par Felondra (Emmanuël) » 12 Juin 2016, 17:12
Il y a une semaine environ, j'ai fait joué le scénario "Au plus haut des cieux" à 3 joueurs plutôt confirmés (surtout deux d'entre eux, dont Kamiseito). Première partie de Sphynx pour tous les trois, moi j'avais eu une précédente partie plutôt mauvaise mais réalisée dans des conditions qui à mon sens avaient pu biaiser l'expérience de jeu - fin de soirée, deadline très serrée, joueurs somnolents après un barbecue, ...
Cette fois, du coup, j'ai prévu le coup: rendez-vous à 16h un dimanche, on est resté jusqu'à 23h, avec une pause prévue en milieu de partie environ pour manger, etc. Tout était bien en place.
Mise en place:
Je commence par rappeler quelques évidences du système qui avaient fait défaut à la première partie - on va jouer beaucoup sur le métaphysique, l'introspection de vos personnages face aux ruines, on est clairement pas dans du "réaliste" parce que les ruines découvertes ont des dizaines de milliers d'années et ne correspondent à rien de connu, etc. Ensuite, j'explique le gros du système. Les joueurs sont sceptiques au sujet du conflit et je les comprends, j'y reviendrai. Deux aides de jeu aident les joueurs à intégrer, même si bien vite ils ne les regarderont plus vraiment.
Après quelques tours de questions-réponses (notamment: "est-ce que tout se crée en direct ou est-ce qu'il y a des secrets à trouver et que tu nous orientes vers eux?"), je lance la création de personnages. Je lis le petit paragraphe sur l'alma mater du livre aux joueurs. A chaque étape, je lis les exemples proposés et fais circuler le livre si besoin.
Les personnages:
Julien joue Daniel Pérez, Brésilien, anthropologue. Sa question métaphysique: existe-t-il une société idéale? Selon quels critères peut-on l'appeler idéale? Est-elle possible chez les humains?
Valentin joue Diego Sanchez Guardema, physicien quantique. Sa question métaphysique: Qu'est-ce que le moi? Peut-on le transférer? Est-il possible de quitter son corps?
Kamiseito joue Boris Kavetchine, linguiste. Sa question métaphysique: Qu'est-ce qu'un être humain? Y'a-t-il une destinée à l'humanité?
Relations entre eux et parmi l'expédition
Boris Kavetchine a une doctorante, Alexandra Pizinski. Kavetchine a beaucoup d'espoir pour elle. Kavetchine est d'ailleurs quelqu'un de très optimiste, bon enfant, très capable.
Diego Sanchez Guardema a un doctorant, Victor Dujardin, qui commence à être dégoûté de la recherche tant Sanchez le traite comme son larbin. En fait Sanchez est très content de lui, simplement il est froid et quand on est au boulot, on travaille, on ne sympathise pas. Sanchez ne s'intéresse absolument pas à des "sciences" comme l'anthropologie ou la linguistique, il apprécie quand des résultats dans ces domaines aident la physique mais ça s'arrête là.
Daniel Pérez a une relation sulfureuse avec Alexandra Pizinski, la doctorante de Kavetchine. Ils se voient régulièrement sur des sites de fouille ou autre, couchent, se déchirent, se recollent... Une relation passionnelle et destructrice pour eux deux, dont aucun ne parvient à se défaire complètement.
A ce stade, les joueurs se plaignent un peu du manque de consistance de leur explorateur. On verra bien vite que ce n'est pas un problème, ils l'investiront de ce qu'ils veulent y mettre et les joueurs sont assez à l'aise avec l'interprétation que pour les marquer et leur donner du corps. Encore quelques réglages - notamment, on établit que les explorateurs n'ont jamais encore été confrontés au surnaturel de quelque manière que ce soit - et on est partis.
La fiction
Toute la fiction est marquée par une bande-son qui dure 8h, du vent soufflant au pôle Nord, que je modulerai selon que les joueurs sont en intérieur, en extérieur, en haut du pic, etc.
Les explorateurs arrivent en hélicoptère sur un des plus hauts plateaux de l'Himalaya. On leur a envoyé par mail quelques informations de base sur la fouille qu'ils vont mener ici: découverte d'un escalier par une équipe d'alpinistes. Cet escalier disparait régulièrement sous la neige et la glace mais semble extrêmement long. Ils ont rebroussé chemin après deux journées à grimper et l'alma mater prend le relai. Photos d'une arche surplombant le départ de l'escalier, vues satellites supposant que l'escalier aboutit à une plate-forme au sommet du pic qui se jette dans le vide. Selon les premières estimations, ce serait l'un des plus longs escaliers au monde.
Ils arrivent sur un petit plateau situé à une heure de marche de l'arche. Il y a quelques énormes tentes qui abritent les équipes travaillant sur place. Rapidement ils voient le budget déployé, ils en ont l'habitude ce n'est pas la première fois qu'ils travaillent pour Alma Mater: ordinateurs dernier cri, carte tactile de quelques mètres de long, sondeurs, etc.
Ils rencontrent Alexandra Pizinski - Pérez flirte avec elle pendant qu'elle met Kavetchine au courant des dernières avancées de l'expédition. Des signes ont été retrouvés sur l'arche, on ne parvient pas encore à les identifier. Pérez croit reconnaitre des écritures apparentées à ce qu'on retrouve ailleurs dans la région, de la Chine à l'Inde, voire même ce qui pourrait se rapprocher de l'Indo-Européen.
Pendant ce temps, Sanchez envoie un Dujardin stressé sur site pour relever la qualité et la manière dont sont taillées les pierres de l'escalier.
Première "pause" prise par les joueurs, petit recul par rapport à la fiction puis va-et-vient qui permet à chacun de gagner un premier point de voyage pour exposition de leur question métaphysique. Je suis généreux et les joueurs très bons, ça tisse du lien, ça se blague ou se reproche des petites choses entre PJ, ça fait des suppositions, les pions pleuvent.
Finalement, tous vont sur site, guidés par Ram (un guide local qu'avait employée l'expédition qui a découvert l'escalier). Il les met en garde: à l'extérieur, ils le suivent, obéissent, un point c'est tout. Kavetchine parle un peu Népalais, il sympathise rapidement avec le guide.
Sur place, au milieu des équipes travaillant dur, les explorateurs découvrent une arche lisse, polie par le vent, qui marque le début d'un escalier large de six mètres et d'un nivèlement très doux. De nombreux écrits s'y voient, Kavetchine s'y absorbe, découvre qu'on parle du début d'un chemin, d'un culte aux morts de partout plutôt qu'à des ancêtres mythiques.
Sanchez est marqué par les matériaux utilisés: l'arche forme un arc parfait. Les marches sont lisses, à peine marquées par le temps, sans coups ni fêlures.
Les explorateurs demandent alors qu'on donne des coups de sonde dans le sol - la technologie Jurassic Park, s'amuse Kavetchine. Samuela Barro, une géologue de l'expédition, bougonne que tout a bien évolué depuis. Et tous découvrent, à quatre ou cinq mètres sous le niveau du plateau, pris dans la glace, des restes de bâtiments.
Le soleil se couchant, on rentre tandis que les membres de l'expédition bâchent l'arche et l'escalier.
Fin de journée riches de suppositions et de projets:
- Kavetchine et Pizinski planchent sur les écritures, parviennent à déchiffrer une suite: le chemin est une élévation qui nécessite de passer par cinq plateaux, cinq étapes. Lesquelles? Le plateau donnant dans le vide est visiblement le cinquième...
- Sanchez demande à Dujardin d'estimer une zone de chute possible si jamais des corps étaient réellement lâchés du sommet. Elle est très vaste, il propose de larguer des poids avec puces G.P.S. pour établir une zone de chute et voir si des restes humains s'y trouveraient.
- Pérez se pose des questions sur le rôle de tout ça: réelle cité? Temple géant? Il s'interroge sur un possible culte aux vents dans la région, voit que c'est très présent dans les mythes et civilisations antiques, même dans des zones de campagnes où le vent devrait être moins important.
- Kavetchine, de plus en plus excité, propose qu'ils entament dès le lendemain une expédition jusqu'au sommet. Pour lui, la clé se trouve dans ces cinq plateaux, ces cinq étapes décrites par les écritures. Sanchez est réticent mais se laisse convaincre. Ils emmèneront avec eux Ram, Victor Dujardin et Johnson, le technicien en charge de la sonde. Pizinski restera à la base comme relai-radio principal et aide à l'opération.
- Pérez tourne autour de Pizinski, qui le remballe gentiment. Elle a le sentiment qu'ils touchent quelque chose d'énorme et lui reproche son manque de professionnalisme. Ils passent la nuit ensemble.
Grosse pause-repas. Les joueurs sont tièdes: ça a l'air chouette mais ils attendent de voir...
Le lendemain, aux aurores, les explorateurs montent dans un hélicoptère qui les amène à l'arche. Kavetchine, en étudiant une dernière fois l'arche, remarque des symboles qui étaient pris dans la glace: en les étudiant, il complète la troisième révélation: les 5 plateaux représentent le renoncement aux possessions, à l'égo, aux relations, aux émotions et au corps. Frisson général à la lecture de ce dernier pallier. Sanchez tique au renoncement de l'égo - ce serait donc possible, au moins symboliquement? De là, ils se lancent sans plus tarder dans la montée, sous un vent violent. Ils sont lents, Ram attend souvent. Au bout de la journée, ils arrivent au premier plateau. Le vent souffle toujours sur cette étendue de neige et de glace. Ils mettent les tentes, décident avant de dormir de donner un coup de sonde dans la montagne. Repèrent comme un trou, une cavité. A un endroit, il n'y a en fait que quelques dizaines de centimètres de glace puis... une salle?
Ils parviennent à l'ouvrir, tombent sur un espace empli de niches sur les côtés, préservé par cette porte de glace qu'ils ont rompu. Pérez les examinent, y découvre des bijoux, des chaussures. Kavetchine, lui, observe la statue immense placée au bout de la salle: un aigle géant, ailes déployées, semble garder un bloc de cristal sur un piédestal. A ce moment, le coucher de soleil embrase la salle. La lumière se réverbère sur le bloc de cristal de façon étrange, comme si quelque chose bougeait dedans. Des écritures figurent sur le piédestal, parlant de vents criminels, d’enfermement, de possession. Il les envoie à Pizinski qui a lancé un programme de reconstitution et traduction à partir des bouts de texte qu'ils ont déjà. Il faut attendre pour avoir le reste de l'explication: ceux qui dépossédèrent les autres plutôt que de se déposséder sont enfermés ici pour leurs fautes. Qu'est-ce que tout cela peut bien vouloir dire?
Tous s'accordent sur un renoncement symbolique - il aurait été impossible de continuer la montée dans ce froid sans des vêtements, des chaussures, à boire et à manger. Peut-être, comme Alma Mater a prêté leur équipement aux explorateurs, les prêtres prêtaient à ceux qui faisaient l'ascension des tenues, pour qu'ils se dépouillent de ce qui leur appartenait?
Avant de dormir, Kavetchine profite de se croire seul pour déposer ce qui lui appartient - alliance, portefeuille, chaussettes, caleçon - dans une alcôve. Pérez, qui a observé la scène en silence, récupère tout derrière lui, marmonnant contre le vieux.
Le lendemain, nouvelle ascension sous un vent toujours plus violent. Pendant la journée, ils voient d'étranges oiseaux en vol stationnaire au-dessus d'eux. Vers la fin de leur montée du jour, à l'aide de jumelles, ils remarquent que ce sont des morceaux de squelettes attachés à des cerfs-volants... En fin de journée, ils arrivent au deuxième plateau. Le vent est tombé. Il n'y a ni neige ni glace sur le plateau, mais une pierre unie, noire, énorme. Sur la droite et le bord de l'a-pic, trois bites d'amarrage en pierre retiennent des chaines qui cliquètent doucement. Dans un vent que les explorateurs ne peuvent sentir, se balancent trois cerfs-volants, des squelettes y sont attachés. Quel genre de renoncement à l'égo est-ce là? Une autre punition?
Sanchez se penche sur ces bites, s'étonne de la perfection de leur rondeur. Il retire son gant et caresse les écritures qui les ornent. Un sentiment l'envahit, celui d'une humilité énorme.
Sur la gauche, une arche de pierre encadre une nouvelle salle. Ram veut repartir, pense à une malédiction. Tout ceci devrait être sous la glace! Kavetchine le rassérène dans sa langue, ce sont ses ancêtres, il devrait être aux premières loges! Et puis les radios fonctionnent. Ram est tout de même nerveux: quand les vents se taisent, c'est mauvais signe.
A l'intérieur de la salle, un nouvel aigle qui regarde cette fois en l'air, vers un plafond couvert de glace d'où tombent des stalactites. A nouveau le couché de soleil embrase la salle. Et révèle, dans le plafond, un ensemble de signes que Kavetchine ressent au plus profond de lui. Dans le bec de l'aigle, comme si il soufflait dedans, se trouve une flûte. Kavetchine s'en empare avec le simple sentiment que c'est ce qu'il doit faire et souffle les notes qu'il a senties. Il entend une douce réponse étonnée tandis que, pour les autres, un souffle entre et danse autour de Kavetchine. Il se met alors à converser avec les morts du lieu par la langue du vent. Et il acquiert la sensation que seul compte de continuer l'ascension. Ils étaient humains, ce sont maintenant des vents joyeux grâce à l'élévation.
Sanchez arrive dans la salle, voit Kavetchine, aux anges, et Ram, Johnson, Dujardin, Pérez qui le regardent, étonnés. Et tous ces vents qui soufflent autour de Kavetchine. Il demande à Kavetchine sa flûte et souffle. Un souffle qui durera dix minutes sans s'arrêter, car un souffle alimente les poumons de Sanchez, qui peuvent souffler une seule note sans fin tout ce temps. Lui dialogue avec les vents de ceux dont les corps sont dehors, sur les cerfs-volants. Des gens trop humbles, trop sages d'eux-mêmes que pour continuer l'ascension. Ils avaient compris qu'ils n'y arriveraient pas et préférèrent se laisser porter par le vent pour écouter la voix de ceux qui, plus haut, atteignaient l'élévation finale. Et il sent qu'il se lave de son égo tout à coup, que ses prétentions étaient vaines, que seul compte de continuer l'ascencion.
Pérez tente de ramener ses collègues à la raison. Que font-ils? Il faut s'arrêter là, il faut attendre l'expédition. Johnson, Ram et Dujardin l'appuient: ces ruines ne disparaitront pas, arrêtons-nous là, cessons la montée. Ils passeront la nuit et décideront au matin.
Au matin, Ram a disparu. Les explorateurs sont à moitié persuadés qu'ils le verront onduler avec les autres cerfs-volants si ils regardent mais ne trouvent pas trace du guide. Kavetchine et Sanchez s'équipent pour continuer. Dujardin et Johnson demandent à Pérez l'autorisation de les immobiliser - ils ont de la corde, ils peuvent les entraver jusqu'à l'arrivée de l'expédition. La radio n'émet plus, il faut attendre, continuer est de la folie. Pérez hésite, finalement dit aux deux assistants de rester là. Eux trois continuent.
En montant, ils trouveront un troisième plateau où la montagne est percée d'un étrange fût. Ils entreront dans une salle où un escalier à vis les mènera vers un observatoire où ils pourront disserter avec les morts d'entre les étoiles et de l'univers entier. Alors ils sauront...
Epilogue
Diego Sanchez sautera dans le vide - enfn, il laissera tout ce qui le retient tomber. Il voulait un impact sur le monde, marquer, laisser une trace. Futile. Maintenant, enfin, il est.
Boris Kavetchine aidera Diego Sanchez sur ce chemin. Il a compris dès le deuxième plateau, dans ce dialogue avec les vents, qu'il ne sauterait pas. C'est ainsi, il l'a accepté, certains sautent, d'autres aident. Il aidera Alexandra Pizinski sur sa thèse, qu'elle réorientera autour de cette langue première découverte par un beau matin en Himalaya. Mais il aura moins de feu qu'avant. Son centre sera devenu l'homme qui va dans les étoiles, et jusqu'où? Il parcourra le monde en quête de cette nouvelle question. Et depuis son retour de l'Himalaya, il saura parler aux vents.
Daniel Pérez montera avec les autres. Il aidera aussi Diego Sanchez, le relèvera si il chute, l'aidera si il flanche. Et, à l'ultime moment, saura que son ami prend la bonne décision. La société parfaite est donc une société bâtie autour de la mort? La forme parfaite de l'homme est à trouver dans la mort?
Cette expédition marquera un coup médiatique monstrueux et, assailli de questions, Daniel Pérez finira par parler, pour que la thèse des journalistes - folie, suicide ritualisé - ne soit pas celle qui passe à la postérité. Il défendra doucement le choix de son ami, dira qu'en tant que scientifique il faut d'abord accepter qu'on ne sait pas.
Face au matérialisme ambiant - livre, expéditions montées à tout va, vague de suicides du haut d'immeubles ou de montagnes pour rejoindre les vents - dégoûté des hommes, il ne pensera qu'à Alexandra, que cette expérience aura définitivement coupée de lui, comme il se sera coupé de l'humanité. Par moment, il n'aura qu'un regret: que ce matin-là, il n'ait pas sauté.
Retour sur la mécanique
Vous le voyez, la fiction est plus que satisfaisante pour tout le monde. On a tous passés une très bonne soirée. Mais on a eu le sentiment de le devoir plus au jeu des gens réunis qu'à une aide du système et d'ailleurs l'essentiel du plaisir a été éprouvé au dernier tiers de la partie, à partir de la découverte du deuxième plateau, de la flûte, etc. Donc quand le système n'entrait plus vraiment en compte, quand ils n'avaient "plus" qu'à claquer les points accumulés pour obtenir les révélations souhaitées. Je vais tenter un retour point par point.
Le système de création fonctionne bien: on va à l'essentiel, les trous sont vite couverts en jeu, on a assez de matière que pour jouer son explorateur (très rapidement, la spécialisation oriente l'interprétation, les suppositions, etc.). Très bon point.
Le système de jetons donnés puis dépensés n'a pas énormément convaincu. C'est un peu mou, ça manque de piquant. Ce qui est bien, c'est qu'au début ça pousse à faire des suppositions. Mais ça pousse à un jeu en deux temps: 1) on accumule et 2) on dépense. La logique de l'obtention des points va dans le même sens: dans un premier temps on découvre, on suppose, on explore. Puis on commence à trouver, on met le doigt où il faut et c'est le florilège. Peut-être ai-je été trop généreux mais il me semble avoir suivi les indications du livre.
Là où j'ai un problème, c'est qu'en fait le système ne sert à mon sens à rien. Les joueurs devaient s'orienter, faire des suppositions, avec ou sans jetons donnés. Puis, à partir de ces suppositions, ils allaient suffisamment dans le bon sens que pour obtenir des révélations. Et avaient toujours les points requis pour.
Le système de conflit, je n'arrive toujours pas à le comprendre. La mise de pièces pour faire perdre la moitié de son total au joueur et le ralentir mécaniquement tout en racontant en quoi son exploration est mise en péril dans la fiction, ok - même si rien n'indique ce qu'il arrive si plusieurs explorateurs sont confrontés à un même danger. Mais je trouve ça très artificiel, je trouve vraiment ça très faible. Après, à nouveau, comme je comprends mal comment le mettre en oeuvre, je l'évite. En lisant d'autres comptes-rendus, je n'ai pas encore trouvé d'utilisation qui me satisfasse...
Enfin, la préparation rend la tâche du meneur difficile. On donne à la fois beaucoup - dix révélations qui sont vraiment excellentes, j'ai envie de faire jouer 80% des préparations de ruines du livre de base parce qu'elles sont profondes, originales, intelligentes, ... Mais en même temps, il y a très peu - aucun plan, aucune spatialisation des lieux. Peut-être que je l'utilise mal. D'après l'article d'Akantor que tu renseignais, Fabien, il y a une démarche de co-création qui se met en place. Mais dans la pratique, c'est moi qui ai décrit, certes à partir des propositions des joueurs. Je ne sais pas si c'est moi qui l'ai causé mais ils ne faisaient que des suppositions sur ce que je leur disais.
J'ai vraiment l'impression que c'est ce qui est poussé dans les règles: les joueurs font une supposition à propos de ce qu'ils ont sous les yeux, le MJ la valide avec un ou deux points, voire une révélation, ou l'invalide par la narration. Mais je ne vois pas où est-ce que les joueurs sont poussés à proposer du contenu supplémentaire plutôt qu'à tenter une réflexion sur ce que le MJ leur a livré. Du coup le MJ est toujours locomotive et les joueurs toujours wagons.
C'est ça pour moi le noeud du problème: j'ai le sentiment que les joueurs sont placés par le système de récompense dans une dynamique de réaction: le MJ pose une situation, les joueurs font des suppositions sur le sens qu'à cette situation et le MJ récompense quand leur supposition est bonne. Alors forcément, en faisant leur supposition, ils poussent dans un sens mais c'est toujours le MJ qui amène l'élément neuf.
Exemple:
Devant l'arche, les joueurs se sont demandés si il y avait d'autres bâtiments que cette arche et cet escalier. Ils ont donc demandé si on disposait d'un équipement "genre Jurassic Park" pour sonder le sol. Je donne un jeton pour valider et décrit qu'avec l'équipement, ils découvrent les restes de grands bâtiments à quelques mètres sous le niveau du plateau de glace.
Est-ce que j'ai tort? est-ce que j'aurais du leur donner un jeton et leur laisser dire ce qu'ils trouvaient en sondant?
Je ne peux pas m'empêcher de me dire que le risque, en laissant les joueurs ajouter du contenu, c'est qu'ils aillent trop loin, qu'ils "cassent le scénario". Par exemple, dans le cas du coup de sonde, que faire si ils décident du coup de rester là et de déblayer les bâtiments avant de les explorer? On réinjecte les révélations dans la ville sous l'arche? Mais du coup, on perd toute la symbolique de l'escalier, de l'ascension, etc. ?
Conclusion
A l'heure actuelle, je ne sais pas si j'ai encore envie de jouer Sphynx ou pas. D'un côté, l'univers de jeu et la mise en place (la création de personnages, la qualité narrative des préparations) est vraiment géniale. Mais la majorité de la mécanique (les points donnés et reçus, le conflit) me parait inutile ou artificielle. Comme si elle n'était pas adaptée à ce que propose le jeu, qui est vraiment super...
Si tu pouvais éclairer ma lanterne, Fabien, ce serait vraiment bien :)