Je commence par répéter le plaisir que j'ai eu à jouer au jeu. Si tu le publies en l'état, c'est déjà super.
Donc la suite est une forme de chipotage, mais il me semble qu'il y ait quelque chose à creuser.
Tu as désamorcé les défis du jeu que pourraient vouloir appréhender les joueurs en supprimant le crunch.
L'aspect dilemme face au sacrifice t'intéresse-t-il ? Pour cela, il faudrait que les relations des PJ ne soient pas traitées à égalité avec l'équipement et que les joueurs aient l'occasion d'approfondir leurs connexion avec ces personnages. Ensuite, le sacrifice devrait être un choix possible à peu près tout le temps et que le joueur décide de lui-même de l'utiliser. L'ultimatum que pose le jeu dépossède le joueur de la paternité de ce choix.
Si ce n'est pas le cas, pas de problème. Cependant, voilà ce que je constate. Dans la partie que nous avons jouée, tu as contré les dérives possibles vers le ludisme, comme dit au dessus. Je ne pense pas que le jeu soutienne une proposition créative narrativiste, je vais développer ensuite la raison. Et enfin, bien que le gros de l'attention du joueur se porte sur l'esthétique de ses narrations de combat, il manque une véritable proposition pour pouvoir jouer simulationniste.
- Pourquoi le jeu ne soutient pas le narrativisme ? Tout d'abord, l'ensemble du jeu est fortement contraint par les mécaniques. Les scènes sont prédéterminées par le MJ et toute la séquence des mécaniques et des "moves" possibles des joueurs est prédéterminée. Le narrativisme nécessite une certaine liberté de prise de parti face à une situation ambivalente. Plus le choix du joueur est libre, plus il sera responsable de ses conséquences (un jeu comme
Cold Soldier me fait mentir, mais je le soupçonne d'être rapidement lassant). De plus, il faut que la mécanique permette de prendre en compte jusqu'aux infimes nuances des choix du joueurs sur les conséquences du conflit. Et le narrativisme, c'est explorer les conséquences de ses actes. Le jeu empêche, de par sa structure, de consolider les relations, qui sont pourtant la pierre d'angle d'un sacrifice ayant du sens. Il impose les sacrifices en fin de scène comme seule alternative à un abandon d'objectif. Les choix sont donc binaires et ne s'inscrivent pas dans une continuité de choix libres nuancés et de leurs conséquences. Les sacrifices n'ont donc aucune conséquence sur la suite de l'histoire autre que "cet avantage est perdu", on revient rapidement aux épreuves, négligeant complètement les conséquences possibles d'un tel sacrifice sur le plan humain (la rage exprimée n'étant qu'une mise en scène). Cela ne permet pas à une approche narrativiste du jeu de s'épanouir.
- Les descriptions des actions des joueurs sont plutôt intéressantes et chargées esthétiquement. Mais je pense que les enjeux de victoire et d'échec prennent le pas sur toute contemplation ou célébration d'un canon esthétique. D'où la difficulté d'explorer une démarche simulationniste.
Donc je pense que ton jeu ne soutient pas une proposition G, ni N, ni S. Et l'absence de choix qui comptent offerts aux joueurs en est la première cause. Il est plaisant à jouer, mais je pense qu'il ne va pas jusqu'au bout de son potentiel pour cette raison.
L'autre point, qui est sans doute lié au précédent, c'est que dans le jeu, il me semble que toutes les mécaniques fonctionnent dans ce sens : Mécanique --> Fiction. À aucun moment, une décision d'un joueur dans la fiction n'impacte l'évolution mécanique du jeu. D'où l'impression que le jeu se joue sans nous.
J'espère que ces remarques pourront t'aider, si ce n'est pas dans ce projet, pour un prochain. ;)