Il y a peut-être aussi des stratégies internes de joueuse à développer pour savoir contourner ou contenir le malaise pendant la partie, avant d'en arriver au point de non-retour. Comme Viv, j'aurais tendance à penser que le Stop ou Je quitte la table, c'est violent pour tout le monde, autant pour celle qui le dit que pour ceux qui l'entendent.
Personnellement, je sais que je peux avoir plusieurs attitudes face au malaise, certaines contrôlées, d'autres non :
- ignorer les propositions
Je ne sais pas comment y réagir, alors je laisse passer les balles sans les rattraper. Je ne fais pas exprès, et ça n'est pas forcément très agréable pour moi (sensation d'échec) et pour les autres (sensation de flop). Mais ça permet de ne pas concourir à un engrenage vers quelque chose qui me déplaît. Si les autres sont à l'écoute, ça peut servir de balise.
- déconnecter
Je ne maîtrise pas ça, mais il arrive que face à quelque chose que je ne peux pas jouer ou qui me rebute, je coupe le lien avec le PJ et je n'ai plus accès au jeu, même si physiquement je n'ai pas bougé de ma chaise. Ca peut être plus ou moins violent pour la table (parce que ça se ressent) et plus ou moins facile d'y revenir ensuite, ça dépend de la secousse. C'est pas un truc que je préconise, mais un truc qui m'arrive de temps en temps. Le plus dur est de rebondir après ça.
- signaler/reformuler
Récemment j'ai eu un blocage arachnophobique sur une araignée-sanglier à Millevaux. J'ai proposé très vite qu'on reformule en « sanglier à huit pattes », ce qui a été assez clair comme signal pour la table, je crois. Ça m'a permis de prendre mes distances avec le côté araignées géante, et du coup les autres ont fait attention à ne pas en faire des caisses sur cet aspect-là. L'intérêt ici, c'est de ne pas arrêter le jeu, ne pas avoir à demander aux autres de remballer leurs propositions, tout en signalant qu'on est limite. Mais la limite, je ne la connais que parce qu'on m'a déjà fait le coup de l'araignée géante dans le casque et que ça ne s'est pas bien passé...
Demander une ellipse sur une scène de sexe sans l'annuler, par exemple, j'imagine que ça part du même principe. On pose la limite en cours de jeu, mais dans le flot et sans tout arrêter.
- bleed in
Rendre ou confier son malaise au PJ plutôt que le garder sur soi. En gros : le jouer. Je me rends compte que quand mes personnages dépriment, se laissent couler, ou s'enferment dans des spirales auto-destructrices, c'est que je suis en train de rendre au PJ ma frustration de la partie, souvent due à une absence d'agentivité. La stratégie n'est pas forcément consciente, mais elle me permet de continuer à jouer alors que je ne suis pas loin de déconnecter. Enfermer mon personnage dans un déni et jouer ce déni peut aussi m'aider à mettre un paravent entre moi et un aspect qui me met mal à l'aise (typiquement, la romance).
- maintenir des portes ouvertes
Pour des jeux où le malaise arrive un peu par surprise ou parce que je joue avec ma limite, j'essaie de garder en tête les portes ouvertes qui me permettront de fuir ou d'évacuer le sujet sans casser la fiction.
La plupart du temps, c'est possible, on est rarement dans un couloir étanche avec au bout la situation qu'on veut éviter. Etre conscient des échappatoires, c'est pas forcément évident, mais on a souvent des possibilités de ramener le jeu vers quelque chose d'acceptable (pour peu que les autres soient à l'écoute) : plier pour éviter le PvP ; sacrifier un PNJ pour éviter une romance embarrassante ; etc.