D'autant qu'il me semble que la revendication de l'indépendance et la mise en avant de l'auteur fait courir le risque de faire disparaitre cet aspect collaboratif de la création de JDR. A ce titre quand je lis Thouny écrire
je suis un peu étonné que personne ne bondisse devant l'usage du singulier !Un jeu de rôle est indépendant si, lorsque son auteur se rend compte que c'est de la merde, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même.
Il me semble d'ailleurs qu'il existe d'autres cultures de l’indépendance qui valorisent plus la collaboration. Je pense à Terres Étranges (qui inclut certes Thomas), à certains jeux illustrés par le Grümph (Tranchons et Traquons 2de Kobayashi) et pour lesquels il est clairs qu'il joue un rôle important dans la qualité du produit final, à la scène des hacks d'Apocalypse World et des playset de Fiasco...
Personnellement, j'aurais tendance à dire que peu importe le nombre de collaborateurs voire la présence d'un éditeur (attention, je ne parle pas ici d'une grosse boîte façon Black Book ou Agathe mais de structures plus modestes), si l'auteur manifeste une pulsion créatrice, s'il semble vouloir exprimer une vision (quitte à produire un jeu largement fun et décomplexé par-dessus, après tout Romaric fait bien de la SF-Saint Seiya avec des guns et Zack Smith du Donjons & Dragons) et prendre des risques, s'il peut se dire à lui-même qu'il a écouté les conseils qu'on lui prodiguait mais n'a pas accepté des compromissions, alors il peut largement se revendiquer "de l'indépendance" au sens large.
Pourtant la question se pose.
Tu as sans doute en tête les grosses gammes multipliant les suppléments (sur lesquelles il y aurait des choses à dire sur la pulsion créatrice...je ne crois pas qu'elle soit absente des suppléments Cthulhu par exemple) mais dans le cas de BBE je suis un peu obligé de parler des jeux qu'ils publient au sein de Casus Belli.
Je peux évidemment parler en détail de Récit Véridique : thématiquement (la colonisation du Canada) et mécaniquement (jeu sans MJ et sans dé notamment) il me semble clair qu'il y a prise de risque et exploration d'une pulsion créatrice.
Je n'ai pas impulsé le projet que j'ai cependant rejoins avant que nous envisagions de faire éditer le jeu dans CB. Je n'ai notamment pas choisi le cadre de jeu et je veux bien admettre que le travail que j'ai effectué dessus (le fluff) tenait en un sens du mercenariat (au sens exploration de la pulsion créatrice d'un autre auteur).
Par contre je considère mon travail sur les mécaniques comme étant très personnel (d'autant que je le considère comme une réponse à certains article d'Eugénie) et je ne vois pas de différence fondamentale avec mes créations commercialement indépendantes.
Au niveau de la rédaction nous étions, en tant que groupe d'auteurs, complètement indépendants (nous avons fait relire le jeu par des amis mais BBE n'a pas eu de remarque sur le texte). Nous n'avons pas géré l'aspect maquettage et illustrations (mais dans le cas de Magistrats et Manigances, futur jeu à paraitre dans le magazine, c'est l'un des auteurs qui a géré la relation avec le dessinateur).
A l'inverse j'ai aussi travaillé sur trois jeux dans le cadre du concours ThreeForged Design Contest, organisé par Paul Czege, auteur forgien s'il en est. Le principe était de travailler successivement sur un même jeu avec deux autres auteurs.
Commercialement on est dans indépendance (quoique la paternité des jeux pose sans doute un peu question) mais je n'ai jamais eu autant le sentiment de faire du mercenariat qu'en terminant les jeux de ce concours (principalement Millennia, le jeu que j'ai terminé, alors qu'objectivement j'ai modifié pas mal de chose à la version que j'ai reçue et amener le jeu dans une direction qui n'était pas celle qu'avait en tête son auteur précédent).
La pulsion créative n'était pas là du tout (sauf pour mon premier jeu, The Tellers) et l'exercice était purement technique (et pas franchement plaisant pour être honnête).