Après un grand délai, qui m'a vu passer auteur à temps plein, je poursuis l'exposé de mon modèle d'indépendance (les huit zéros), avec ce Zéro Charge. J'y aborde le nerf de la guerre : l'argent. Ou comment éviter d'en dépenser pour mon activité d'auteur.Pour se lancer en tant qu'auteur indépendant, j'avais une crainte à surmonter : je savais que mon activité serait très peu lucrative, mais je souhaitais surtout éviter qu'elle me coûte plus d'argent qu'elle ne m'en rapporte. La solution, toujours valable aujourd'hui que je suis auteur à temps plein, c'était de limiter les coûts autant que possible.
+ Suite logicielle :Écrire un jeu de rôle, c'est, encore aujourd'hui, écrire un livre. Qui plus est avec une mise en page plus exigeante que celle d'un roman.
Pour l'informatique, je me suis doté d'outils aussi performants que gratuits :
les logiciels libres.
Mon système d'exploitation est Ubuntu. J'utilise la suite Libre Office pour les traitements de texte et les tableurs, Evolution pour mon client lourd de messagerie, Gimp pour mes photomontages et ma mise en page (une page = un fichier Gimp) et Scribus, logiciel de PAO, pour l'assemblage final des pages mises en forme sous Gimp.
Je rappelle que pour les jeux les plus simples, un logiciel de traitement de texte est largement suffisant.
On peut trouver des solutions logicielles en ligne, qui ont l'avantage de permettre de pouvoir travailler sur plusieurs ordinateurs. Mais comme j'ai privilégié un travail en mono-poste, j'ai peu exploré dans cette direction.
+ Illustration :Rien n'oblige un jeu de rôle à être illustré, mais beaucoup d'entre nous sommes attachés au visuel, j'en fais partie pour la majorité de mes travaux. Dans ce domaine aussi, la gratuité me tient à cœur.
J'utilise en priorité des photos en licence Creative Commons / Paternité / Pas d'utilisation commerciale, glanée sur flickr.com. J'ai choisi cette licence malgré ses restrictions car les photos qui y sont rassemblées correspondent au standard de qualité que je recherche (ni trop médiocres, ni trop élaborées). En revanche, c'est une contrainte qui m'a décidé à rendre mes jeux non-commerciaux.
De façon beaucoup moins restrictive, le vaste monde du domaine public, des images libres de droits et du Creative Commons Zero s'offrent à vous, et ont permis de magnifiques jeux, comme la version amateur de
Terra Incognita par Julien Clément, les jeux de Snorri,
Polaris de Ben Lehman ou encore
White Books par Eric Nieudan. Le domaine public, c'est notamment Gustave Doré, Caspar Friedrich, ou le monde vertigineux des enluminures médiévales.
Les illustrations gratuites, c'est aussi illustrer soi-même. La beauté de
Prosopopée de Frédéric Sintes ou les maquettes racées des publications d'Acritarche parlent d'elles-mêmes. Osez vous mettre au dessin, votre sincérité vous défendra.
Pour ma part, avant de franchir ce pas (j'ai prévu d'essayer pour Arbre), je me suis autoformé au photomontage. Je travaille sous Gimp avec un éventail de techniques très restreint : c'est essentiellement du découpage-collage, et le résultat diffère de tout ce que j'aurais pu demander à un illustrateur tiers, car j'ai vraiment exprimé ma vision, sans intermédiaire.
Dans la mesure où mon activité de publication de jeux est bénévole et que je peux me passer d'illustrateurs extérieurs, j'évite de les solliciter. J'ai cependant l'honneur de recevoir des demandes de collaboration, j'accepte autant que je peux, mais je précise à la personne
qu'elle sera bénévole elle aussi. J'ai jadis rémunéré des illustrateurs, mais c'était dans le cadre d'un modèle économique aujourd'hui obsolète. Actuellement, je prépare deux livres,
Odyssea et
Perdus dans les forêts Zéro, qui auront été intégralement illustrés par Thibault Boube, de façon bénévole.
+ InternetInternet est une vitrine presque indispensable pour diffuser son jeu et dialoguer avec la communauté rôliste. La voie royale semblait être de casser sa tirelire et de payer un hébergeur pour obtenir un site pérenne et sans publicité.
J'ai cependant à nouveau choisi la gratuité.
Les réseaux sociaux sont aujourd'hui incontournables. Tous sont gratuits et proposent d'héberger des pages personnelles. Je suis moi-même sur
Google+,
Facebook et
Twitter. Une gratuité à double tranchant puisqu'elle implique une marchandisation de mes données personnelles, un contrôle faible sur la visibilité de mes publications, et une très faible durée de vie du contenu publié (essayez de scroller sur plus d'une semaine sur un réseau social, la tâche vous sera malaisée). Je réfléchis à des solutions de réseaux plus éthiques, comme
Framasphère.
Le dialogue par forum me semble encore le moyen le plus abouti pour échanger avec la communauté. J'ai eu la chance d'être hébergé par le forum de
Terres Étranges, Les Ateliers Imaginaires et
Casus No gracieusement, ce qui m'offre un luxueux espace de ressources et d'échange, et je pense que quiconque propose du contenu avec assiduité n'aura aucun mal à obtenir un espace sur tel ou tel forum.
Enfin, le noyau dur, pour peu qu'on soit assez prolifique, c'est le site internet. J'ai opté pour un blog plutôt qu'un site classique car j'ai voulu commencer simple et souhaite le rester. Souhaitant un blog gratuit et sans publicité, j'ai d'abord hébergé
Outsider sur 000webhost, mais au bout de six mois, des pages de pub sont apparues. J'ai envisagé un temps de déménager sur Wordpress.com, utilisant déjà Wordpress comme solution informatique de bloguage, puisqu'il est libre et gratuit. Il me semble que l'hébergement d'un blog sur Wordpress.com est gratuit et sans publicité, mais j'ignore sous quelles conditions et restrictions. Alors j'ai plutôt fait un appel public : j'ai demandé aux personnes qui me suivent si quelqu'un possédait un espace sur le net et acceptait de m'héberger gracieusement. Une personne m'a offert ce service. Elle souhaite garder l'anonymat, mais je souhaite la saluer ici. Outre le fait de m'héberger gracieusement, elle effectue des actions de maintenance et de sécurité qui me rendent la vie plus facile et me permettent de développer un blog déjà ambitieux dans la sérénité.
Le deal avec cette personne, c'était que le blog soit modeste en mémoire demandée. D'autre part, j'avais cette problématique pour publier des PDF, images et podcasts sur des forums. Il me fallait donc un autre hébergement pour les images et le son, ils seraient relayés sur le blog et les forums par hyperlien, le blog restant ainsi très modeste en taille, puisqu'il est seulement composé de texte et de code.
Pour les images, j'ai opté pour flickr.com qui offre gratuitement un espace-disque très confortable (un téra-octet) et permet d'affiche le type de licence souhaitée pour chaque image, et les trier par album et par tag. Certes, il y a un bandeau-publicitaire sur la facade administrateur, mais aucun sur la facade publique. Toutes les images que je poste sur mon site ou les forums sont des hyperliens en provenance de
mon compte flickr. Le compte constitue également ma galerie personnelle, qui permet de parcourir mes photomontages. J'envisage de l'approvisionner avec mes travaux anciens pour constituer un véritable book.
YouTube héberge les enregistrements de mes podcasts et parties de jeu de rôles effectués sur le chat Google Hangout. C'est brut, mais tout y est, notamment toutes mes parties jouées en ligne, une vingtaine à ce jour.
J'ai retravaillé une partie de ces enregistrements, pour en faire des mp3 découpés en sections (
les podcasts Outsider), et j'avais besoin de les héberger ailleurs que sur YouTube. Pour mes pdf et mes mp3, j'ai opté pour
Archive.org. Il s'agit d'un site américain qui a pour vocation d'héberger autant de créations sous licence Creative Commons ou du domaine public que possible. La création d'un compte est gratuite et l'on dispose d'un espace de stockage illimité. Illimité.
Cela m'est d'un grand secours maintenant que je mets mon travail, édité ou en progrès, a disposition en téléchargement libre. J'avais autrefois un compte sur Dropbox, mais Archive.org est beaucoup plus élégant.
Enfin, j'ai aussi
un compte Wiki consacré à Millevaux, que je compte remplir au fur et à mesure avec l'aide de la communauté. A nouveau, c'est une tierce personne qui l'a codé et hébergé gratuitement. Un grand merci à elle.
+ L'impressionL'optique du Zéro Charge m'interdisait de recourir à un imprimeur classique, c'est pourquoi j'ai opté pour l'impression à la demande, via le bien connu
lulu.com. Si c'était à refaire, je le referais, tellement la formule est souple. J'ai eu quelques déconvenues au départ (j'avais choisi le paiement par chèque et je recevais des versements en dollars, je perdais beaucoup en frais de change) mais aujourd'hui je maîtrise la formule. Il n'est plus nécessaire de demander un bon à tirer, aussi je peux déposer un nouveau livre très facilement et vraiment sans aucun frais. Je n'ai cure de posséder mon propre exemplaire de chaque jeu.
En parallèle, je reproduis tout mon catalogue en livre artisanal. C'est une entorse au zéro charge dans la mesure où j'ai acheté une imprimante (500 euros) et une presse (25 €), et ça me coûte du papier, de l'encre, du fil de lin, du scotch, des fleurs séchées, des enveloppes et des frais postaux. Pour tempérer, je dois dire que l'imprimante a été remboursée par les marges des livres déjà vendus. Pour ce qui est des consommables, j'évite d'acheter du stock en avance, je travaille en flux tendu, car je n'exclus jamais qu'un changement de technique ou d'envie fasse que mon stock me reste sru les bras. Pour ce qui est des décorations et autres éléments des livres artisanaux, je privilégie la récup : rebuts d'impression, emballages divers, feuilles et insectes...
Les conventions :Certains auteurs, dont Johan Scipion (
Sombre), Stéphane Gallay (
Tigres Volants), Florent Moragas (
Insectopia) ont fait des déplacements en convention le fer de lance de leur communication. Pour ma part, je privilégie la communication sur internet et je cantonne mes déplacements à ma région, la Bretagne.
Certains auteurs, comme Johan Scipion, évitent de se déplacer en l'absence de défraiement. Pour ma part, j'apprécie d'être défrayé, mais je peux accepter de m'en passer, épisodiquement, sur de courtes distances.
J'ai commencé à compléter mes déplacements en convention par des
tournées. Je passe un gros week-end dans une grande ville où j'alterne les animations dans des endroits divers. C'est un temps fort de rencontre avec le public. Sur le principe, je peux faire une tournée à ma charge, mais je préfère solliciter la générosité de mes hébergeurs. Lors de ma dernière tournée, un hébergeur a remboursé mes frais de déplacement. Un grand merci à lui.
+ La réciprocitéDans mon cas, le zéro charge s'est progressivement justifié par une logique de réciprocité. Mon activité d'auteur ne me coûte pour ainsi dire rien. En contrepartie, je souhaite pouvoir donner un maximum.
En basculant mes PDF en gratuit et mes impressions à la demande en prix coûtant, je mets mes jeux sur le même niveau de gratuité et d'accessibilité que mes articles de blog ou de forum. Je milite ainsi pour une culture ouverte à toutes et tous.
En contrepartie, la réciprocité peut à nouveau s'exercer dans l'autre sens, puisque je sollicite un soutien de la part de la communauté, qui, s'il est financier, me permettra de prolonger l'aventure d'une créativité en toute liberté, vraiment indépendante parce que dissociée du besoin financier.
N'espérant rien de plus qu'un volume de dons modeste, j'étends le principe du Zéro Charge à ma vie quotidienne : simplicité volontaire et vœu de pauvreté sont mes armes pour rester, le plus longtemps possible, indépendant.