[Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

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[Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Steve J » 17 Juil 2013, 13:49

Salut Frédéric,

je vais sans doute inaugurer ton atelier et j'espère que mon thread sera le premier d'une longue lignée.
Mon objectif en ouvrant ce sujet est de me focaliser sur un aspect très précis et commun à la très grande majorité des JDRs (quoiqu'on pourrait en discuter en ce qui concerne les jeux non traditionnels) : le hasard.
Je vais aussi parler d'une partie de Mars Colony, jeu sur lequel il y a sans doute pas mal de choses choses à dire (1), vous pouvez me poser des courtes questions sur le jeu mais je vais essayer de me focaliser sur mon sujet.
Enfin, deuxième sujet, je vais évoquer ton analogie du jeu d'échec, qui me convainc pas mal sur le papier mais beaucoup moins une fois autour d'une table de jeu.

1) Une présentation de Mars Colony

Mars Colony est un JDR sur la politique pour deux joueurs.
Le jeu se focalise sur la gestion des crises politiques de la première colonie martienne installée par l'homme. Le jeu est donc un jeu de SF mais il s'ancre sur des problématiques politiques actuelles et proches des joueurs : ces derniers sont invités à nommer des sujets qui les touchent personnellement et à émettre des critiques sur des aspects de la décision politique qui les préoccupent. De plus chaque parti politique du jeu doit être associé à un parti politique réel et connu des joueurs (ce qui facilite l'appropriation de l'environnement de jeu par les joueurs (2) ).

L'un des joueurs incarne Kelly Perkins, un consultant envoyé pour régler les -nombreux- problèmes auxquels fait face la colonie martienne. De nombreux espoirs reposent sur lui (ou sur elle, le prénom est neutre) et son action sera déterminante. L'autre joueur incarne les autres personnages et met Kelly en face des problèmes (exemple : les carences du système universitaire martien, qui ne peut soutenir la comparaison avec les universités terriennes).

La narration est libre jusqu'à ce que Kelly décide de chercher à agir pour traiter un des problèmes (exemple : en négociant un partenariat Terre/Mars pour relier les réseaux universitaires ensemble). Il lance alors plusieurs fois 2d6 en ajoutant les scores, il peut s'arrêter dès qu'il le souhaite mais perd tous les bénéfices de ses jets précédents (il fait un score de 0) s'il obtient un 1.
Il peut alors, en fonction de son score, décrire ses avancés et l'impact de sa politique (ou au contraire son échec).
L'efficacité des politiques que le joueur décidera de mener est purement aléatoire (elle ne dépend en tout cas que de ses jets de dés). J'y reviendrai.

Kelly Perkins peut choisir de masquer ses échecs, en mentant à la population martienne. Il ne résout rien aux problèmes mais ne perd pas en popularité (il s'expose à un risque de scandale cependant). Le jeu est fait de telle façon qu'il est très improbable que Kelly parvienne à résoudre tous les problèmes de la colonie. Son joueur n'a que 9 essais de résolutions de problèmes en cour de partie.

2) Les intentions de l'auteur (il est important de les avoir en tête)

L'auteur explique que ce jeu est inspiré de son expérience douloureuse de l'échec en milieu professionnel. Il avait brillé en université et son entourage plaçait en lui de grands espoirs qui furent en grande partie déçus.

3) Ma partie

J'ai joué avec Vincent, un ami et camarade de table de JDR de longue date. Notre partie a durée entre une et deux heures et s’insérait dans une longue soirée jeu (nous avons testé trois jeux dans la soirée).
J'incarnais la consultante, Kelly Perkins. Il s'agissait d'une universitaire réputée, spécialiste en sociologie de l'éducation, affiliée au parti Rouge (transposition du PS actuel), qui n'avait jamais eu l'occasion d'exercer des fonctions politiques mais avait beaucoup travaillé sur des évaluations de politiques publiques.

4) Dans le vif du sujet

Lors d'une scène, Kelly Perkins a cherché à avancer dans le dossier sur l'amélioration du système universitaire martien. En tant que joueur j'ai décidé qu'elle allait contacter le comité de pilotage des universités terrestres, avec lequel elle avait des contacts datant de sa carrière universitaire. Je joue une scène où je discute avec son président, via un système de communication par hologramme. Je négocie avec lui un partenariat Terre/Mars pour le partage des ressources et des enseignements.

Il y a quelque chose de grisant dans ces scènes qui nous mettent dans une position de responsabilité rare dans une partie de JDR, qui rend bien cette attraction de la sphère politique (que l'on a envie de rejoindre car il s'agit d'une sphère de l'action, là où semble se jouer beaucoup de choses lors de courtes réunions).

Notons que, la veille, mon personnage était parvenu à faire pression sur un important industriel martien, responsable des contrats de gestion du système d'approvisionnement en oxygène de la ville (qui ne respectait pas sa part du contrat et sous approvisionnait certains secteurs). Mon négociation avec le président des universités terriennes arrivait donc après une victoire politique et -sans que le système de règles ne m'avantage- je me sentais confiant.
Nous jouons la scène en narration libre jusqu'à ce que nous décidions qu'il est temps de lancer les dés pour décider de la valeur des conclusions et des effets de notre négociation.
Je rate mon jet, l'autre joueur décide que ma négociation rate, le président des universités terrestres pointant la disproportion des enjeux : les universités martiennes ont tout à gagner à se rapprocher des universités terrestres mais l'inverse n'est pas vrai.

Je l'ai dit plus haut : ce jet de dé est purement aléatoire et ne dépend pas de mes actions passées et de la qualité de mes arguments (il dépend en fait du jeu tactique que va faire le joueur en décidant à quel moment s'arrêter de lancer les dés, mais là encore il y a une apparente décorrélation Fiction/Mécanique). Le jeu prête ici le flanc à la critique du manque d'interaction Fiction → Mécaniques (cf l'article de Frédéric). Je pense cependant que cette prépondérance de l'aléatoire sur la fiction sert le propos du jeu. Essayons d'aller plus loin.

J'ai eu au moment du résultat du dé qui indiquait un échec un double sentiment d'injustice et de déresponsabilisation.
Mon personnage était légitime et compétente dans cette négociation, en tant que joueur je m'étais impliqué dans cette négociation, ma solution me paraissait cohérente à la fois avec ce que mon personnage pouvait négocier et avec les besoins des universités martiennes. D'où l'injustice.
Le caractère purement aléatoire de mon échec me déresponsabilisait. Dans les modélisations mathématiques(3), l'aléatoire joue toujours le rôle de ce qui échappe à notre contrôle. Je n'avais aucun moyen de prévoir cette complication et de l'éviter. Si j'ai échoué c'est, me disais-je, parce que j'ai joué de malchance. D'où la déresponsabilisation.

Le sentiment d'injustice rend je trouve très bien cet aspect incertain d'une certaine fiction politique. Les protagonistes y sont compétents, ont des idées et pensent pouvoir les mettre en œuvre. Ils sont pourtant pris dans la vitesse de la négociation et de la succession d’événements. Leurs réussites peuvent être masquées par un fait divers et leur projets peuvent échouer pour une raison extérieure à leur champ de contrôle.

Le sentiment de déresponsabilisation illustre bien une certaine vision de l'échec. Un sentiment de se planter à cause des circonstances(4). Ici c'est plus qu'un sentiment, l'échec de la politique de Kelly Perkin n'est pas l'échec du joueur qui n'y pouvait rien.

5) Conclusion
Une double conclusion, et sur le hasard et sur l'absence d'implication Fiction → Mécaniques.
Mars Colony est un jeu extrême au niveau de son usage du hasard. Presque tout ce que le personnage parviendra à accomplir ne dépend que du hasard. Sa radicalité nous permet de le comparer à d'autres jeux pour voir quel effet a l'augmentation du hasard en partie.
Il me semble que le hasard amène une augmentation de l'incertitude et du sentiment de contrôle des joueurs (on pourrait sans doute inclure le MJ), exiger une implication importante du joueur dans la proposition de solution mais le soumettre à une forte influence de l'aléatoire créé un sentiment d'injustice et d'impuissance et donne une touche cruelle à son univers.
Il amène aussi une déresponsabilisation du joueur (en tout cas dans les jeux centrés sur la résolution de problèmes).

Sur l'implication Fiction → Mécaniques, j'avais une grande crainte en testant le jeu puisqu'un ami m'avait pointé cette carence dans Mars Colony la veille de ma partie.
Après test elle n'a pas posée de problème dans la partie, ce qu'elle amenait était cohérent avec l'univers et n'a pas limité mon implication dans la résolution des problèmes. Il y avait quelque chose de suffisamment grisant dans cette occasion (fictive) d'exercer un pouvoir politique pour que la partie fonctionne.

(1) D'autant que la veille de ma partie j'en ai discuté avec un futur grand intervenant de ce forum, qui se reconnaitra, qui avait joué à l'oiseau de mauvais augure en m'expliquant qu'il l'avait testé et que sa partie avait été sans grand intérêt.
(2) Même si on pourra faire remarquer que cette idée peut poser problème en cas de désaccord politique entre les joueurs, si l'on décide de lier un parti fictionnel à EELV et que ce parti évoque pour l'un des joueurs l'engagement politique et la raison, alors que l'autre les voit comme des naïfs incapables d'exercer des fonctions de gouvernement la partie commence mal !
(3) Même si tous ne le savent pas, nous faisons tous des modélisations mathématiques. La preuve nous faisons du JDR !
(4) Sentiment évidemment dangereux IRL. Étudiants je vous déconseille de trop pratiquer le "j'ai raté mon examen parce que le prof a trop abusé sur la correction" ! Mais bon on est pas sur un forum de développement personnel...
Steve J
 
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Frédéric » 18 Juil 2013, 02:18

Bonjour Steve, bienvenue sur les Ateliers Imaginaires (premier sujet dans cet atelier, champagne !).

Excellentes questions que tu soulèves. Je pense que tu pointes deux exceptions concernant le Positionnement, que je vais essayer de circonscrire (il me faut pour cela aborder d'autres points).


1) Je me permets d'abord de reformuler mes "points d'interaction" : je me suis autorisé une zone de flou dans mon article pour en faire un point de départ à ces questions théoriques sur le Positionnement sans entrer trop dans les détails. Je comptais développer le reste dans de futurs articles. Du coup, pour clarifier mon propos, je vais dévoiler ici une partie de mon prochain article sur le sujet.

Le Positionnement, c'est créer de la potentialité pour les autres participants d'une partie de jeu de rôle.
Les 4 points d'interaction ne parlent en réalité que de ça :

  1. Mécanique --> Mécanique (je reviendrai après sur ce point-ci)
  2. Mécanique --> Fiction : application dans la partie d'une ou plusieurs règles ou procédures créant des choix possibles ou modifiant les choix possibles dans la fiction.
  3. Fiction --> Mécanique : une déclaration fictionnelle créant ou modifiant les possibilité d'utilisation d'une règle ou d'une procédure mécanique.
  4. Fiction --> Fiction : une déclaration fictionnelle créant ou modifiant des choix possibles dans la fiction.

Le point d'interaction 1 donne généralement : application d'une règle ou procédure créant ou modifiant les possibilités d'utilisation d'autres règles ou procédures. Sauf qu'on l'a vu : une partie de jeu d'échec n'a pas de Positionnement au sens qu'on lui donne en JdR, alors qu'elle fonctionne entièrement selon ce point 1. Plus particulièrement, la seule chose qui m'intéresse chez ces points d'interaction, c'est la manière dont on génère des potentialités dans la fiction, avec le concours des mécaniques (et donc pas comment les mécaniques interagissent entre-elles). Donc je propose de supprimer le point d'interaction n° 1.
Il nous reste trois points d'interaction : Fiction --> Fiction ; Mécanique --> Fiction ; et Fiction --> Mécanique.

Je pense que quand on possède ces trois points d'interaction dans un jeu, on obtient du Positionnement, c'est à dire, on offre aux participants des choix dont les conséquences impacteront l'histoire. Cela permettra aux participants d'éprouver les conséquences de leurs actes fictifs et d'en être responsables.
Pourquoi ? Car c'est parce que l'histoire est potentielle qu'elle peut prendre en compte les effets du moindre choix des participants dans la fiction. Et c'est parce que les actes des participants ont un effet sur l'histoire qu'ils s'en sentent responsables (par exemple : c'est parce que j'ai vaincu tous les monstres du donjon sans être trop amoché que j'ai pu vaincre le boss de fin et j'ai réussi à vaincre les monstres sans être trop amoché parce que j'ai fait des choix efficaces dans les situations fictives données).


2) Je pense qu'il existe une forme de Positionnement "incomplet" qu'on trouve dans certains jeux comme Capes. C'est la première exception au Positionnement.
C'est un jeu qui possède les points d'interaction Fiction --> Fiction et Mécanique --> Fiction mais pas Fiction --> Mécanique.
Et le jeu est excellent, je le trouve très prenant et très fun.
On arrive a être impliqués dans nos choix par ce qu'ils disent de notre personnage. Ce qu'on invente dans la fiction est purement cosmétique et n'a que peu d'importance sur le long terme : les dés me disent que je prends l'avantage (ou non) du conflit avant de savoir ce qu'il se passe (avant même que je donne la moindre intention d'action). Puis on raconte une scène en tenant compte du résultat du dé, donc ce qu'on dit ne nous sert pas à prendre parti face à un problème (ou face à une situation contenant un embryon de problème), puisqu'on sait déjà que j'ai pris l'avantage. Les événements qui se produisent, on les réincorporera dans les prochaines scènes, mais ils ne remettent jamais en question ni n'influent sur aucun choix tactique fait au niveau mécanique du jeu.
Toute la potentialité du jeu au niveau mécanique est conditionnée par de la mécanique pure.
Toute la potentialité de la fiction est conditionnée par les dés et la fiction précédant celle qu'on est en train de raconter.
Les décisions les plus importantes sont en réalité prises à l'extérieur de la fiction et conditionnent la fiction (quel dé lancer pour avoir le plus de chances de succès, par exemple) limitant le libre arbitre du joueur pendant la scène (libre arbitre indispensable au principe de défendre les intérêts du personnage ce qui est au cœur du Positionnement).

Pourquoi ce Positionnement me paraît incomplet ? Quand les trois points d'interactions (2, 3 et 4) coexistent, cela permet de renforcer la logique des choix fictionnels sur la durée.
Exemple : J'ai tué Stella parce qu'elle a menacé David et j'ai promis au début de la partie à Hélène, sa mère, que je le protègerai. Quand j'ai fini par tuer David lui-même, trois parties plus tard, c'était pour me libérer de cette promesse, car David s'est avéré être une vraie enflure.
Dans cet exemple, chaque acte se nourrit du sens des actes précédents et nourrit les actes futurs (dans d'autres jeux, chaque décision fictive augmente ou diminue les risques pour les décisions suivantes).
Dans un tel enchaînement de décisions, chaque choix nourrit les autres. Dans un jeu comme Capes ce phénomène est présent, mais il se trouve généralement anesthésié. On en vient à prendre des décisions "pour faire une bonne scène" et non pas "pour défendre les intérêts du personnage" (Eero Tuovinen appelle le fait de prendre des décisions pour défendre les intérêts de son personnage "Advocacy"). Le Positionnement complet nécessite que les décisions soient prises pour défendre les intérêts de son (ou ses) personnage(s).

Comme je n'ai jamais joué à Mars Colony, je ne sais pas où se trouve le curseur. Où places-tu pour Mars Colony ? Positionnement complet ou incomplet ?


3) Quand les résultats des décisions se déroulent à grande échelle, que le sujet est incapable d'exercer de contrôle sur l'effet de sa décision, on peut transgresser la "chaîne causale" usuelle pour la résolution des actions. C'est la deuxième exception au Positionnement.
Vincent Baker a fait quelques expériences avec ça dans son jeu Rock of Tahamaat, Space Tyrant.
A la fin du texte, il dit : "[A propos des mécaniques de résolution de Rock of Tahamaat] Cette résolution d'intention-à-effet qui ne s'intéresse absolument pas à l'initiation ou l'exécution, qui ne s'intéresse du coup absolument pas à l'action elle-même ; cette résolution est bien adaptée au Roc de Tahamaat, Tyran de l'Espace, avec ses trois habiles médiums, ses agents et son attention à grande échelle totalement impersonnelle. Elle n'est pas du tout adaptée à des personnages qui prennent des mesures concrètes pour leur propre compte. Est-elle adaptée à votre jeu ?"

J'ai l'impression que c'est une approche proche ou similaire dans Mars Colony, est-ce que je me trompe ?


4) Je trouve ton analyse au sujet de l'aléatoire (ou hasard) en JdR excellente. En effet, le moment où on lance les dés est généralement le moment où on retire au joueur le contrôle sur l'issue de l'action ou de l'enjeu. Ca prend tout son sens, je trouve, quand un jeu offre une prise au joueur sur l'issue d'un conflit (augmenter ses chances de réussite contre tactique avantageuse/description de qualité/sacrifice...). Dogs est particulièrement intéressant du fait de lancer les dés uniquement quand on escalade ou quand on utilise un Trait afin de déterminer les ressources dont on dispose à un instant T, puis de gérer lesdites ressources (avec donc un certain contrôle sur l'issue, mais pas total).
Je pense que ce sujet est tout à fait lié à celui du Positionnement, voir le point précédent.


J'ai posé ces réflexions dans le but de voir où se situe Mars Colony, si l'on peut interpréter sa spécificité comme faisant partie de ces deux exceptions (ce que je crois à la lecture de ton compte rendu) ou s'il s'agit d'autre chose.
Frédéric
 
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Cyol (Loïc) » 18 Juil 2013, 10:48

Bonjour,

Je me joint à cette conversation qui m'intéresse grandement. N'ayant pas joué à Mars Colony, j'y rebondis avec un autre jeu. Le cœur du sujet étant (Steve : corrige moi si je me trompe ) l'interaction Fiction-->Mécanique. (Si je me suis trompé, on peut ouvrir un sujet sur cette interaction ;) )

En effet depuis quelque temps je maitrise "3:16 Carnage dans les étoiles" où, si on lit les règles stricto-sensu, on retrouve ce que présente Steve sur Mars Colony (enfin c'est ce qu'il me semble comprendre), à savoir : à un moment on jette les dés et peu importe ce qu'a été la fiction avant, elle n'a pas d'influence sur le résultat des dés. Par contre le joueur doit décrire en fonction du résultat obtenu.

Ce que j'ai expliqué à mes joueurs en "Les Dés disent ce qu'il se passe, vous dites comment ça se passe".

1) Présentation rapide de 3:16 Carnage dans les Étoiles
C'est un jeu de Gregor Hutton où les joueurs incarnent des Spaces Marines dont le but est de détruire toute forme de vie extra-terrestre.
Le gameplay se concentre sur les Missions durant lesquelles les personnages vont faire des Rencontres (hostiles).
La Partie Rencontre est très mécanisée. Presque typé jeu de société classique. Les joueurs décident s'il font du Combat (dans le but de tuer des Aliens) ou du Hors Combat (Manœuvre pour changer de portée/pour changer d'arme). Puis chacun lance les dés et compare à son score (de Combat ou de Hors Combat en fonction). Enfin, chacun, dans l'ordre des réussites, puis des échecs va décrire le déroulé de sa réussite/son échec.

2) Interrogations
Et puis, j'ai lu sur ton blog, Frédéric, ta présentation des 4 points d'interaction et je m'interroge (dans le cadre de 3:16) sur le point 3 :
Fiction --> Mécanique : une déclaration fictionnelle créant ou modifiant les possibilités d'utilisation d'une règle ou d'une procédure mécanique.

Steve, quand tu racontes :
Je rate mon jet, l'autre joueur décide que ma négociation rate

"L'autre joueur décide", Signifies-tu qu'il aurait pu décider (en tant que MJ) d'octroyer un bonus au jet/une relance, que c'est prévu dans les règles et que c'est son choix de ne pas l'avoir appliqué ?

Dans la façon dont je mène 3:16, j'utilise ce point 3 mais il n'est pas spécialement présenté dans les règles. Comment je l'utilise ? Le plus souvent joueurs me font des propositions narratives que je trouve intéressantes et en fonction j'octroie (ou non) des bonus/malus aux actions suivantes.
Par exemple, un joueur indique que son personnage envoie une grenade dans le marigot au milieu des troupes adverses avec son action Hors Combat (le but n'est pas d'infliger des dégâts).
Il réussit, je considère que les ennemis complètement arrosé par l'eau boueuse auront un malus de -1 à leur Capacité pour le prochain test.

Par contre rien dans les règles ne prévoit de faire ce genre de chose. On est purement dans le "à l'appréciation du MJ". Le joueur ne fait que proposer une action narrative (son Soldat balance une grenade dans le marigot) => Fiction. De mon coté je décide d'en donner une interprétation de Mécanique (-1 à la Capacité des ennemis).

Et mes interrogations : Le Point 3 ne reste-t-il pas l'apanage pur du MJ (MJ à prendre dans le sens large, celui/ceux qui a/ont en charge l'opposition en terme mécanique) ?
Et quelle liberté se permettre à ce niveau en tant que MJ ? Et quelle attente peut on en avoir en tant que Joueur ? Peut on imaginer/existe t'il des cas inverses, à savoir Proposition Fictionnelle du MJ --> Implication mécanique définie/acceptée par le Joueur ?
Y'a t'il des systèmes qui expliquent/prévoient ou même cadrent explicitement ce point 3 ?

Et pour aller encore plus loin : Faut il chercher le Positionnement Complet ou un Positionnement "Incomplet" peut il se suffire à lui même ?

Sur cette dernière question je suis volontairement provocateur parce que si la réponse est "un 'Incomplet' peut se suffire à lui-même", le terme 'Incomplet' ne me satisfait pas car il évoque un manque et donc quelque chose qui ne se suffit pas à lui même. ;)

Hors la conclusion de Steve semble clairement dire que dans le cadre de Mars Colony, l'absence d'implication Fiction → Mécaniques (et sa cause/conséquence : la prépondérance du Hasard) peut servir le propos (Face à l'échec purement aléatoire : sentiment d'injustice et d'impuissance) et de ton coté Frédéric, dans la présentation de Capes tu fais à peut prêt le même constat (encore sur Fiction-->Mécanique d'ailleurs).
Pour ma part, je suis partagé car j'ai du mal (en MJ) à ne pas "récompenser" par la Mécanique des propositions Fictionnelles qui me plaisent. Pour encourager les joueurs à en faire.
Dernière édition par Cyol (Loïc) le 18 Juil 2013, 11:37, édité 1 fois.
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Steve J » 18 Juil 2013, 11:30

Cyol (Loïc) a écrit :Je me joint à cette conversation qui m'intéresse grandement. N'ayant pas joué à Mars Colony, j'y rebondis avec un autre jeu. Le cœur du sujet étant (Steve : corrige moi si je me trompe ) l'interaction Fiction-->Mécanique. (Si je me suis trompé, on peut ouvrir un sujet sur cette interaction ;) )

Je vais juste répondre là-dessus (pour l'instant).
En écrivant ce sujet, j'avais en tête la simple analyse du rôle du hasard (Mars Colony lui laissant une importance bien plus grande que dans la quasi-totalité des autres JDR, la partie m'a fait réfléchir sur ce qu'il apportait au jeu). Je n'envisageais pas mon sujet sous l'angle de l'interaction Fiction-->Mécanique, j'avais cependant lu l'article de Frédéric peu avant et j'avais eu l'occasion de discuter du sujet avec Fabien avant ma partie.

Cette question est cependant apparue naturellement, quand on y pense c'est logique : augmenter la part de hasard dans la résolution des actions c'est mécaniquement affaiblir l'interaction Fiction-->Mécanique. On ne peut donc pas laisser ce sujet de côté et n'hésitez pas à partir la dessus.
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Christoph » 22 Juil 2013, 13:40

Super rapport de partie comme à ton habitude, Steve !

Je suis d'accord avec toi sur le fait que l'aléatoire des dés renforce le propos du jeu. Ce qui nous avait ennuyé avec Sylvie, c'était que seul Kelly lance les dés et que l'autre joueur n'a pour ainsi dire aucun impact mécanique. Il doit tout manœuvrer par les situations, mais comme tu l'as bien expliqué, celles-ci n'ont pas d'impact sur les probabilités de réussite ou d'échec. Nous n'avons joué qu'une fois, donc peut-être est-ce une question d'habitude. Qu'en penses-tu ?

Avez-vous utilisé les cartes d'inspiration qu'on est censé écrire avant de commencer la partie ? Si oui, quel a été leur impact ?

Pour ceux que ça intéresse, voici une variante pour jouer à plusieurs (rapportée par l'auteur, mais pas testée par lui).
Les Petites choses oubliées, avec Sylvie Guillaume, c'est arrivé !
.ınnommable: cuvées 2008-2010 en téléchargement gratuit.
Zombie Cinema, en français dans le texte.
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Steve J » 22 Juil 2013, 17:12

Bon je vais répondre à l'envers à vos trois messages.

@Christoph : je suis d'accord avec toi sur l'absence d'impact des actions du "Gouverneur" (le MJ). Mars Colony fait parfois penser à l'équivalent rôliste du MasterMind : on est deux autour de la table mais finalement il n'y a qu'une personne qui "joue" réellement. Il faudrait que je demande à Vincent (qui était gouverneur dans notre partie) mais je suppose qu'il s'agit d'un JDR plus amusant pour le "sauveur" (le joueur qui joue Kelly).

Merci pour les règles à plusieurs joueurs, il me semble cependant qu'on change beaucoup de chose à passer à 3 joueurs. Je ne suis pas très convaincu par cette idée de lutte entre les joueurs qui amène une touche de cynisme absente du jeu de base (même si la dynamique de jeu fonctionne bien apparemment).

@Loïc : je pense en effet que l'absence de lien Fiction → Mécaniques, causée par le hasard, sert le jeu.

Je n'ai pas joué à 3:16 mais sa lecture (déjà ancienne) m'avait marqué sur un point : les règles prenaient en compte toutes les tactiques possibles des joueurs (et du MJ). Si on joue by the book (dis moi si je me trompe) on est dans un cas d'absence de lien Fiction → Mécaniques. Tu as souhaité revenir à une pratique plus classique en rajoutant du lien Fiction → Mécaniques, tu as ainsi récupéré une des fonctions classique du MJ : juger la créativité et l'intelligence des PJs.

La question que je me pose c'est pourquoi a tu souhaité rajouter cette règles ? Pour inciter tes joueurs à créer de la fiction de qualité (en récompensant les "belles" actions) ? Est-ce que tu as eu l'impression que ce rajout impactait beaucoup ta partie ?

Pour ma part j'ai lu le jeu il y a quelques années (lors de sa publication en français) et j'ai eu une réaction de rejet envers cette mécanisation totale des conséquences des choix des PJs (trop éloigné de mes habitude, le MJ était pour moi celui qui faisait tenir les scénarios sur ses épaules). Aujourd'hui cet aspect "jeu de société" m'attire carrément et si j'ai l'occasion de tester le jeu j'en respecterai scrupuleusement les règles (au moins pour commencer).

@Frédéric : tu as raison de lier les propos de Vincent D. Baker à Mars Colony qui est un jeu politique dont les actions contiennent forcement cette part impersonnelle (notons que cela ne m’empêchait pas d'être très attaché à leur réussite, de la même façon que les décisions politiques peuvent m'impliquer en dehors du JDR).

Mars Colony est bien un jeu à Positionnement incomplet (même si comme Loïc je pense qu'accepter le terme c'est déjà porter un jugement, tu nous tends là un classique piège rhétorique Frédéric^^). Par contre je ne suis pas certain de bien comprendre ton exemple avec Stella et David (qui me semble crucial pour comprendre ce qui te manque avec la plupart des jeux. Est-ce que tu pourrais essayer de le transposer à un exemple de partie concret ?

J'ai lu récemment dans le recueil Norvegian Style (dispo sur lulu) le très étrange Zombie Porn de Matthijs Holter. Il s'agit d'un jeu où l'on incarne des zombies cherchant à gagner plus de popularité, il s'agit d'un jeu compétitif qui demande de décrire des scènes mais qui pourrait tourner sans Fiction (cela deviendrait un jeu de société abstrait mais jouable). On peut choisir à chaque tour de séduire un autre joueur ce qui apporte des bonus, on peut aussi choisir d'agresser (assez violemment le jeu est aussi gore et violent que son titre le laisse à supposer) un autre joueur.
A la fin de son jeu, l'auteur a écrit un court guide stratégique. De son expérience, il existe une dimension "méta" dans son jeu (pourtant entièrement cadré par une mécanique qui couvre tous les choix possible). Le joueurs hésitant à attaquer un joueur alors que quelques minutes plus tôt ils racontaient ensemble une escapade amoureuse (même s'il s'agit objectivement du meilleur choix tactique).

Pour un exemple plus connu : les joueurs de Diplomacy ont tous connu une dimension hors-système : un joueur s'attaquant à un autre joueur (via le plateau de jeu je vous rassure) pour se venger d'une trahison passé...et non parce qu'il s'agit du meilleur choix sous l'angle de la mécanique.
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Cyol (Loïc) » 23 Juil 2013, 15:36

Sur 3:16 =>
Oui, by the book, il n'y a pas du tout d'évoquer le lien Fiction → Mécaniques. Sauf un passage, en filigranne, dans un exemple, l'auteur dit (parlant du point de vue du MJ) "Les joueurs décrivent comment ils se préparent à toutes embuscades en creusant des tranchés, je décide de ne pas utiliser le pouvoir des Aliens 'Embuscade'". Je m'accroche à ce passage pour "justifier" ma motivation à rajouter du lien Fiction → Mécaniques

De manière générale, pour moi le lien Fiction → Mécaniques est une logique de récompense : si les joueurs m'étonnent, ont de bonnes idées, ont les idées que j'avais en tête, racontent un beau truc, en tant que MJ, j'ai l'impression d'avoir une "obligation morale" à récompenser.
Je dois avouer avoir plus de mal dans l'autre sens (à savoir sanctionner, mettre des malus).
Sinon, pourquoi (en tant que joueur) se décarcasser ? Certes, certains joueurs n'ont pas besoin de ce genre de motivation (mais ça fait toujours plaisir), d'autres par contre seront tirés vers le haut (narratif) par le miroitement de la récompense (plus tangible du bonus mécanique).

Dire dans quelle mesure ça impacte ma partie est assez difficile vu que je n'ai jamais fait sans. Cela dit, alors que je répond ça, je me rend compte que si, l'impact est plus que réel. En effet, il m'est arrivé à un moment de me faire déborder et j'ai du mettre un peu le holà sur "la chasse au bonus".
A savoir que les joueurs (et je ne peux les blâmer) chercher à maximiser en ayant un bonus à chaque fois.
Je commençais à avoir des propositions narratives complètement tirées par les cheveux et d'autres qui étaient des resucées de resucées. Et je commençais aussi à être à court d'idée originale de bonus mécaniques. Sans parler du "et la dernière fois ça a marché".
Nous avons posé une discussion pour recadrer un peu ce point et ça se passe désormais bien.
Dans l'ensemble je pense ma campagne moins mortelle que ce qu'elle pourrait être, vu que par ce biais je contribue à atténuer la part du hasard (et vu que j'ai du mal à être MJ méchant si le hasard ne m'aide pas...)

Pour revenir plus sur le sujet "Ce que lancer les dés veut dire", il y a un point sur lequel s'interroger, c'est "Quand lance t'on les dés ?"
Dans le sens
  • Avant toute description (à la 3:16) => Les dés disent ce qu'il se passe, les joueurs décrivent comment ça se passe
  • Après les intentions d'action (Le cas le plus classique) => Les joueurs disent ce qu'ils veulent faire, les dés disent s'ils le font
  • Après l'action, pour en voir l'effet, mais l'action est faite quand même "en l'état" (Mars Colony d'après ta description, je dirais Wushu aussi par exemple) => Les joueurs disent ce qu'il font/ont fait, les dés indiquent les répercussions/conséquences

Car les répercussions ne sont pas les même en terme de ressenti (en l'absence de lien Fiction → Mécaniques).
Par exemple dans le cas "Avant toute description", on peut ressentir une légère frustration d'enchainer des jets pourris, mais au final on garde la main sur ce qu'on va raconter et on peut même, par la narration, étouffer cette frustration.
Sur le cas "Après l'action, pour en voir l'effet", la frustration va plus forte. L'impression d'être face à un mur, que peut importe ce qu'on développe en narration, le résultat sera le même. Cela peut parfois servir le propos du jeu (comme tu le dis pour Mars Colony).

Pour Wushu, il y a un effet Fiction → Mécaniques fort (je cherchais justement un exemple de Fiction → Mécaniques bien cadré par des règles !) vu que plus la Fiction sera développée, plus le joueur aura de dés à lancer. (en résumé : Nombre de phrases/éléments de la Fiction = nombre de dés)
Dans ce cas, sur un jet raté, le joueur ressent peut être plus la frustration de s'être moins investit dans la Fiction. Il peut être amené à ne pas blâmer les dés, mais lui même.

Est-ce un bien, est-ce un mal ? Je ne sais pas trop.
A vrai dire, je ne vois pas trop où je veux aller avec ceci, ce sont plus des réflexions "comme ça" que soulève ton questionnement, et qui me soulève plus d'interrogations que de réponses pour le moment.

La question profonde "Ce que lancer les dés veut dire" est presque philosophique car une réponse profonde serait : "Qu'on accepte une part de hasard, d'inconnu". [Et qu'on joue à un jeu, pas qu'on écrit une histoire à plusieurs mains]
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Christoph » 24 Juil 2013, 11:56

Hello Loïc

Serais-tu d'accord de nous décrire plus avant comment vous jouez à 3:16 ? C'est un jeu qui m'intrigue beaucoup, mais je n'y ai joué qu'une seule fois. Ce qui m'intéresse en particulier, c'est comment et quand vous utilisez les flashbacks (je m'excuse si ce n'est pas le terme français, je n'ai que la v.o.) et qu'est-ce qui se passe entre les missions (ce que font les personnages, mais aussi le genre de réflexions que se font les joueurs par rapport à la partie ou campagne). Je sais que ce que je te demande est un gros effort, donc ne te sens pas obligé. Si tu le fais, il faut peut-être voir avec Frédéric s'il faut ouvrir un nouveau fil, sinon on va complètement pirater le fil de Steve.
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Frédéric » 24 Juil 2013, 12:37

En effet, déjà que je le pirate moi-même avec Capes (mais comment échanger sur des sujets aussi compliqués sans faire référence à des exemples), n'hésite pas à ouvrir un nouveau sujet dédié à 3: 16 Loïc si jamais tu répondais à la sollicitation de Christoph.
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Steve J » 24 Juil 2013, 14:05

Christoph me signale que j'ai oublié une de ses questions sur le jeu.
Dans Mars Colony, chaque joueur écrit trois cartes où il décrit une de ses craintes concernant le monde politique (réel).
Par exemple "Les propos populistes actuellement tenus sur les gens du voyage me choquent", "l'hypocrisie de la position de [un homme politique] sur [un sujet] me révolte".
Ces cartes sont ensuite mélangées et, en cas de panne d'inspiration, on en pioche une pour générer de l'intrigue.

J'aime beaucoup l'idée sur le papier et elle a l'avantage de mettre dans l'ambiance en début de partie (en ancrant le jeu dans les préoccupations réelles des joueurs). Par contre nous ne l'avons pas utilisée : les trois Problèmes que nous nous étions fixés (le traitement de l'air dans la station, les transports publiques et les carences du système éducatif) suffisaient à générer de l'intrigue (forcement nous ne les avions pas choisi par hasard, par exemple la question scolaire est un de mes grands sujets d'intérêt personnel).
A la réflexion, je me demande comment cela aurait fonctionné, a priori je trouve ça assez artificiel. D'autant que cela augmente le risque de poser des problèmes liés aux divergences idéologiques entre mes joueurs (je ne choisi pas complètement mes amis et mes joueurs en fonction de leurs préférences politiques !).

PS : je serai ravi de lire un sujet plus précis pour 3:16 que je connais finalement assez mal ne l'ayant jamais testé mais qui m'intéresse particulièrement.
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Frédéric » 25 Juil 2013, 01:58

Hello Steve,
pourrais-tu me donner un aperçu plus précis d'une ou plusieurs scènes fictives ? N'hésite pas à détailler davantage, cette partie-là de ton CR est un peu maigre pour se faire une idée. J'ai une question à ce sujet, mais j'aurais besoin de plus de matière fictionnelle.

***

Concernant les dés et l'aléatoire en JdR : la relation entre lancer de dés (ou aléatoire en général) et Positionnement, c'est que si l'aléatoire déresponsabilise, tenter de contrôler ou d'avoir une prise sur l'aléatoire a l'effet inverse : ça crée un risque, des enjeux et donc ça augmente la responsabilisation du joueur pour ses choix et actes fictionnels.

C'est comme quand on apprend à jongler : arriver à contrôler la trajectoire des balles, les mouvements des mains, tout ce qui fait qu'on peut perdre le contrôle donne de l'intérêt à l'activité. Si les balles étaient incontrôlables et qu'on ne fasse que souhaiter qu'elles tombent dans la bonne main au bon moment, il serait bien plus difficile de s'y investir.

***

Pour tes autres questions spécifiques au Positionnement, j'ai ouvert un nouveau sujet dans la rubrique "Parler de mes Trucs".
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Steve J » 25 Juil 2013, 10:22

Alors un deuxième exemple de scènes.
Contexte : La fourniture de l'air dans la colonie est gérée par une entreprise privée (j'ai oublié quel nom nous lui avons donné). Nous décidons qu'elle pose un Problème (qui est donc chiffré et représente mécaniquement un enjeu de la partie).
Je vais décrire trois scènes relatives à cette question.
Remarque : le jeu est divisé en scènes qui peuvent être de trois types, les scènes personnelles sont établies par le joueur de Kelly et parlent de sa vie privée, les scènes d'exposition sont établies par le joueur MJ/Gouverneur et servent à présenter les Problèmes, les scènes de résolutions sont les scènes où Kelly décide d'agir pour tenter de résoudre les Problèmes.

1ère scène : une scène d'exposition (la première du jeu je crois)
Kelly rencontre une vieille amie dans un bar qu'elles ont fréquenté dans leur jeunesse (elles ont étudié ensemble sur Terre et sur Mars). Le secteur s'est cependant fortement dégradé, une impression de saleté s'en dégage, de la poussière flotte dans l'air et il est difficile de respirer normalement. L'amie de Kelly lui explique que la société de fourniture de l'air profite du manque de poids politique de ce secteur pour dégrader sa fourniture d'air.
Le barman reconnait Kelly, lui sert vigoureusement la main. Il place apparemment beaucoup d'espoirs dans sa récente venue.

Scène d'exposition classique mais efficace. Alors que je ne suis pas le joueur qui a amené le Problème de la fourniture d'air en début de partie (j'ai uniquement proposé l’Éducation dans les trois thématiques), je me sens assez immédiatement impliqué.

2ème scène : scène de résolution
Je décide d'aller, très rapidement après mon arrivée, négocier avec le dirigeant de la société chargé de la fourniture d'air.
Je décide que je suis accompagné d'un collègue universitaire spécialiste dans le domaine de la gestion de l'air (en tant que joueur j'invente ce personnage à la volée).
Une discussion (libre) commence, le dirigeant se montre odieux, remettant en cause ma connaissance du dossier. Nous décidons finalement de lancer les dés : échec, nous décidons que notre négociation se termine dans une impasse.

3ème scène : scène de résolution
Je demande au maire de la colonie (qui se trouve être du même bord politique que moi) d'organiser une réunion avec le dirigeant de la deuxième scène.
J'en profite pour revenir à la charge, plus agressive, en pointant du doigt ses engagements contractuels. Il me fait remarquer que nous ferions mieux de ne pas le menacer : il détient après tout les commandes de toute la fourniture d'air de la colonie.
Je ne me laisse pas démonter, au contraire, et je refuse sa menace en expliquant que s'il ne cède pas nous demanderons à la Justice d'intervenir et nous l'attaquerons pour mise en danger de la vie d'autrui, voire meurtre.

Nous décidons que quelque chose se joue à se moment, nous interrompons la scène pour lancer les dés : je fais un super score permettant à ma menace de porter.

Je veux surtout insister sur mon ressenti au moment du passage en gras.
Mon approche agressive aurait techniquement eu le même effet qu'une approche douce. Plutôt que cette mise en scène de mon pouvoir politique, j'aurai pu chercher à résoudre le Problème, avec les mêmes probabilités de succès, en réunissant la Cellule Budget pour voir si nous avions la possibilité d'effectuer des coupes que nous pourrions réorienter vers la fourniture de l'air (en augmentant la somme d'argent versée à ce prestataire).
Pourtant ma décision reposait aussi sur les deux scènes précédentes, j'avais appris à détester ce dirigeant malhonnête profitant d'erreur de gestion de la colonie et de l'impuissance politique d'un de ses secteurs pour faire des économies au dépend de la santé publique. Cette troisième scène était extrêmement satisfaisante pour Kelly et pour moi.

Notons cependant que, et je le savais, ma mise en scène était finalement un coup de dé. Même en ayant amené dans la Fiction l'idée que mon équipe avait épluché le contrat pour y trouver des failles en notre faveur (avec succès). Là encore je ne trouve pas ce point gênant, cet aléatoire offre une vision assez juste de ce que l'on peut percevoir dans des situations de gestions impliquant de convaincre des personnes sur lesquelles nous n'avons pas de levier d'action véritables.
Même s'il existe des méthodes pour convaincre, on à souvent cette impression de très grande incertitude. Notre interlocuteur, humain, restant très imprévisible.
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Christoph » 29 Juil 2013, 15:03

Salut les gars

J'ai bien réfléchi à cette histoire de Fiction → Mécanique, je suis même allé relire tous les billets de Vincent Baker au sujet du Positionnement, tel le bon élève. Je fais ces remarques ici parce que je me focalise sur la partie de Steve, peut-être trouverais-je des choses plus générales à dire dans le fil de Fréd' plus tard.

Autant je suis d'accord avec l'analyse de Steve qui dit que la fiction n'a pas d'impact sur les chances de réussite et que c'est un choix de conception fort – qui n'amuse d'ailleurs pas tout le monde, je ne suis pas persuadé que j'aime beaucoup le jeu, en fin de compte –, autant j'ai l'impression qu'il y a quand même des points d'interaction Fiction → Mécanique. En fait, mon argument est vrai pour tous les jeux de rôle avec Mécaniques, sauf peut-être Bacchanal, grâce à la Technique omniprésente suivante : le moment où l'on lance les dés est déterminé par le fait qu'on est arrivé à un point spécifique de la chronologie des actions décrites. Frédéric propose des exemples de jeux de type « machine à saucisse » dans le fil consacré, je n'ai pas encore réfléchi à ces cas (mais je n'ai joué à aucun d'entre eux, donc peut-être n'aurai-je rien à dire).

À Mars Colony, on lance les dés quand on a mis en place son plan d'action (c'est explicite dans le complément que Steve a rajouté : « Nous décidons que quelque chose se joue à se moment, [...] »). On va choisir les objectifs que l'on poursuit non seulement en fonction d'un choix par rapport à leur progression numérique sur la feuille de jeu, mais aussi selon l'importance qu'on y accorde, relativement à l'histoire qui se déroule : Steve consacre deux scènes de résolution de suite à la question de la qualité de l'air, alors qu'il aurait pu enchaîner sur la question des universités.

Quelques réflexions annexes : les jeux « freeform » n'ayant pas de mécanismes (ce qui n'est pas l'équivalent de dire qu'ils n'ont pas de règles) n'auraient que des points d'interaction Fiction → Fiction, logiquement. Il faudrait peut-être importer le niveau interpersonnel que Vincent écarte en tant que concepteur (mais pas en tant que joueur), je ne sais plus dans lequel de ses billets. En pratique, on adopte ses propositions en fonction de qui est autour de la table : on évite les sujets qui fâchent, on joue sur des points dont on sait qu'ils feront réagir créativement son vieux pote, etc. Steve s'intéresse beaucoup aux questions de l'éducation, hop, ça apparaît dans le jeu. Il y a donc au moins un point d'interaction Interpersonnel → Fiction dans tout jeu de rôle, à première vue. C'est tellement trivial que je l'aurais presque oublié. La fois où nous avons minimisé les conflits en jouant à Cordes sensibles avec Sylvie est un exemple de Interpersonnel → Fiction, mais dû en grande partie au fait que les Mécanismes ont on très fort impact, qu'on ne voulait pas juste saisir à la légère.

Est-ce que vous me suivez sur cette réflexion ou est-ce que je n'ai pas compris quelque chose avec ces points d'interaction ?
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Frédéric » 30 Juil 2013, 00:33

Hello Christoph,
je me permets de répondre à ce que tu soulèves concernant le Positionnement car je trouve ces questions primordiales, et je ne suis pas sûr de les avoir résolues.

Quand tu dis "les jeux « freeform » n'ayant pas de mécanismes (ce qui n'est pas l'équivalent de dire qu'ils n'ont pas de règles) n'auraient que des points d'interaction Fiction → Fiction, logiquement", la difficulté, c'est de définir ce qu'est un mécanisme dans le cadre de cette théorie :

Considère-t-on que "le MJ décide de l'issue des actions (ou de certaines actions)" est une mécanique (ou un mécanisme) ? Cette question me paraît importante.
- Si oui, alors beaucoup de pratiques freeform (ce que l'on appelle communément le JdR "sans règles" en francophonie, si je te suis bien) possèdent les points d'interaction de type Fiction --> Mécanique et Mécanique --> Fiction.
- Si non, cela signifie que les parties freeform ne fonctionnent que selon le point d'interaction Fiction --> Fiction et cela suffirait à ce qu'il y ait du Positionnement.

Dans le deuxième cas, cela signifie que le point d'interaction Fiction --> Fiction suffit à ce qu'il y ait du Positionnement et que la mécanique est subsidiaire. De ce point de vue, tous les JdR qui ont le point d'interaction Fiction --> Fiction génèrent du Positionnement.
Je suis très intéressé par ton avis sur la question.

***

Ton intégration de points d'interaction Interpersonnel --> Fiction est très intéressant. Je n'ai pas intégré cet aspect dans mon article, parce que je voulais me concentrer sur les mécaniques et la fiction, mais sur ce plan là, je te suis parfaitement.

***

Pour ce qui est de la présence du point d'interaction Fiction --> Mécanique dans Mars Colony : si une déclaration fictionnelle est à l'origine du lancer de dés (qu'elle en crée la possibilité ou qu'elle modifie la possibilité de lancer les dés), je pense qu'on peut dire que oui, le jeu possède un point d'interaction Fiction --> Mécanique.

Mais comme je n'ai pas lu ni joué au jeu, je navigue un peu à tâtons sur ce sujet.
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Re: [Mars Colony] Ce que lancer les dés veut dire

Message par Christoph » 30 Juil 2013, 09:51

Frédéric a écrit :[...] la difficulté, c'est de définir ce qu'est un mécanisme dans le cadre de cette théorie [...]

Si tu reprends Vincent Baker (par exemple ici), ce que j'ai supposé être le cas dans ma réponse, les Mécanismes sont les objets physiques à la table dont on se sert pour jouer (chez Vincent, des cues, voir le point 2 du résumé sur le positioning, on y voit aussi une allusion à l'interpersonnel), mais c'est vrai qu'on n'utilisait pas ce terme comme ça auparavant (c'était plutôt « règles quantifiées », non?) Dans Mars Colony il y a des dés, quelques feuilles de jeu et des cartons d'inspiration (à ce propos, merci Steve pour la précision, chez nous ça s'était passé de la même manière). Je me demandais par exemple si ces cartons d'inspiration venaient effectivement à la rescousse dans le cas d'un blocage fictionnel, ce qu'on ppurrait interpréter comme un point Fiction → Mécanisme (suivi d'un point Mécanisme → Fiction).

Je pensais également qu'ensuite les « règles » se construisaient, dans ton jargon, en combinant des points d'interaction, pour retrouver les nuages, smilies et dés (fiction, interpersonnel, mécanismes) de chez VIncent.
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