par Thomas Munier » 23 Fév 2015, 12:03
Alors j'ai playtesté hier.
Le CR ne sera pas dispo avant des semaines, mais je peux déjà vous livrer mes premières conclusions.
J'ai trouvé que le Goupil fonctionnait au-delà de mes espérances, dans le sens, où comme outil de partage des responsabilités, il crée un assentiment que je n'avais pas anticipé. Je m'explique : lors d'une scène, un perso est capturé par des mafieux. Il se retrouve ligoté sur une chaise, un nervi commence par lui mettre des beignes, et le perso se chie littéralement dessus (le joueur me révèle que le perso est sujet à des diarrhées chroniques). En tant que MJ, considérant que le joueur joue en abandon, je lui offre un répit. Le nervi, dégoûté, repart... puis revient avec un seau, une brosse et du savon. Il découpe les fringues du perso et commence à lui brosser le derrière (oui, c'est vraiment une scène épique). Le perso recule avec sa chaise, éclate le nervi contre le mur. Puis il se retourne, début de baston contre le nervi, échange de coups... et ça s'éternise un peu, à mon grand dam. Alors, le Goupil du perso me dit : "là, il devrait réussir à s'échapper".
Du coup, je dis que le nervi est sonné suite à un coup, et que la porte est restée ouverte. Du coup, le perso parvient sort de la pièce. Le reste du repaire des mafieux est vide parce que les autres mafieux sont partis à la recherche des autres persos. Du coup, le perso peut se tailler sans problème et rejoindre ses copains.
ça m'a doublement arrangé parce que ça a mis fin à un combat qui, certes était une super scène (dans le canon d'Arbre, j'entends), mais qui menaçait de tourner à vide, et de l'autre, comme la suggestion de la fuite venait du Goupil et pas de moi, on a pu jouer la scène de la fuite sans que ça pose de problèmes de crédibilité à personne. (l'opportunité vient des pouvoirs magiques du Goupil et de la responsabilité de balance karmique du joueur du Goupil, donc les autres joueurs ont pas moufté).
J'ai l'impression que si on avait été dans un jdr classique, qu'un joueur dise :"c'est bon, il a assez morflé, il devrait s'en tirer maintenant" et que le MJ enchaîne en offrant une opportunité au joueur pour s'en sortir, ça aurait choqué les autres joueurs, et aussi créé un sentiment de jeu illusionniste, du genre "de toute façon, le MJ nous sauve toujours la mise."
J'ai trouvé que les scènes d'action tournaient à vide, et que je devais faire de gros efforts de maîtrise pour en tirer des conséquences fictionnelles.
Ce problème existe sans doute depuis le début, mais comme en exposant clairement l'équilibrisme entre survie et abandon, j'étais débarrassé de mes problèmes de contrat social, j'ai pu me concentrer sur cet autre problème.
En fait, jusqu'à présent, dans Arbre, une baston, c'est comme la chanson de Renaud :
"Il m'a filé une beigne
J'lui ai filé un marron
Il m'a filé une chataîgne
J'y ai filé mon blouson."
Dans cette scène, y'a presque deux coups de trop, et dans Arbre c'est pareil : on enchaine l'échange de mandales jusqu'à ce qu'on trouve quelque chose de plus intéressant à raconter. Comme les joueurs ont acté que le jeu en abandon est encouragé, ils acceptent d'encaisser des blessures spectaculaires (dans cette partie, un perso s'est fait sauté la moitié des dents, par exemple, les persos se sont fait tabasser, étrangler...). Mais la plupart de ces blessures n'avaient pas de conséquence nette sur la fiction. A un moment, un perso se fait écraser la nuque par une lutteuse, je demande un truc disproportionné du genre une semaine de coma. Le joueur concède le coup mais dit qu'il tombe inconscient juste quelques secondes et qu'il aura des séquelles. Séquelles qu'on a jamais jouées.
Je crois le problème vient de la façon dont je découpe l'action : joueur décrit sa position, demande un impact. MJ décrit sa position, et narre l'impact. Puis MJ donne sa nouvelle position, demande un impact au joueur, le joueur narre son impact, et ainsi de suite. En gros, ça correspond à un découpage par actions. ça peut rester valable dans un JDR tradi où les impacts sont quantifiés en points de vie, mais là ça tourne à vide, les persos ont juste de plus en plus de blessures, on les narre, certes, mais ça ne change pas grand chose à leurs capacités. Tu peux dire : "je pisse le sang", "j'ai le nez cassé", "j'ai une côte fêlée", sans que ça ne change rien du tout au final.
Du coup, je vais tester deux changements à l'avenir :
+ Première chose, dans les déclarations d'intentions : le joueur va donner sa position ("je me rue sur le type", "je lui donne un coup de poing", "j'ai la haine contre lui", "je boîte", etc...) puis demander un impact ("je veux casser lui casser le nez") puis préciser les conséquences qu'il atteint ("pour le tuer" , "pour qu'il soit sonné", "pour qu'il abandonne le combat", "pour que le sang l'aveugle", etc...). Parce que là, chaque coup peut avoir des conséquences dans la fiction.
+ Deuxième chose, je vais reprendre à mon compte (en la modifiant) une proposition de Frédéric pour la réponse de l'adversaire : L'adversaire donne sa positon "je tente de parer", "je recule", etc... Ensuite il raconte l'impact et les conséquences. Et pour ça il a deux options seulement : oui mais et non mais.
Oui mais : je valide l'impact et les conséquences demandées mais l'adversaire doit me céder une ouverture. Maintenant que je suis joueur, j'accepte de me faire casser le nez et d'être sonné, le MJ raconte l'ouverture suivante : un autre figurant casse une bouteille sur la tête de l'agresseur et en profite pour entraîner le personnage sonné à l'abri. Le MJ va raconter une ouverture plus ou moins cool selon la dette karmique qu'il pense devoir au personnage, de toute façon s'il est trop ou pas assez généreux, le Goupil et les couleurs équilibreront derrière. Idem, quand le perso frappe un adversaire figurant, si le MJ répond "oui mais", c'est le joueur qui doit proposer une ouverture "OK, donc j'ai réussi à casser le nez au figurant et à le sonner, mais je fuis en laissant tomber mon portefeuille."
Non mais : je n'accepte pas l'impact et/ou les conséquences demandées, mais je raconte un impact et/ou des conséquences différentes. Par exemple : Non, tu ne me casses pas le nez et tu ne me sonnes pas, mais tu me fais sauter deux dents et ça va bien m'handicaper pour mon rendez-vous galant de tout à l'heure.
L'idée c'est d'avoir toujours un effet immédiat (impact) et un effet à long terme (conséquences) pour créer une draisine narrative, qui manque encore au jeu aujourd'hui. Je n'avais pas accepté les propositions de non mais/oui mais de Frédéric dans un premier temps parce que j'étais concentré sur des problèmes de contrat social/crédibilité et ça ne me paraissait pas la solution adéquate pour ça, et aussi parce que dans la proposition de Frédéric, le partage des responsabilités ne me convenait pas.
Dans ma solution actuelle, y'a encore le "oui mais" qui est un peu rigide/extradiégétique en bouche, parce que tu dis oui, et ensuite c'est à ton adversaire de dire mais. L'idée pour que ça glisse mieux, c'est que quand un joueur répond "oui", le MJ enchaîne avec le "mais" sans que le joueur ait besoin de l'y inviter, et en retour ça amènera pour le joueur l'habitude de répondre "mais" à un "oui" du MJ sans qu'il ait besoin de l'y inviter.
Cette combinaison position/impact/conséquences + oui mais/non mais a surtout vocation de créer une draisine narrative et un meilleur positionnement (mais en fait, c'est quasiment synonyme : un bon positionnement crée une draisine narrative, dans le sens où chaque action a des conséquences).
Ceci dit, elle semble aussi apporter un nouveau balancier qui vient compléter le système de balancier intention de jeu / couleurs / survie-abandon / goupil / vote des joueurs en fin de séance.
Une toute dernière modification :
Lors du vote en fin de partie, les joueurs ne votent plus pour l'élément du scénario le plus et le moins intéressant, mais l'élément qu'ils vont oublier et celui qui a marqué leur mémoire. Plus intradiégétique, et plus raccord avec le canon de l'univers (syndrome de l'oubli). Comprendre derrière que le MJ est invité à passer sous silence les éléments oubliés et à remettre en valeur les éléments marquants lors de la prochaine séance.