Alors, tout d'abord :
A mon sens, Baker tente quelque chose de totalement nouveau en mettant clairement ici la dimension méta-fictionnelle au service de l’horreur. C’est là quelque chose qu’aucun roman ou film ne pourra jamais faire, menacer un joueur avec sa propre imagination, le contraindre à concevoir le pire et à se faire le complice de son effroi, sans pour autant lui laisser le loisir de se détacher complètement de son alter-ego et de se mettre en posture d’auteur.
Oh, putain ! Oui !
Une des fucking forces du JdR : il ne titille pas notre imagination comme le roman ou le cinéma, il la met dans l'assiette !
Les pensées du personnage, voie royale vers la métafiction ?
Oh mais ouiiiiii !
J'irais même plus loin : les jeux qui se permettent de proposer des règles ou des responsabilités qui nous font sortir de notre personnage, sans tomber dans le "mode auteur" sont ceux qui exploitent ce lien avec les pensées du personnage !
J'avais vaguement abordé ça dans le podcast de la Cellule sur le Positionnement et Défendre les intérêts du personnage :
- Si je (joueur) décide qu'il y a un lustre pour tirer dedans pour le faire tomber sur mes ennemis, ça fonctionne, parce que mon personnage n'aurait jamais eu l'idée d'une telle action s'il n'avait pas vu le lustre avant.
- Si je dépense un point de "créativité" pour dire qu'il y a un lac plus loin, c'est naze. En revanche, si je décris le lac que voit mon personnage, ça fonctionne déjà mieux dans certains jeux (ex : dans Prosopopée). Enfin, si mon personnage a, par exemple lu des choses sur le monde et que le joueur invente : je me rappelle, page 87, le chapitre sur la région Panacea où nous nous trouvons décrit un lac un peu plus loin, dont les eaux auraient des vertus médicinales ! (Sphynx ; Imaginarium). À chaque fois ces exemples fonctionnent du tonnerre, parce qu'ils utilisent la connexion avec les pensées (ou savoirs) ou stimulus internes pour recréer la connexion avec le personnage.
Au passage : j'ai à peu près ressenti quelque chose de similaire pour Murderous Ghosts : un jeu qui m'a époustouflé de par ses idées et sa conception, mais où je me suis fait chier en y jouant. Idem pour Poison'd, d'ailleurs.
Mais pour MG, là où j'étais vraiment frustré, c'est qu'en tant que fantôme, j'ai passé mon temps à essayer d'inventer des raisons aux apparitions, j'ai essayé de recréer un passé cohérent (un peu à la Silent Hill), avec toute une histoire troublante, voire choquante. C'était ce qui me venait naturellement, et en fait, le jeu ne l'incite pas et botte le train même de l'envie d'aller dans cette direction en disant que le joueur du fantôme doit faire en sorte que l'autre ne comprenne rien à ce qu'il se passe. Et là, je suis désolé monsieur Baker, mais raconter des successions d'images macabres sans queue ni tête, ça me faisait peur quand j'avais 10 ans, mais je suis grand maintenant, je ne crois plus aux fantômes, et si ces visions macabres sont soutenues par des raisons psychotiques, bouleversantes, nauséeuses ou qui me foutent la boule au ventre, là ça peut me déranger et me faire vraiment flipper.
Bref, un jeu pas pour moi.