Hello Thomas,
Admettons en effet que tu explores quelque chose qui sort de mon corpus théorique personnel (ce qui est tout à fait possible).
Dans cet article, Emily Care Boss et Vincent Baker parlent de la façon dont se produit une décision quand on joue freeform :
http://lumpley.com/index.php/anyway/thread/690Il faut prévoir trois coups pour être légitime quand le joueur dit "mon personnage tire sur le tien".
Il faut s'être procuré le flingue préalablement dans la partie, il faut être sûr que le flingue en question est chargé et il faut, par exemple faire en sorte que l'autre PJ ne puisse pas fuir.
Ça se rapproche pas mal des règles de conduite que tu donnes au MJ.
Ensuite, Vincent Baker parle de "Cue-mediation" (aucune traduction ne me vient en tête) : si j'ai noté un flingue sur ma fiche, alors je peux me passer des trois coups préparatoires.
C'est à ça que te servent les "feuilles" dans Arbre.
OK ?
Ce qui m'intéresse, c'est ce qui vient ensuite : le freeform "classique" se base souvent sur le fait que le MJ statuera sur l'issue de l'action. Joueur A tire sur joueur B, le MJ décide que joueur B est mort, qu'il est blessé, qu'il pisse le sang, mais qu'il peut réagir, ou bien qu'il a eu le temps se planquer derrière un bureau, ou n'importe quoi d'autre.
Le dernier mot du MJ fait loi, donc le jeu ne peut fonctionner que si tout le monde accepte ce contrat social (personnellement, c'est quelque chose que je déteste, mais ce n'est pas la question).
Certains jeux structured Freeform (j'ai lu Under My Skin qui se joue en "live" : on mets son corps en scène dans une salle, au lieu d'être assis derrière une table, pour faire simple), on compense l'absence de mécanique de résolution ou de dernier mot du MJ par un découpage du jeu par scènes orientées. Chaque scène crée des situations qui font évoluer les relations des PJ, donc a priori, avec le cadrage d'une tierse personne, ça suffit pour que la partie ne s'enlise pas, quelqu'un coupera la scène, il faudra donc interrompre la situation au bout d'un moment.
Comme visiblement, tu ne souhaites pas donner au MJ ce rôle, tu veux mettre les joueurs dans une situation de choix libre, qui les conduisent à assumer des pertes.
Et c'est là où ça coince pour moi. On peut tout à fait envisager que les joueurs jouent le jeu d'eux-mêmes, mais je pense que ça tue tout enjeu.
Quand le MJ tranche selon son juger, c'est arbitraire et donc ça tue la sensation du joueur d'avoir une emprise sur les événements, mais au moins la situation est tranchée. Le MJ est en situation de juge et partie, mais c'est pas trop grave, puisqu'il est le MJ, souvent ce qui compte c'est d'explorer son scénario.
Au mieux, quand les participants se connaissent très bien dans leur pratique, ils peuvent connaître les goûts et exigences du MJ et chercher à le séduire. C'est une résistance arbitraire en quelque sorte : parfois ça marche parce que ce qu'on dit plaît au MJ, parfois ça ne marche pas parce que ce qu'on a dit ne lui a pas plu ou parce que ça contrevient à son plan pour la partie (son scénario) ou parce qu'il a jugé quelque chose de pas terrible, mais les joueurs ne savent pas forcément quoi. On est dans le flou total.
Le contenu fictionnel en JdR est d'une souplesse quasiment totale. Si quelqu'un tire sur mon personnage, il peut se passer mille choses : je peux dire que ça m'érafle la joue, que je plonge derrière un meuble pour me mettre à l'abri des balles, etc.
Tirer sur quelqu'un peut se solder par un nombre infini de résultats et le joueur dont le personnage se fait tirer dessus n'a aucun avantage à orienter l'issue de l'action à son désavantage.
Donc le freeform tend à exiger du joueur qu'il resserre au maximum les décisions possibles pour la personne en face dans le but de lui imposer sa volonté. Mais en réalité, il y a
toujours des échappatoires : tout ce qui n'a pas été dit, tout ce qui a été dit et qui laisse une marge d'interprétation peut être utilisé pour contrer l'action de l'autre.
J'ai vu des conflits entre joueurs s'éterniser (lors de parties simulationnistes), chacun campait sur ses positions parce que les enjeux étaient trop forts pour que l'un des joueurs accepte de céder. J'ai vu un joueur baratiner le MJ pendant 1h pour réussir à le séduire et accepter qu'il lui donne ce qu'il veut.
Si le joueur incarne la volonté de son personnage, quand il se heurte à une autre volonté qui veut absolument le contraire de lui, comment tu tranches ?
Et si c'est deux joueurs ?