Eh, Shiryu, c'est normal qu'il y ait besoin d'un temps d'habituation à un jeu qui change beaucoup de notre pratique habituelle.
Sincèrement, je pense qu'il ne faut pas se prendre trop le chou avec ça : des joueurs qui ne jouent pas dans le sens du jeu ? Partant du principe qu'ils essaient de jouer le jeu (et que le jeu est bon), il y a 2 trucs qui peuvent vraiment parasiter :
- J'ai vu des joueurs franchement réfractaires à une démarche créative : des joueurs qui n'arrivent vraiment pas à jouer d'une façon ou à prendre plaisir selon un mode de jeu. Eh bien il faut jouer à autre chose ou jouer avec quelqu'un d'autre à ce jeu-là. Je ne pense pas que tu puisses prendre ça en compte dans la création d'un jeu.
- Mais ce qui pose le plus problème à mon avis, ce sont les habitudes inadaptées : l'importation dans un jeu de techniques qui parasitent le jeu, qui ne vont pas dans le bon sens. Si ton jeu les jugule mal, tu peux encore faire de la pédagogie dans ton bouquin.
Pour ce dernier point, je vais prendre 3 exemples :
- Démiurges : Démiurges est un jeu proche dans la forme d'un JdR tradi, mais il nécessite que les joueurs acceptent que les relations comptent beaucoup, sans quoi l'histoire peut se casser la figure. Du coup, parfois les parties fonctionnent mal.
- Les Cordes Sensibles : LCS est un jeu très solide, mais en fonction d'avec qui on joue, les parties sont facilement décevantes. Il faut des joueurs qui se connaissent, s'apprécient et acceptent de sortir de leur zone de confort.
- Dogs : Ce que je trouve de remarquable dans Dogs, c'est que le jeu gère bien les comportements extrêmes : le joueur qui joue un fanatique qui veut buter tout le monde, ça marche super bien. Le joueur plus introspectif, ça marche nickel aussi, et les deux dans la même équipe ça donne des choses croustillantes.
Clairement, Démiurges et LCS sont des jeux exigeants et qui peuvent facilement merder. Pour autant, si j'avais voulu à tout prix qu'ils soient jouables par le plus grand nombre, ils n'existeraient tout bonnement pas, car leur "fragilité sociale" fait leur force pour ceux qui les appréhendent de bonne volonté. Le fait qu'ils explorent des thèmes difficiles et qu'ils mettent en avant des choses qui impliquent comme les relations, exigent du sérieux de la part des joueurs. Démiurges, j'ai mis beaucoup de temps et d'énergie à expliquer le pourquoi du comment. LCS j'assume le fait que c'est un jeu pour un public plus restreint. Et je pense que c'est ça la clef : accepter que chaque jeu vise un public dont on peut ne pas faire partie.
Et c'est un truc dont beaucoup de critiques devraient prendre de la graine : les jeux devraient toujours être critiqués en fonction de leur public cible supposé et non du tout venant rôliste fantasmé.
Après, quel est le comportement attendu d'une partie de Dogs ? Moi ce que j'aime, c'est que j'ai eu des bourrins-fanatiques-optimisateurs, des joueurs qui ne voulaient surtout pas utiliser la violence, certains qui voulaient "finir le scénar" et pourtant, ça marchait super bien. C'était peut-être pas systématiquement fin et intelligent, mais ça tournait et ça créait des situations cool. (Néanmoins, je ne connais aucun jeu capable de faire ça aussi bien que Dogs, surtout avec un thème aussi éloigné des standards geeks).
Enfin, même quand on utilise mal un jeu comme Dogs, c'est quand même super difficile de passer à côté de l'expérience qu'il propose (même si on se refuse à utiliser la violence, on finit par la subir). On peut jouer de façon non-optimale, on peut pourrir une partie, mais pour autant, l'expérience reste du Dogs.
Enfin, j'ai le sentiment que tu rattaches à Dogs certains comportements de joueurs, alors que je pense que tous ceux qui sont concevables étant donné le setting, sont bons. Après tout, comment définir ce que veut vraiment faire ce jeu ? Ça ne veut pas dire que certains comportements ne sont pas meilleurs que d'autres, mais seulement qu'on doit accepter ceux qui le sont moins (ou en discuter si ça pose problème à quelqu'un). Dans LCS, des comportements extrêmes seraient une vraie plaie en jeu, mais à Dogs je ne pense pas que ce soit le cas.
Concernant les démarches créatives, la différence entre un JdR qui soutient 1 démarche et un JdR qui n'en soutient pas de particulière, c'est que le deuxième pourra fonctionner, souvent en générant des problèmes de jeu voire interpersonnels si tout le monde ne va pas dans la même direction, alors que le premier ne fonctionnera pas vraiment (il ne donnera pas ce que les flibustiers cherchent) et donc évitera les problèmes suscités.
Pour les MJ (mais aussi pour les joueurs), je pense que les meilleures mécaniques incitatives sont celles qui ne disent pas où elles mènent. Le "tu gagnes +1 si tu utilises ta colère", c'est vraiment le premier degré de la mécanique incitative. Ce qui est cool, c'est quand tout ce qui compose le jeu te pousse dans une direction. Tu n'es jamais obligé d'y aller, mais c'est par là-bas que tout devient intéressant.
Les jeux (ou les MJ) qui imposent des comportements sont à mon avis les plus mauvais. L'incitation (je compte aussi la dissuasion) offre du choix et respecte la potentialité de l'histoire, imposer va à l'encontre de cela.
(Sinon comme règle pour guider le MJ, il y la liste du sort d'Innommable qui contraint le MJ à n'outrager les PJ que lorsqu'ils lui en ont donné la possibilité (en échouant aux dés et en faisant des monologues pour obtenir des dés)).
Bon, c'est quand même pas un sujet pleinement dans mon article, hein.