[Arbre] Tunnel Poursuite

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[Arbre] Tunnel Poursuite

Message par Thomas Munier » 21 Fév 2015, 10:24

TUNNEL POURSUITE

Nouvelle incursion dans le tunnel sous la manche, un système de résolution narratif efficace mais qui me laisse un arrière-goût de manque.

Jeu : Arbre, clochards magnifiques dans les forêts hantées de Millevaux

Joué le 18/12/14 avec Melody (Devon) et Anna (Fil de Fer)


Image

Crédit image : Paulio Geordio, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


Le contexte :

L’ancien Tunnel sous la Manche. Il est désaffecté, envahi par une forêt d’arbres morts et de champignons. Les personnages le traversent pour fuir les Terres Franques et se rendre en Albion. Un road-movie obscur et oppressant dans l’un des endroits les plus dangereux de Millevaux.


Les personnages :

Devon et Fil de Fer ont fait partie d'une bande, les Punks de la Miséricorde. Au début, c'était des nomades libertaires assez cool, au final ils ont sombré dans la violence, alors les personnages se sont fait la malle, mais les Punks de la Miséricorde n'ont pas apprécié leur forfait et les traquent.

Fil de Fer est une nana obsédée par la survie. Elle a un code moral strict, et c'est pour ça qu'elle a quitté les Punks de la Miséricorde.

Un jour, les Punks ont squatté trois jours une commauté installée dans une zone industrielle. Ils les ont rackettés, volés, intimidés pendant trois jours, et au bout de trois jours, un vieux, le chef de la communauté est allé les voir pour les demander de partir. Il l'ont attaché à un buggy et l'ont traîné jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Le truc, c'est que Rogue, le chef des Punks, veut ramener Fil de Fer de force dans la bande. On ne sait pas pourquoi, peut-être à cause de ses compétences, on pourrait supposer qu'ils veulent la forcer à commettre un dernier coup avec eux avant de s'en débarrasser.

Et Fil de Fer a une jambe artificielle aussi. Une jambe bricolée avec un amortisseur de bagnole, c'est pas du super boulot et ça commence à s'infecter. : c'est son problème éclos. Elle cherche à la remplacer, elle a entendu parler d'un médecin qui savait faire des prothèses quelque part dans le tunnel ou au-delà.

Devon est un petit nouveau dans la bande, un débrouillard. Il est fort pour la fauche (faut dire qu'il est cleptomane), ça l'a aidé à s'intégrer, et c'est aussi ça qui lui a causé des ennuis. Il a volé une grosse somme d'argent à Cédric, un gars de la bande, et Cédric le poursuit pour récupérer son dû.
Pour savoir d'où vient l'argent de Cédric, il faut remonter au moment où Devon est entré dans la bande. En même temps que lui, un nouveau a rejoint la bande, un intello à lunettes, qui s'appelle Tête d'Ampoule. Tête d'Ampoule a fait monter la bande en ingéniosité, en audace, mais aussi en cruauté. Cédric surveillait depuis un moment une communauté qui squattait un ancien Crédit Agricole, qui détenait un distributeur de billets encore plein. Avec l'aide de Tête d'Ampoule, il a attaqué la communauté et volé le distributeur. Le système de sécurité qui macule les billets était HS, alors ils ont mis la main sur des milliers et des milliers d'euros en liasses de billets de banque. En principe, ça n'a plus aucune valeur, en réalité, ça peut se refourguer à des grosses légumes qui sauront quoi en faire. Alors, quand Fil de Fer s'est fait la malle, Devon a fourré les bifetons de Cédric dans son sac a dos et à suivi Fil de Fer.


L'histoire :

La traque a commencé depuis quelques jours. Fil de Fer et Devon sont dans les dunes, face à l'entrée du Tunnel sous la Manche. Des barricades défoncées, des déchets, des graffitis, un auvent de métal... et des squelettes : des gens ont vécu, se sont battus et sont morts par ici. On voit là-dedans comme dans le cul du loup. Ils entendent les rugissements des buggys de la bande, qui émergent de la forêt à quelques centaines de mètre de là. Il y quatre buggies, et quatre punks dans chaque. ça fait quatre fois quatre raisons de se tirer d'ici.

Fil de Fer efface leurs traces (les rangeos de Devon ont laissé une piste bien nette dans les dunes), et tous deux ils s'enfoncent dans le tunnel.

Il y a trois tunnels : celui a gauche est rempli de racines, celui du milieu est un petit tunnel de maintenance large comme deux hommes, celui de droite est plus praticable, il y a un rail de chemin de fer et deux pistes routières.

Devon et Fil de Fer optent pour le tunnel du milieu parce que les buggys ne pourront pas y passer. Sage décision, parce que l'un des buggys finit par rentrer dans le tunnel de droite : ils ne savent pas que les personnages sont là, mais ils tentent le coup.

Au début, le tunnel est plein de détritus et de tags, il y en a de moins en moins quand on s'avance, signe que la plupart des gens ne s'aventurent pas loin.

Avec ses grosses rangos, Devon marche sur un clodo qui dort dans les poubelles : il s'appelle Binouze, il est barbu, il attache des bouteilles à sa ceinture, il est alcoolique au dernier degré et souffre de l'incontinence qui va avec. Malgré leur dégoût pour ce personnage, Devon et Fil de Fer l'entraînent avec eux pour qu'il ne fasse pas de bruit ou ne les dénonce pas aux Punks de la Miséricorde.

A un moment, ils voient passer le buggy à travers un conduit latéral : à l'intérieur, il y a Cédric, un grand black aux arcades sourcilières bardées d'anneaux, à qui Devon a volé son fric, il y a Tête d'Ampoule, petit râblé à lunettes, le cerveau de la bande, et il y a Princesse, que Tête d'Ampoule tient par les bras en équilibre au-dessus du buggy pour qu'elle surveille la zone. On l'appelle cette punkette Princesse, en souvenir de la fois où la bande a pillé un supermarché désaffecté. Ils avaient éventré un distributeur de bijoux enfantins et Princesse s'était fait un piercing au nez avec un faux diamant. ça s'était infecté depuis, mais le surnom est resté. Il y a sans doute un quatrième gars mais ils ne savent pas qui c'est. Cédric gueule dans un mégaphone : "Devon, si t'es là, rends-moi mon fric ou on va te faire la fête !"

Devon, Fil de Fer et Binouze partent se planquer dans le tunnel de la mer de racines. Là, Fil de Fer demande à Devon de cramer le fric. Elle n'a jamais aimé le pognon, et là, ça leur porte juste malheur. Si Devon ne s'éxécute pas, elle va le planter là. De toute façon, elle s'est toujours mieux débrouillé en solo. Binouze, qui se voit déjà prendre une retraite dorée, insiste pour qu'on crame pas tout ce beau fric. Pour calmer le jeu, Devon sort une seule liasse de billets et la flambe.

Plus tard sur le chemin, Devon planque les autres liasses un peu partout dans ses fringues, en espérant que Fil de Fer ne découvre pas la supercherie. Quand on demande à Binouze s'il connaît d'autres habitants dans le tunnel, il parle du Médicastre, un toubib, quoi. Et aussi d'une ville plus loin dans le tunnel, Dissident City, une ville où se sont rassemblés tous les rebelles qui "enculent la société". Quand on lui demande pourquoi il ne s'y est pas rendu, il répond que c'est trop loin et qu'il comprend mal comment on peut "enculer la société à plusieurs".

Fil de Fer, qui cherche toujours une solution pour changer de jambe, demande à Binouze de le conduire à la baraque du Médicastre. C'est un atelier construit en parpaings en travers du tunnel de maintenance. Il y a des traces de lutte : le toubib s'est fait enlever par les Punks de la Miséricorde. A l'heure qu'il est, peut-être qu'ils le torturent pour lui faire dire où sont Devon et Fil de Fer. Il y a aussi mal de matériel sur des étagères, outils, compresses, bestioles dans du formol (Binouze s'empresse de se biturer au formol) et même... un bras artificiel (le toubib l'a acheté au prothésiste). Il y a aussi plein de casiers fermés à clefs qui contiennent sans doute les trucs vraiment intéressants... mais c'est le toubib qui a les clefs, les Punks l'ont emporté sans prendre le temps de s'y intéresser.

Ils décident de dormir quelques heures dans l'atelier, et sont reveillés par l'arrivée de Visage Familier, un Horla qui prend apparence humaine. Il a la tête du toubib et cache son corps sous un long imper noir. Ils l'accueillent, puis constatant qu'il est bizarre (son langage est d'abord très frustre puis s'étoffe au fur et à mesure qu'il "apprend" de ce que disent les personnages), ils le maintiennent et lui enlèvent son manteau, découvrant que son corps est fait de pétrole brut !

Ils menacent de le bruler, alors Visage Familier éclate en pleurs et les supplie : "par pitié, ne me brûlez pas, je veux seulement devenir... humain !". malgré son aversion pour les Horlas, Fil de Fer accepte qu'on l'épargne et le laisse même les suivre à bonne distance.

Binouze, qui s'absente tous les quarts d'heure pour pisser, est parti dans la mer des racines. Il se met à gueuler comme un putois : il a vu un cerf blanc. Devon explique à Fl de Fer qu'il a appris que le cerf blanc avait le pouvoir de régénérer les membres. Fil de Fer est pas rassurée, elle sait que l'égrégore augmente au fur et à mesure qu'on s'enfonce dans le tunnel, mais l'occasion est trop belle : elle poursuit le cerf blanc à travers la mer de racines, toujours plus loin au fond du tunnel. La mer de racines est vivantes, elle entrave, écorche et finalement fait tomber Fil de Fer. Le cerf s'éloigne, en faisant la promesse mentale de revenir à condition que Fil de Fer lui offre quelque chose en échange (elle lui donne le souvenir lié à Profil Bas, la quatrième passagère du buggy... une connaissance stratégique s'il en est). Le cerf, qui est fait d'une matière blanche matricielle, s'enfonce littéralement dans la mer de racines puis disparaît.

Visage Familier dévoile ensuite qu'il tient son visage de "L'Imprimeur" et que ce dernier pourrait peut-être aussi "imprimer une jambe" pour Fil de Fer.

Les personnages arrivent dans le tunnel intermédiaire en face de l'endroit où bivouaquent les gars du buggy. C'est le moment de libérer le toubib : ils sont responsables de sa capture, et puis Fil de Fer va avoir besoin de son aide pour trouver le prothésiste.

Alors que Devon, Binouze et Visage Familier restent planqués dans le tunnel intermédiaire, Fil de Fer s'infiltre dans le tunnel de droite. Il y a le buggy, les trois passagers endormis, et un feu qui couve. Au dessus du feu, le toubib est suspendu la tête en bas à une corde fixée à une poutre du plafon.

Fil de Fer fait un pas de plus et met le pied dans un noeud coulant : ce piège est la spécialité de Profil Bas, mais Fil de Fer l'a oublié : il se fait avoir comme un bleu. Il se retrouve lui aussi la tête à l'envers. Planquée dans une alcôve au dessus de la porte qui donne vers le tunnel intermédiaire, Profil Bas, accroupie. Cette punkette a la moitié du visage tatoué en noir pur. Flippant. Elle tient une corde en jubilant. Fil de Fer sort son couteau pour se libérer. Profil Bas lui annonce que si elle se libère, Fil de Fer lâchera sa corde et le toubib tombera la tête dans le feu. Puis elle siflle pour réveiller ses acolytes. Fil de Fer fait un mouvement de balancier et fait tomber Profil Bas avec elle. Mais ce faisant, Fil de Fer lâche la corde et le toubib tombe la tête dans le feu !

Devon, Binouze et Visage Familier se ruent vers le feu, ils libèrent le toubib et Binouze lui couvre le visage de sa doudoune pour éteindre le feu.

Cédric et Princesse descendent du buggy où ils dormaient. Princesse sort une chaîne de moto et Cédric un pistolet chargé avec une fusée de détresse. Tête d'Ampoule tente de démarrer le buggy, mais le starter, noyé, peine à répondre.

Fil de Fer assomme Profil Bas, Devon lance un brandon enflammé au visage de Cédric. Princesse enlève son t-shirt, elle couvre le visage de Cédric. Fil de Fer dit à Devon "tape-lui sur la tête !" en désignant le toubib. Princesse applique le même geste de premier secours en bourrant le crâne de Cédric de coups de poings.

Tête d'Ampoule parvient à démarrer, il fait demi-tour et fonce sur les personnages. Tout le monde s'égaye, sauf Visage Familier, pas assez rapide, qui se fait percuter dans un grand "splotch" de pétrole.

Tête d'Ampoule s'enfonce dans le tunnel direction la sortie, mais revient très vite pour jeter la tête de Visage Familier aux pieds des personnages.

Il gueule dans le mégaphone : "on va revenir très vite avec toute la bande et on vous fera la peau !"



Playlist :

Earth : Angels of Darkness, demons of ligt (drone / americana halluciné)
Fear Falls Burning & Nadja : s/t (drone bruitiste et fantomatique)
Robedoor : Burners (drone psychédélique et ritualiste)


Etat des règles :

J'ai etoffé le guide du joueur, qui passe d'un A5 recto a un A4 recto-verso ! Il comporte maintenant (dans des termes plus colorés) :
+ présentation de l'univers
+ ce qu'on joue comme persos
+ encyclopédie minuscule
+ création de perso
+ rôles du joueur
+ système de résolution narratif
+ codes couleur
+ système de résolution joueur contre joueur

Concernant la création de personnages, il y a maintenant une série de feuilles imposées. L'idée c'est de créer de la synergie entre l'historique des persos et le bac à sable du MJ, et de créer un foisonnement d'idées et d'arcs narratifs tel que ça justifie une campagne pour les exploiter :

- Mon nom ou mon surnom, si je m'en rappelle.
- Un problème éclos, c'est-à-dire un problème qui vient de moi ou de l'extérieur, qui me pourrit la vie et que je cherche à résoudre dès le départ.
- Un problème couvé, c'est-à-dire un problème qui vient de moi ou de l'extérieur, dont je n'ai pas conscience pour le moment.
- Une attraction avec un autre personnage (même un que je ne connais pas encore), quelque chose que je veux lui faire.
- Un lien de vie avec un autre personnage (si possible, différent de celui avec qui j'ai une attraction) : je lui sauverai la vie, une fois, un jour.
- Une attache, quelque chose ou quelqu'un auquel je tiens, pour qui je suis prêt à vivre et me battre.
- Un dépôt, quelque chose qui m'appartient et qui est actuellement sous la garde d'un autre personnage (même un que je ne connais pas encore). Je lui ai donné, prêté, confié, ou je l'ai perdu ou oublié, ou il me l'a volé. Donner la feuille au personnage concerné.
- Un fatum, quelqu'un ou quelque chose qui me recherche pour me faire quelque chose. Donner la feuille au Garde Forestier.
- Une rumeur, quelqu'un ou quelque chose dont j'ai entendu parler et qui a retenu mon attention. Donner la feuille au Garde Forestier.


Je ne me contente plus de donner le guide du joueur à lire, je fais une présentation orale synthétique, point par point. C'est rapide et ça évite que des choses importantes passent à la trappe. (comme les codes couleur lorsque j'ai testé Wonderland avec le même système)

L'autre ajout de taille, c'est le système de résolution joueur contre joueur. C'est une série de conseils de conversation à appliquer pour obtenir ce qu'on veut d'un autre joueur, et ce sont ces mêmes conseils que peut suivre le MJ pour obtenir ce qu'il veut d'un joueur :

Quand j'affronte un autre personnage :
Si je veux être sûr d'obtenir ce que je veux de l'autre personnage (le convaincre, le changer, lui prendre quelque chose, lui faire mal, le blesser, le tuer...) :
+ J'annonce mon intention : Quand je fais l'action décisive contre l'autre personnage, je parle au futur antérieur et je dis quel est mon but exactement. « Je vais... pour... ».
+ Je propose quelque chose en échange. L'adversaire concédera davantage si j'annonce une contrepartie. Je peux lui proposer d'échanger quelque chose, ou lui proposer que nous perdions tous les deux quelque chose.
+ Je propose un compromis. Si l'adversaire ne concède pas ce que je veux, je peux demander qu'il concède quelque chose de moindre ou de différent.
+ Je prépare le terrain. J'annonce longtemps à l'avance des signes qui montrent que j'ai les moyens de mes ambitions.
+ J'attaque au moment où l'adversaire baisse sa garde. Si l'adversaire s'attend à une attaque de ma part sur un front, il sera trop préparé pour que mon attaque passe. Soit j'attends qu'il baisse sa garde, soit j'attaque sur un autre front.



Commentaires sur la création de personnages :

+ On commence par définir la raison qui poussent les personnages à s'aventurer dans le tunnel sous la manche. Les joueuses se définissent le Microcosme comme branche commune : leurs personnages ont fait partie d'une bande, les Punks de la Miséricorde, et maintenant ils cherchent à la fuir.

+ La fatum de Fil de Fer, c'est que Rogue, le chef des Punks, veut la ramener de force dans la bande.

+ La jambe artificielle infectée, c'est le problème éclos de Fil de Fer. Elle cherche à la remplacer, elle a entendu parler d'un médecin qui savait faire des prothèses quelque part dans le tunnel ou au-delà (c'est la rumeur qu'à écrite Anna). C'est très cool parce que j'ai justement un toubib dans mon bac à sable, il va forcément être lié à ça (je prévois qu'il n'est pas prothésiste, mais qu'il connaît le prothésiste en question pour lui avoir acheté des articles : ça c'est une astuce pour allonger la sauce, on n'est pas dans Inflorenza où les arcs narratifs peuvent se clôturer à toute vitesse). C'est là que je commence à réaliser qu'il est primordial que le MJ fusionne les feuilles données par les joueurs (fatum, rumeurs, autre feuilles données en cours de route) avec ses propres feuilles, pour impliquer les joueurs dans son univers, et permettre de jouer un maximum de choses sans forcément en sacrifier beaucoup.

+ La cleptomanie de Devon, c'est son problème couvé.

+ Cédric qui poursuit Devon pour récupérer son dû : c'est son fatum.

+ Fil de Fer sait que plus on s'enfonce dans le tunnel, plus l'égrégore augmente : c'est une rumeur que je lui ai donnée à la création.


Commentaires sur la partie :

+ J'ai tenté autre chose que de faire commencer directement un kilomètre dans le tunnel. ça pouvait paraître risqué dans le sens où si les persos ne rentrent finalement pas dans le tunnel, je peux mettre ma préparation à la poubelle. C'était un faux risque dans le sens où je demande quand même aux joueurs de définir, lors de la création de perso, une bonne raison d'aller dans le tunnel.

+ J'avais déjà un bac à sable de prêt, mais j'ai usé de mon droit de MJ pour rajouter quelques feuilles pendant que les joueurs créaient leurs personnage. J'ai ainsi inventé le figurant Binouze à la volée, parce que deux joueurs, c'est peu, j'avais besoin d'un personnage pour leur donner la réplique.

+ J'ai laissé une grosse latitude à Melody et Anna pour définir de quoi était composé la bande des Punks de la Miséricorde. C'est Anna qui a défini qu'ils avaient le look des personnages du jeu vidéo Borderlands. Je demande aux joueuses quelle est exactement la flotte de véhicule, elles me répondent quatre buggies, je complète en disant qu'il y a quatre punks dans chaque.

+ Pendant le jeu, j'ai demandé à Anna de me raconter une anecdote au sujet de son personnage, Fil de Fer, pour mieux comprendre ce qui lui a fait prendre la décision de partir. C'est là qu'elle m'a raconté l'histoire des Punks qui traînent un vieux derrière leur buggy. Ce truc, c'était clairement un "pose des questions comme un taré" d'Apocalypse World, c'est la première fois que je vais aussi loin, mais ça m'a beaucoup appris sur ce que je pouvais me permettre avec la bande. C'était une info utile autant en terme de background que de contrat social. Je pense que je devrais mettre ça dans les conseils au MJ : poser des questions qui portent sur le background du perso (puisque c'est bien Anna et Melody qui ont définis que leurs persos avaient appartenu à la bande des Punks de la Miséricorde, qu'ils avaient déserté la bande, et que la bande les poursuivait pour çà), essayer d'en savoir plus sur tout ce qui est raconté par ses feuilles. En terme de partage de la narration, c'est moins abrupt que "un type t'agresse avec une hache, pourquoi ?", et ça apporte tout autant de jeu et de bases pour le MJ.

+ Plus tard en jeu, on a essayé de creuser ce que c'était que l'argent que Devon a fauché à Cedric. Cette fois, je n'ai pas vraiment demandé à Melody, j'ai plutôt trouvé une réponse tout seul (c'est peut-être un problème, ça d'ailleurs, peut-être que je devrais interdire au MJ de répondre tout seul à des questions de background, qu'il doit d'abord demander au joueur, peut-être avec une formule telle que "tu te rappelles d'où vient l'argent de Cédric ?". Si le joueur est en verve, il donne une réponse, charge au MJ de fusionner ça avec ses feuilles. Si le joueur est en panne d'inspiration, il peut invoquer le Syndrome de l'Oubli pour dire que non, il ne s'en rappelle pas. Le Mj peut trouver une réponse tout seul et en faire une feuille secrète, ou trouver une réponse tout seul et la révéler de suite au joueur, sous forme de flash-back.

+ La scène où Devon ne brûle qu'une liasse de billets alors qu'il a en réalité plein dans son sacs, et la scène suivant où il planque les liasses restantes un peu partout dans ses fringues se sont jouées sans apparté. J'ignore à quel point ça aurait été possible avec des joueurs moins conciliants.

+ Incarner Visage Familier, c'était un grand moment de mime pour moi. J'ai beaucoup mieux exploité ce personnage que dans les deux playtests précédents.

+ Les joueuses, qui ont jusqu'à présent toujours répondu "orange" en début de scène. Au moment de tenter de libérer le toubib, elles tentent le "vert" : signal pour moi que cette scène va pouvoir être dangereuse.



Perspectives :

+ Pour le côté jeu en campagne, c'est réussi. Plein de perches ont été lancées pour une suite éventuelle (la bande des punks qui va revenir au grand complet, l'imprimeur, le cerf blanc, le médicastre, la ville des dissidents, les billets que Devon a conservés, l'égrégore qui augmente au fur et à mesure qu'on augmente dans le tunnel, la mer de racines qui semble vivante...). On est sur un vrai bon épisode-pilote de campagne, en somme. Le fait que je ne puisse pas facilement infliger quelque chose de définitif aux personnages à ce stade du jeu aide aussi beaucoup. Ceci dit, cela empêche de faire un épisode-pilote qui se solde par un vrai drame déclencheur, comme le massacre de la famille du héros de Mad Max. A cogiter. Le problème en revanche, c'est : est-ce que ça ne fait pas basculer Arbre dans le narrativisme ? Est-ce que mettre en scène des arcs narratifs qui se développent sur la longueur, annoncer des emmerdes à venir, c'est du narrativisme ou du simulationnisme ? Est-ce que je suis pas en train de refaire Inflorenza ou Apocalypse World ? Et si oui, est-ce que c'est grave, docteur ?

+ J'avais prévu de donner une feuille à chaque joueuse à la création de personnage, mais au moment de le faire, j'ai eu un doute. D'habitude, je me permettais de mettre des choses très intrusives, comme une maladie ou une double personnalité ou un souvenir traumatisant. Aujourd'hui, je n'ose plus tellement le faire. Alors, je leur ai donné à chacune une rumeur. ça me permettait de relier leur historique à ma forêt (ainsi, sachant que Fil de Fer avait une jambe artificielle et cherchait à la remplacer, j'ai donné à Devon la rumeur comme quoi le cerf blanc - une bête de ma Forêt - avait la capacité de régénérer les membres amputés). La prochaine fois, je testerai la chose suivante : le joueur me dira quel type de feuille il désire recevoir : ce pourra être un problème supplémentaire, une rumeur, un dépôt, un fatum, etc... et me préciser si c'est une feuille positive, négative ou neutre.
Comme ça, je crains moins de ne pas respecter le libre-arbitre du joueur en lui donnant une feuille.

+ Rajouter une section présentant les branches (explication des branches, branches communes, branches mortes), en précisant que l'interprétation du joueur au sujet des branches prime sur le reste.

+ Je me demande si Arbre ne tourne pas trop autour de l'idée que les persos sont poursuivis par une faction. Le principe de fatum et de problèmes m'a l'air essentiellement exploité dans ce sens.

+ On a testé le système de résolution joueur contre joueur quand Fil de Fer a découvert que Devon avait fauché des billets de banques à Cédric, et qu'elle lui demande de les détruire. Elle précise qu'elle l'abandonnera s'il n'obéït pas (elle "prépare le terrain")

+ Ce système de résolution joueur contre joueur sera encore meilleur quand j'aurai rajouté certains conseils : "appuie toi sur ce qui a été dit" et "propose une feuille vierge pour que l'autre marque le coup" (cf commentaire juste après), "pose des questions à l'autre pour mieux le cerner", "rajoute des informations dans le référentiel commun"

+ Un moment que j'ai trouvé, intéressant mais insuffisant, c'est quand Fil de Fer poursuit le cerf blanc. J'annonce : "les racines veulent te faire tomber et balafrer". Anna accepte, elle répète qu'elle tombe. Mais à ce moment, je sens bien que sa blessure ne sera pas jouée par la suite. On crée une branche morte dans la fiction : un fait qui ne sera plus mentionné par la suite. A ce moment, j'aurai du lui donner un post-it "balafre", ou, encore mieux, lui donner un post-it vierge et lui laisser écrire, pour qu'elle pense éventuellement à apporter une narration là-dessus. A Inflorenza, les conséquences des conflits ne sont jamais anecdotiques, parce que le joueur doit toujours en prendre note sur sa feuille de perso. En terme de positionnement, c'est bien mieux. Je dois en tenir compte dans le système d'Arbre.

+ Un moment très probant, c'est à la suite de cette anecdote précédente, j'annonce que le cerf blanc s'échappe, mais que télépathiquement, il lui fait la promesse de revenir à condition qu'elle lui cède quelque chose, de physique, ou de mental. Fil de Fer me donne la carte "des infos sur Rogue et sa bande" en mémoire. J'annonce que ça signifie qu'elle ne sait plus quels sont les capacités et les ressources de Rogue, le chef de la bande. Et que ça ne l'arrange pas vu que Rogue est le quatrième passager du buggy. Elle me précise qu'elle a une deuxième feuille sur Rogue. Alors, je nuance en disant qu'en fait, ce n'est pas Rogue, le quatrième passager, mais Profil Bas, une punkette, et que ce sont les capacités de Profil Bas que Fil de Fer a oubliées.
(on notera qu'en quelque sorte, Anna a fait un "non mais" sur mon explication liée à la perte de sa feuille : le système a fonctionné ici de façon complètement invisible, comme je le souhaite).

+ Il y a donc des choses à faire pour améliorer le système. Je crains cependant que ça consiste à rajouter des règles et des règles qui vont alourdir le tout. J'espère que je saurai m'arrêter assez tôt ou trancher dans le vif plus tard, sans pour autant appauvrir le jeu.

+ Quand le buggy fonce sur Visage Familier, auquel les persos ont fini par s'attacher, ça aurait été cool si un perso aurait pu sacrifier son lien de vie pour le sauver. Je vais le permettre dans la prochaine mouture.

+ Au final, la partie s'est très bien passée, j'avais l'impression que le jeu est vraiment devenu "safe" pour les joueurs sans perdre pour autant en tension (j'ai bien senti que la tension était là quand les joueuses m'ont donné un feu "vert" pour la dernière scène, le sauvetage du toubib. Comme les joueuses avait dit "vert", elles savaient qu'il pouvait se passer des trucs hardos durant cette dernière scène, ça se sentait en terme de tension, ça se sentait en terme de fiction puisque Devon reste planqué en retrait tandis que Fil de Fer part en éclaireur. Si la tension était absente (comme ça peut arriver dans Inflorenza quand les joueurs sont conscient de la puissance mécanique de leur perso face à l'adversité), ils y seraient allés tous les deux, et sans prendre de précaution. ça m'a également autorisé à faire mal à leurs personnages, puisque j'ai tué Visage Familier, à qui les joueuses s'étaient finalement attaché.

+ Mais il y a un mais. J'ai ressenti un manque en tant que MJ. Manque de techniques pour m'aider à improviser, manque de tension également, manque du sentiment d'avoir prise sur l'histoire. J'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui manque exactement. Peut-être suffira-t-il d'appliquer les idées mentionnées précédemment (amender le syst de résolution joueur contre joueur, c'est aussi amender le système du MJ, j'ai manqué notamment du "appuie-toi sur ce qui a été dit" et "donne une feuille vierge pour marquer le coup". Bref, il y a un je ne sais quoi qui me donne l'impression que je fais juste du Apocalypse World (berk) en moins bien (double berk), et il faut que je trouve d'où ça vient.
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Thomas Munier
 
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