’engueule (il me fait intervenir) et lui demande un article de correction.


Yann : exposition

Il prend le métro bondé et croise dans la rue un ancien co-étudiant qui a réussi financièrement.


Laure : exposition

Au journal, son travail paraît bien futile au regard des enjeux qui animent ses collègues et on ne peut évoquer ses réussites sans parler aussi de son père.


Gilles : exposition

Il jette ses déchets par la fenêtre de sa grosse bagnole dans les embouteillages. Arrive tard à sa grande maison et s’énerve parce que sa fille a tout laissé en bordel.



Rodolphe : développement (dév.)

Il s’ennuie dans un petit vernissage. Il ne supporte plus les discussions creuses et se réfugie aux toilettes. Il entend un homme menacer une artiste montante parce qu’elle s’est engagée à l’aider à blanchir de l’argent par la vente de certaines œuvres. Il sort après que l’homme soit parti et fait un discours fataliste à l’artiste en lui expliquant que c’est comme ça que les choses fonctionnent et qu’elle sera plus heureuse si elle s’y fait.

Yann : dév.

Va boire un verre avec une connaissance prétentieuse et riche. Ce gars et lui draguent des filles dans le bar avec la question de la richesse en toile de fond. Discussion idéologique. Le ton monte. La connaissance part en laissant la note salée de la soirée à Yann.

Laure : dév.

Des photos qu’elle prend lors de ses sorties circulent dans la rédaction de l’indé. Certains se moquent, d’autres les trouvent très bonnes. Gilles prend la défense de Laure et lui propose d’en publier certaines dans le journal.

Gilles : dév.

Sa grosse baraque lui coute trop cher, il doit ruser avec divers créanciers.


Rodolphe : dév. 2

Gilles lui met bcp de pression (suite au rachat certains vont être virés) pour qu’il produise un très bon article. Il sait que l’artiste montante de la scène précédente va organiser une expo dénonçant les mafieux dans le milieu de l’art. Il appelle un de ces pseudo-mafieux pour dénoncer le projet et créer ainsi un événement qu’il pourrait couvrir mais change d’avis (après en avoir déjà beaucoup dit). Il mène une enquête avec Yann, soutien une artiste qui a été tabassée et écrit un article coup-de-poing sur le blanchiment dans le milieu de l’art.

Yann : dév. 2

Lors d’une conférence, il a rencontré une femme qu’il aime vraiment bien. Il lui propose de l’accompagner à l’hôtel où ils couchent ensemble. Le lendemain, elle sous-entend qu’il ne doit pas prendre leur relation très au sérieux puisqu’il a choisi un hôtel miteux.

Après un long échange, il lui donne raison et décide de lui faire une surprise vraiment classe.

Il veut obtenir une avance pour cela mais n’est pas prêts à faire des articles de commande pour l’obtenir. La relation amoureuse foire finalement pour d’autres raisons (un malentendu).

Laure : dév. 2

Ses photos ont beaucoup de succès mais l’une d’elle montrant une mendiante fait polémique. Elle débat avec ceux qui dénigrent son travail. Son père et Rodolphe l’interpellent. Son père estime qu’elle trahi les valeurs d’humanisme pour lesquelles il s’est battu. Elle s’énerve et lui rappelle certaines photos de guerre qui exploitaient aussi la misère et la souffrance de ses modèles.

Gilles : dév. 2

Son ex-femme avec qui il est fier d’avoir divorcé à l’amiable le contacte. Elle veut se « ressourcer » au Canada et veut emmener Juliette, leur fille de 12 ans. (Je demande à Amélie - qui cadre - de ne pas créer une ex-femme trop caricaturale à la fois pour éviter la parodie et parce que je n’imagine pas mon perso s’être marié avec une mégère). Le ton monte, ça se règlera en justice…


Rodolphe : dév. 3

Il est sauvé et présenté en héros suite à son dernier article. Il est pleinement heureux et recommence à se consacrer à des petits articles (quel est le meilleur resto thaï en ville ?).

La police le contacte. Le mafieux qu’il avait contacté par téléphone était sous écoute. Il refuse de s’entendre avec la police et ceux-ci mettent à exécution leur menace de transmettre la retranscription de l’écoute à des journaux concurrents.

Sa réputation est salie. Il veut obtenir de l’artiste tabassée qu’elle prenne parti pour lui. Elle lui demande des explications et il préfère tenter de l’acheter. Echec, elle se fâche. Scandale.

Yann : dév.3

Il risque d’être éclaboussé par le scandale provoqué par Rodolphe puisqu’il a participé à l’enquête. Retrouve un Rodolphe dépressif qu’il engueule en lui affirmant qu’il a trahi leur idéal commun.

Laure : dév. 3

Traverse diverses épreuves alors qu’elle veut quitter son job et tenter d’en trouver un autre. Gilles tente de lui faire du chantage émotionnel mais elle part du journal.

Gilles : dév. 3

Fugue de sa fille qui téléphone à sa nouvelle épouse. Ils vont chercher sa fille. Voyage aller et voyage retour en voiture. Il impose son autorité à sa fille et fait comprendre à sa nouvelle femme qu’il ne veut pas qu’elle interfère dans sa relation avec sa fille.


Résumé de la suite et fin des persos (je saute quelques dév. pour en venir au final de chacun)


Rodolphe se suicide.

Yann décide de bosser pour une boite en rupture avec ses idéaux mais qui le paye très bien.

Laure se libère de l’emprise de son père et lance ses propres projets.

Gilles laisse sa fille partir avec son ex, il rompt avec sa nouvelle femme et se réfugie dans le boulot jusqu’à la faillite du journal (provoqué par les actes d’autres joueurs dans des scènes non-résumées ici)…


COMMENTAIRES


On a tous beaucoup aimé.

Il me semble que j’ai mal présenté le jeu en laissant penser qu’il s’agissait de se mettre en difficulté mutuellement.

On a tous cadré « à la jugulaire » en tentant souvent de mettre les persos des autres face à des choix aussi durs que possible. Certains ont même délibérément aggravé la situation de leur perso (la tentative de corruption de Rodolphe était manifestement destinée à échouer ; Yann dans des scènes non-racontées ici fait passer un article qui met la survie du journal en danger ; Gilles qui se fâchait avec ceux qu’il aimait).

J’en suis venu à me demander si nous ne sommes pas passés à côté d’une partie du jeu en jouant à mi-chemin entre « fais-moi mal » et « je ne t’abandonnerai pas ».

Fab a aimé les nombreuses possibilités d’explorer des cadres inhabituels qu’offre le jeu et il a adoré la fiction. Il trouvait que l’apparition d’un conflit avait été utilisée parfois pour rompre avec une situation difficile qu’il aurait été plus intéressant d’aborder en roleplay (mon perso qui veut imposer son autorité à sa fille plutôt que de discuter).

Amélie a beaucoup aimé mais elle regrettait qu’outre la bienveillance à table nous n’ayons pas aussi été un peu plus bienveillants vis-à-vis des persos. Elle aurait aussi aimé des conflits plus courts peut-être sans carte et pouvant être résolus en un jet de dé.

Thomas a beaucoup aimé l’histoire. Il remarque aussi que certains conflits ont permis d’échapper à l’intensité de la scène (je crois que j’ai mal géré cette question en créant ou proposant trop vite des conflits).

Moi, j’ai été irrité par certains PNJ qui je trouvais excessifs (l’ex-femme de mon perso que je trouvais caricaturale). Je suis ultra-fan du jeu qui va nous permettre d’explorer de nombreuses questions dont nous discutions souvent. J’ai déjà plein d’idées de cadres à explorer ou de problèmes à aborder.


Je pense que les deux principales difficultés rencontrées ont été plus causées par mon inexpérience avec ce jeu que par le jeu lui-même. Le ton avec lequel j’ai cadré deux scènes a incité les autres à cadrer durement et j’ai sans doute mal utilisé les conflits.

Bilan : on a planifié plusieurs autres parties, on est très enthousiastes mais je crois qu’on doit encore apprendre à mieux jouer au jeu.

Je me réjouis de la diversité des parties qu'on va pouvoir faire avec ce très bon jeu !

[Fabien | L'Alcyon]

Très heureux que LCS vous ait autant plu ! Hein que les jeux de Fred envoient du pâté !

Bien vu pour le fait que le jeu pourrait être interprété à tort comme une démarche "Fais-moi mal" alors qu'il est en "Je ne t'abandonnerai pas."
Tu mets le doigt sur un point que je n'avais pas su expliciter, mais qui m'a plusieurs fois conduit à des parties moins intéressantes. C'est vrai qu'il faut bien faire attention à cette question et être clair avec ses partenaires de jeu sur la démarche à adopter.

[Frédéric]

Salut Olivier, un très grand merci pour ce compte-rendu très enthousiasmant ! :)
C'est excellent comme idée de cadre de jeu, ça me fait penser à The Wire.

Au sujet des trois difficultés, je dois dire qu'il s'agit des points qui ont le plus focalisé mon attention depuis le début de la création de ce jeu.

1. Pour ce qui est du "je ne t'abandonnerai pas" et "fais-moi mal", les anciennes parties du jeu (qui s'appelait à l'époque "Psychodrame") n'étaient pas spécialement subtiles mais plutôt violentes, mais j'ai progressivement développé le jeu vers des histoires plus nuancées.
   Pour ne pas se rentrer dans le lard en permanence, je conseille de lancer des scènes de Développement parfois sans trop savoir où on va : mettre des personnages qui comptent pour le Protagoniste et discuter, interagir librement. De plus, je crois que vous n'avez cadré que des scènes de développement après les scènes d'introduction. Les scènes d'Exposition peuvent servir à cadrer des situations apaisées, puisque c'est le Protagoniste qui choisit comment il la met en scène. C'est l'occasion d'orienter son histoire comme il l'entend.
   Pour moi, le conseil le plus important à ce sujet, c'est d'y aller lentement. D'apprendre à connaître les PJ et ce qui est vraiment important pour eux avant de se lancer dans des situations conflictuelles, le but étant de ne recourir aux cartes que lorsque ça en vaut vraiment la peine. SI on a bien eu le temps d'approfondir les PJ et leurs relations avant, un conflit sera d'autant plus percutant, car il sera mieux orienté.
   
   
2. Pour ce qui est de l'utilisation des conflits, la version du texte que tu as n'est pas à jour, voici comment je le joue (et comment je vais modifier le texte) :
   - Les joueurs peuvent faire durer les situations conflictuelles autant qu'ils le veulent sans utiliser les cartes.
   - Quand un joueur pose un Enjeu (en posant une carte devant lui), on ne peut plus empêcher le conflit.
   - En revanche, les joueurs sont libres de continuer leurs narrations et interprétations de personnages autant qu'ils le veulent et en profiter pour utiliser un Trait, exprimer un sentiment, et piocher des cartes (plus précisément, jusqu'à ce que l'un d'eux avance une carte ou une combinaison de cartes).
   De plus, un joueur peut toujours refuser un conflit, dans ce cas, il accepte de concéder à l'autre l'Enjeu annoncé.
   Les mécaniques de résolution servent surtout à clore les situations conflictuelles, pour les empêcher de s'éterniser (et pour faire évoluer les personnages). On peut les voir comme un moyen de passer en force quand l'autre s'obstine (même si ce passage en force peut se faire sans violence dans la fiction).
   
   
3. Pour ce qui est des personnages un peu caricaturaux, j'avoue que je tâtonne. Mon meilleur conseil à mon avis, c'est : prenez la tangente. Au lieu d'associer à un personnage des comportements et traits de personnalité qui nous semblent habituels, il vaut mieux l'enrichir de traits de personnalité et de comportements inhabituels. On a tendance à imaginer une épouse comme une mégère, et si elle était patronne d'entreprise ? Ou athlète ? Et si elle était réfléchie et mesurée ?

Si tu veux creuser certains points, n'hésite pas. Je suis content que le jeu vous ait plu ! :)

[Olivier]

@ Fabien : oui, c'est grâce à ton enthousiasme prosélyte que j'ai découvert ces jeux qui nous plaisent beaucoup !

@ Fred :
1. Effectivement les expositions étaient très courtes et on a fait que des développements ensuite. Je sens qu'en nous familiarisant avec le jeu, on laissera plus vivre les persos...
2. Oui ! J'ai lu ton post "LCS - Résolution de conflit a posteriori" et je trouvais que c'était une solution excellente. J'irais même jusqu'à proposer que l'opposant valide le passage en mode conflit en avançant en réponse ses propres cartes. Ceci de manière à laisser le temps à cet opposant, avant d'avancer ses propres cartes, d'apporter encore quelques éléments de fiction qu'il souhaite éventuellement mettre en avant.
3. Oui, j’envisage de signaler aux joueurs qu'ils peuvent demander qu'on corrige légèrement l'interprétation d'un PNJ proche qui ne leur convient pas. D'un autre côté, l'inconfort ressenti en face des cette ex insupportable était sans doute un inconfort intéressant, très synesthésique avec le perso (enfin selon ma compréhension de ce terme...).

[Frédéric]

Tu me diras si les prochaines parties bénéficieront de tout ça. ;)

Pour le point 3, je pense que vous pouvez mettre ça sur le compte du fait que les relations d'un personnage sont de la Responsabilité de son joueur. Si un PNJ est dissonant avec ton protagoniste et l'image que tu te fais de leur relation, tu peux demander à l'autre joueur de le jouer d'une autre façon.
Bon, c'est pas ce qu'il y a de plus "safe" comme échange, mais je vois mal comment régler ça de façon plus tranquille, quand un joueur est dans une interprétation excessive ou décalée...
Peut-être l'aborder sous la forme d'une question : "Ça ne te dirait pas de jouer ce personnage plus comme ceci ?" ou "en fait, j'imaginais ce personnage plus comme ça, t'en dis quoi ?"

Si vous avez des suggestions...

[Frédéric]

Au fait, je voulais te demander Olivier : est-ce qu'un PJ a commis un "acte irréparable" ou résolu son Problème ?

[Fabien | L'Alcyon]

Je n'ai pas de réponse définitive au problème n°3, néanmoins je crois qu'il faut le prendre très au sérieux, parce que ça touche aux présupposés même du jeu.

Mon argument est que les PNJs caricaturaux ont aussi leur place dans un jeu comme LCS.

Fondamentalement, ça touche à des dynamiques profondes conflits humains. Quand on s'engueule avec quelqu'un, quand la communication devient impossible, on a tendance à caricaturer l'autre, justement parce qu'on ne parvient pas à le comprendre.

Dans LCS comme dans Dogs in the Vineyard, j'essaie de varier les personnages. Certains apparaissent comme des personnages simples, caricaturaux, bornés, d'autres ont des argumentaires plus complexes (mais ils ont tous une bonne raison d'agir). Parce que c'est ça qui crée du dilemme: si tous les personnages sont nuancés, le conflit ne vient pas, s'ils sont tous bornés, le conflit est obligatoire (mon analyse est un peu rapide et grossière, mais vous saisissez le besoin de variété).

Tout la difficulté devient alors de faire comprendre aux joueurs de LCS qu'ils peuvent jouer l'un ou l'autre type de PNJ. Il faut que ce soit un choix de leur part et pas une erreur.

[Frédéric]

Je comprends ce que tu dis, Fabien. Dans l'idéal, j'aimerais permettre aux joueurs de s'entraider à ne pas trop produire de personnages clichés, car je trouve que ça peut affaiblir la qualité des parties.
Je ne suis pas sûr que caricature et tempérance soient forcément antagoniste, car dans LCS, être dans la tempérance et l'évitement de conflit nous amène à accepter des situations difficiles. J'accepte mieux les conflits venant de personnages complexes que les conflits un peu trop artificiels.

Si tous les joueurs apprécient un bas niveau de complexité pour les personnages, c'est comme ça, je ne peux rien y faire, mais si un joueur a un niveau d'exigence supérieure aux autres, ça me semble important de permettre au groupe de s'aligner sur son standard. Peut-être en permettant à ce joueur de poser des questions à celui qui joue le personnage caricatural.

[Thomas Munier]

Dans son article sur les PNJ dans Mener des parties de jeu de rôle, Jean-Philippe Jaworsky conseille de définir un PNJ par plusieurs appartenances : sa situation professionnelle, sa situation familiale, ses passions, sa religion, sa situation financière... Il prétend que de facto cela crée des PNJ plus nuancés, plus humains.

[Frédéric]

Thomas : je pense que c'est particulièrement vrai dans une histoire d'enquête ou d'aventure où on croise des PNJ anonymes, mais dans LCS, ce sont les premiers éléments auxquels on pense (quel est son métier ? quelle est sa relation avec le PJ ? a-t-iel des relations ? etc.).

Du coup, sur mon histoire de tangente, je me demande si le joueur ne peut pas demander ou créer une "tangente" (nom provisoire) pour tout PNJ lié à son personnage et la proposer aux autres joueurs, qui peuvent éventuellement faire une contre-proposition ou en discuter...
Edit : d'ailleurs cette histoire de "tangente", je la dois à Gaël, qui n'appelait pas ça comme ça, bien sûr.

[Mangelune]

Je me pose justement la question pour Libreté qui n'est pas un jeu d'aventure mais un huis-clos reposant sur les relations interpersonnelles : comment créer à la volée un PNJ intéressant ? Comment trouver des appuis pour savoir ce qui les motive, pour en faire des êtres uniques ?

Je ne pense pas qu'il faille pas grand chose. Bien sûr, on a généralement dès le départ deux-trois éléments sociologiques (à quel groupe il appartient, quelle est sa place dans la société, et pour LCS en particulier quels sont ses liens avec au moins un personnage). Mais ça ne suffit pas à en faire un humain, cela permet juste de concevoir un personnage-fonction (un adjuvant ou un adversaire).

Dans mon cas, je me demande si je ne vais pas lorgner du côté des produits OSR issus de Donjons & Dragons, avec des tables aléatoires dont le but est d'apporter UN élément et de s'en servir comme levier.

On pourrait imaginer quelque chose comme ça pour LCS. Une table aléatoire contenant des éléments anecdotiques "Déteste son travail", "Veut ce qu'un des personnages a", "Ne veut surtout pas faire de vagues", "A une collection de poupées", "A un chapeau breton", "Sent la sueur", etc. Un joueur pourrait faire un tirage ou choisir un élément, et ne serait jamais obligé de s'y conformer. C'est juste pour apporter un peu d'inspiration.

Le risque de caricatural demeure fort bien sûr, mais c'est un problème global lié au jeu de rôle, renforcé par un partage élargi de la narration (certains joueurs, je les supporte tout à fait comme joueur, pas comme MJ ou comme mini-MJ).

[Frédéric]

Je vois bien le genre de tables dont tu parles (il y en a dans A Red & Pleasant Land qui sont savoureuses), j'en ai une en préparation pour un futur jeu. Mais le problème dans LCS, c'est qu'on risque de donner à un personnage secondaire un "trait" qui pourrait l'éloigner de sa fonction principale (qui consiste à positionner ce personnage autour du Problème du Protagoniste (ou PJ)). Je ne pense pas que l'aléatoire soit une solution dans ce cas de figure.

D'ailleurs, un truc qui marche bien pour les PNJ : dans les conflits, on peut leur ajouter un Trait et ça aide à leur donner de l'épaisseur (et ça donne des cartes supplémentaires à celui qui joue le PNJ). Mais hors conflit, ça ajouterait une lourdeur si on devait réfléchir à ce genre de choses pour chaque nouveau personnage.

On peut aussi utiliser les questions de mise en scène, du type "quelle est ta relation avec untel ?" pour développer une relation particulière et pour approfondir les personnages.

[Olivier]

Concernant la question des PNJ qu'on ressent comme caricaturaux, plus j'y pense et plus je suis d'accord avec Fabien.

Dans le cas concret, je me disais "quelle conne, je ne parviens pas à imaginer que mon perso se soit marié avec elle", ce qui doit être exactement ce qu'une personne qui est furieuse sur son ex-compagne peut se dire.

Peut-être est-ce ma réaction agressive qui a renforcé cette dynamique ce qui est aussi très révélateur et nous permet finalement de voir dans un cadre contrôlé comment des conflits humains s'emballent.

De plus, le système de conflit me permet, si je l'emporte, de raconter la fin d'une telle scène ce qui peut éventuellement me permettre de rapprocher le perso de la manière dont je le percevais.

Conclusion qui ne vaut que pour moi-même : je ne demanderai plus à un autre joueur qui cadre de modifier son interprétation d'un perso secondaire important pour mon protagoniste même si elle ne me convient pas.


@ Fred : personne n' a commis d'acte irréparable (sentiment le plus haut : 7), la plupart des conflits ont été perdus mais avec des retombées pour le personnage secondaire.

Par contre, on jouait au finish donc on a tous résolus nos problèmes (Amélie puis moi dans le même tour ; on a ensuite plus cadré des scènes que pour Fab et Thomas, 2 pour chacun, pour qu'ils puissent aussi atteindre une fin satisfaisante).

Yann : Puis-je choisir mon idéal plutôt que mon désir de réussite ? il renonce à son idéal
Rodolphe : Pourrai-je maintenir ma stature sociale ? non, c'est foutu
Laure : aurais-je le cran de me confronter à l’image paternelle ? elle l'a fait, a choisi sa propre voie et ne se juge plus à l'aune de son père
Gilles : Pourrai-je créer mon paradis loin du monde ? si je veux un paradis retiré ce sera loin des autres car mon paradis ne leur convient pas (amer mais réalise qu'il ne peut pas retenir sa fille)

[Frédéric]

Merci Olivier pour ces précisions !
Que veux-tu dire par "jouer au finish" (j'ai du mal à imaginer ce que ça peut donner dans LCS). ^^


Quand tu dis

je ne demanderai plus à un autre joueur qui cadre de modifier son interprétation d'un perso secondaire important pour mon protagoniste même si elle ne me convient pas.

OK, j'étais plutôt parti dans l'idée qu'au sujet de la crédibilité des personnages, il fallait respecter l'avis du plus exigeant. Mais d'un autre côté, une fois la scène lancée, devoir renégocier n'est pas forcément idéal. Peut-être est-ce quelque chose dont les joueurs peuvent discuter à l'issue de la partie ?
Il y a aussi le fait que le joueur le plus exigeant peut orienter la discussion et la situation, voire inventer des choses au sujet du PNJ et de son passé et le glisser dans la conversation et par ce moyen-là enrichir le personnage de l'autre, en abordant leur histoire, la manière dont iel voit l'autre, en amenant dans la discussion une révélation impliquant l'autre, etc.

[Olivier]

Oui, le choix des termes est malheureux ^^. Je voulais dire "jusqu'à ce que l'histoire de chaque perso ait atteint un point satisfaisant".

Lors de ma présentation du jeu, Il y avait une certaine forme d'incrédulité quant au fait qu'on parviendrait à faire avancer certains problèmes et cette perspective qu'on irait jusqu'à une avancée significative était "rassurante".